A vrai dire je pensais surtout à la période contemporaine, mais merci pour ces précisions « antiques ». Et il y a bien des entités qui ont accordé le droit de vote aux femmes au XVIIIe siècle déjà. Si l’on se penche sur le XXe siècle, on remarque que cette évolution a été refusée par plusieurs parlements, par exemple en France en 1906, 1919, 1922, etc. Le droit de vote des femmes sera ainsi accordé en 1944 par le Comité français de la libération nationale. (une chronologie ici :
http://www.assemblee-nationale.fr/histo ... ologie.asp). Cet acquis s’est effectué sans votation populaire.
Il y a eu une vague d’acceptation de ce droit à la fin de la Grande Guerre, en 1918 et 1919. L’exemple le plus fameux est sans doute celui de la Grande Bretagne et son Representation of the People Act. Mais il faut également mentionner l’Allemagne, le Canada, les Etats-Unis (un peu plus tard je crois).
Dans la plupart des cas, ce sont les Parlements qui ont accordé ce droit sans votation populaire. Je ne sais pas s’il y a eu des études d’opinion parmi la population masculine pour savoir si les hommes étaient en faveur de ce droit. Mais il est clair qu’il y a eu des mouvements de contestations contre ces revendications ou contre les suffragettes, et ces mouvements comprenaient aussi des femmes. Il faut également mentionner les critiques faites envers les suffragettes par de nombreuses femmes (qui ne se reconnaissaient pas dans ce mouvement principalement constitué d’aristocrates). Il est ainsi très difficile de savoir si ce droit aurait été accordé dans ces pays si la demande en avait été formulée au peuple (ou plutôt aux hommes…)
D’un autre côté, en Suisse, il aura fallu attendre 1971 pour que le droit de vote aux femmes soit accordé au niveau fédéral. L’un des raisons avancées par les historiens pour expliquer ce retard par rapport aux autres pays occidentaux est celle de la démocratie directe. En effet, c’est une votation populaire qui, en 1971, a accordé ce droit.
Mais ce vote a été précédés d’autres votations cantonales (après la Grande guerre dans plusieurs cantons) et fédérales, en 1957, où les hommes avaient à chaque fois voté contre (il y a un petit historique des votations ici :
http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F10380.php) Le cas de 1957 est intéressant puisque „En 1957, comme la controverse publique menaçait le projet de protection civile, le Conseil fédéral présenta un projet de votation sur le suffrage féminin. Avec le soutien des parlementaires opposés à celui-ci, qui voulaient provoquer un refus populaire, dont ils se sentaient assurés, le projet passa la rampe des deux Chambres en 1958.“ (ibid). Et en effet, le projet fut refusé par le corps des votants à presque 67%. Je me rappelle d’ailleurs d’une séance de séminaire où nous avions abordé quelques-uns des argumentaires présentés lors de ces différents scrutins. Et il est intéressant de les remettre dans le contexte de l’époque, de voir à quel point l’opposition venait aussi de milieux féminins, et à quel point la démocratie directe a été un frein.
Pourtant, en Suisse comme ailleurs, la société avait évolué avec, par exemple, pendant la Première Guerre mondiale, non pas la mise au travail des femmes, mais un transfert vers des postes plus intéressants. La société avait donc autant évolué que dans les autres pays où ce droit a été accordé plus tôt.
D’où, en conclusion, ma comparaison. Dans le cas du droit de vote des femmes au XXe siècle, il est légitime de penser/supposer que les lois de nombreux pays ont devancé les mentalités et que, comme ce fut le cas en Suisse, le « peuple », du moins ceux qui avaient le droit de vote, n’était pas prêt à franchir le pas.