Huyustus a écrit :
L'égalité n'a aucun rapport avec l'état de droit. On peut fort bien concevoir une société régie selon les règles de l'état de droit, et dans laquelle les citoyens ne seraient pas égaux, non seulement dans les faits, mais aussi en droit.
De même, l'état de droit n'implique pas forcément la démocratie, et réciproquement.
Huyustus a écrit :
Les citoyen sont égaux devant la loi, mais cela ne signifie pas qu'ils jouissent tous des mêmes droits. C'est déjà le cas en France, qui est pourtant un état de droit : les mineurs n'ont pas tous les droits civiques des adultes ; la couverture sociale et la retraite auxquelles vous avez droit dépendent du métier que vous faites, de nombreuses aides de l'état sont conditionnées à des plafonds de ressources ; il y a trente ans, la France était déjà un état de droit, et pourtant, une femme mariée ne pouvait pas ouvrir un compte en banque sans l'accord de son mari, la réciproque n'étant pas vraie, etc...
Huyustus a écrit :
Il faut nuancer au sujet des pays communistes qui en effet étaient pourvus d'un Droit, mais ne fonctionnaient pas sous le régime de l'Etat de Droit. La séparation des pouvoirs n'y avait pas cours...
C'est très intéressant que vous justifiiez ainsi l'Etat de droit, parce que je pense que c'est vraiment l'interprétation qu'on en a aujourd'hui couramment, une interprétation que je qualifierais, si vous me le permettez, de "libérale".
Disons d'abord que le fait qu'il existe des inégalités statutaires, juridiques, économiques ou sociales dans un Etat de droit est un fait. Mais si dans un Etat de droit, deux individus ne voient pas les mêmes droits leur être reconnus,
a priori, c'est parce qu'ils ne sont pas tous deux citoyens au même titre. Pour reprendre vos exemples, un mineur n'est pas un citoyen. Une femme il y a 30 ans n'était pas une citoyenne. Ils étaient/sont considérés comme soumis à l'autorité du chef de famille, et non juridiquement responsables devant l'Etat, et par conséquent, n'avaient pas non plus le droit de vote (par exemple).
(De même, d'ailleurs, que la démocratie athénienne reconnaissait bien l'égalité des citoyens, quoique, simplement, tout le monde n'était pas citoyen).
Mais c'est surtout intéressant parce que Kelsen a beaucoup écrit sur la distinction à faire entre ce qu'il appelait le "principe démocratique" et le "principe libéral". Selon Kelsen, l'Etat de droit qualifie en effet un état démocratique.
Pour Kelsen, l'Etat de droit est tout entier le droit, en tant que hiérarchie des normes reposant sur une loi fondamentale telle que l'explique à peu près le texte que vous avez trouvé. On peut dire que c'est ce qui garantit que l'action de l'Etat est faite
en conformité avec le droit. A l'inverse, le libéralisme situe en quelque sorte le droit
à l'extérieur de l'Etat, en tant que limitant son action. La liberté individuelle et le principe de séparation des pouvoirs sont, selon Kelsen, des
entraves à l'action de l'Etat -et de fait, c'est bien ainsi qu'ils furent conçus, il s'agissait à l'origine de limiter le pouvoir du Prince. L'horizon de la doctrine libérale, selon Kelsen, c'est donc une société d'individus et d'intérêts économiques sans Etat, une anarchie.
Par conséquent, selon Kelsen, la doctrine de l'Etat de droit, démocratique, est à
opposer à la doctrine libérale, apolitique. Hayek ne s'y trompera pas et rangera le "positivisme juridique" de Kelsen parmi les doctrines "socialistes".