Je ne découvre ce sujet qui me passionne que maintenant. A mon tour d’apporter mon grain de sel…
Narduccio a écrit :
Il y a eu une guerre civile vers 1847 : la guerre du Sonderbund (il y a eu moins de 100 morts lors des combats) . Et ils ont changé de système politique un peu après.
La Constitution fédérale de 1848 est en effet le moment fondateur de la Suisse « moderne » et le système politique actuel date de cette période. Il y a bien sûr eu une évolution depuis (ajout du suffrage universel, proportionnalité, droit de vote des femmes, ajout d’un nouveau canton, etc.). La comparaison est hasardeuse, mais en gros la Suisse est encore dans sa 1e République. Cela ne veut bien entendu pas dire que la Suisse a été créée à ce moment là. Le territoire tel qu’actuel date de 1815 et l’héritage du Corps helvétique, qui s’et construit au fil des siècles a bien entendu joué un rôle important, par exemple pour des raisons identitaires.
D’ailleurs, cette constitution s’appuie sur un certain nombre d’acquis datant de périodes antérieures. Une partie vient de la période de la « République helvétique » ; comme l’a justement rappelé christian27. Mais il faut également mentionner la période dite de la « Régénération », durant les années 1830-1840, qui voit de nombreux cantons adopter de nouvelles constitutions libérales et qui conduit au Sonderbund (plus d’info ici :
http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F9800.php). Ces nouvelles constitutions font vraiment entrer les cantons dans une certaine modernité, par exemple avec la fin d’impôts moyenâgeux, la liberté de commerce ou d’établissement pour les autres Suisse, la fin des privilèges, etc. Parallèlement, les cantons ont signé un certain nombre de concordats (un phénomène qui existe d’ailleurs toujours de nos jours) afin de faciliter les échanges, ce qui a rendu les pratiques entre cantons plus cohérentes. La constitution de 1848 est donc une application au niveau fédéral de ces acquis.
Alex67 a écrit :
Oui, la Suisse a aussi connu des révolutions/révoltes, à peu près à la même époque qu'en France.
Avant, le système était surtout aristocratique.
Les éléments présentés ci-dessus permettent d’invalider cette thèse. Il y a certes eu une longue domination des élites (même si la Suisse n’a pas une vraie tradition « aristocratique »). Mais depuis le Pacte de 1815, datant de la Restauration, et 1848, il y a donc eu cette évolution très importante.
Christian27 a écrit :
A mon avis il y a eu deux phases démocratiques qui ont fait la Suisse. La première a eu lieu lors de la guerre de libération entreprise par les habitants entourant le lac des Quatre cantons, soit Uri, Schwyz et Unterwald. Les 3 batailles toutes gagnées contre les Habsbourg, soit Morgarten, Sempach et Naeffels ont rendu ces habitants totalement libres, fait exceptionnel. Il y a alors eu vraiment à ce moment une démocratie avec les Landsgemeinde, càd un rassemblement des hommes qui votaient à mains levées.
Concernant les origines de la Landsgemeinde, je recommande cet article :
http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F10239.phpIl permet de remettre les choses dans leur contexte. Tout d’abord, ces assemblées avaient un pouvoir universel en l’absence de séparation des pouvoirs. Si le terme démocratie est utilisé, il ne s’agit donc pas de démocratie telle qu’on l’entend avec les 3 pouvoirs qui offrent une sorte de balance.
Ensuite, le droit d’y participer n’était pas universel, loin de là. Sans même parler de droit de vote des femmes, ne pouvaient y participer que les hommes aptes au service militaire et jouissant des droits civiques (l’article précise « qu’il ait hérité ou acheté la bourgeoisie »). Il s’agit donc d’une restriction importante à la démocratie telle qu’on l’entend. Par contre, je ne sais pas à quel pourcentage de la population masculine cela réduisait le nombre d’hommes en droit d’y participer. Il faudrait creuser la question.
Avant dernier point, la Landsgemeinde est inférieure à nos démocraties actuelles car le vote était public. La vérité de l’isoloir n’est pas celle du vote à main levée….
Enfin, je précise que ces hommes n’étaient pas tout à fait libres (le concept de liberté à l’époque différait d’ailleurs de nos définitions actuelles) et totalement indépendants, mais bien qu’ils bénéficiaient de l’immédiateté impériale. Ce qui en soit représentait certes une indépendance bien plus grande que la mainmise des habsbourg…
Laissons l’auteur de l’article conclure : « La présence d'une landsgemeinde n'empêcha pas celle d'une classe dirigeante, ni dans les cantons campagnards, ni aux Grisons, ni en Valais. Mais elle s'opposa à la formation d'un patriciat seul admis au gouvernement. Les milieux dirigeants ne purent jamais se passer d'un consensus du peuple. »
Christian27 a écrit :
Aujourd’hui certains historiens suisses minimisent la guerre de libération du 13è 14è siècle, moi je pense qu’au contraire sans ces combats il n’y aurait pas eu de Suisse. On en serait à ce que voulait Kadhafi, il y a quelques mois en arrière…le démantèlement de la Suisse…m’est avis que….
Le sujet n’est pas de savoir s’il y aurait eu une Suisse ou pas, mais bien de savoir de quand date la démocratie. Et force est de constater que les pratiques politiques des 13e et 14e sont bien différentes de celles qui sont actuellement en vigueur. Maintenant, quant à savoir si notre démocratie actuelle est héritière de ces périodes anciennes, on ne peut pas vraiment répondre par l’affirmative.
Certes il y a eu des parallèles faits. Mais en revenant sur la genèse de ces parallèles et en étudiant la construction de l’identité suisse au 19e siècle, on remarque que la reprise a été faite pour des raisons politiques, identitaires, parfois sciemment mais sûrement aussi avec bonne foi chez d’autres. Mais si ces références existent, il faut bien se rendre compte que la démocratie actuelle découle d’une véritable vision philosophique et politique de ce que doit être la démocratie. Cette dernière se fonde actuellement sur l’idée que tous les citoyens sont égaux et ont les mêmes droits, ce qui n’était pas du tout le cas aux 13 et 14e siècles. En ce sens, elle est bien plus une héritière des lumières que du Moyen-Âge.