Nous sommes actuellement le 23 Avr 2024 12:46

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 5 message(s) ] 
Auteur Message
Message Publié : 07 Avr 2013 19:14 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 08 Déc 2009 18:21
Message(s) : 1303
Bonsoir à tous,

une récente affaire (je ne la nomme pas mais vous saurez tous de laquelle je parle) a mis en lumière la question de l'offense au chef de l'état considéré comme un délit.

Cela m'a interrogé sur l'origine de ce délit. Il apparaît qu'il s'agit d'un article de la fameuse loi sur la liberté de la presse de 1881. Ce qui permet de comprendre l'origine de cette disposition. Mais qu'en est-il advenu ? Si l'on croit l'article de Wiki, de Gaulle l'aurait utilisé près de 500 fois et Pompidou une. Cela me paraît bizarre, avons nous des détails ?

La question plus large que cela me pose est l'évolution des notions des crimes de lèse-majesté dans les républiques et les monarchies après 1789 ? Cela pose aussi la question de sa définition à cette date.

Il y a bien eu la question du crime de lèse-nation e 1789 à 1791. Mais il me semble que cela mériterait un développement sur un sujet propre. Pour cette question précise : http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... _14_4_1200

Merci pour vos éclaircissements

_________________
"Il n'y a point de place faible, là où il y a des gens de coeur." Pierre du Terrail

"Qui est le numéro 1 ?
Vous, Numéro 6. " Le Prisonnier


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Avr 2013 18:41 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 13 Mars 2010 20:44
Message(s) : 2197
N'y a-t-il pas eu sous la Troisième République des particuliers souffletant le président de la république et donc susceptibles d'être poursuivis pour "offense au chef de l'Etat" ?

_________________
il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 13 Avr 2013 21:18 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 08 Déc 2009 18:21
Message(s) : 1303
Bourbilly21 avez-vous des exemples précis ?

Pour revenir sur ma question :
L'offense comme délit est « défini » dès la Restauration. Il apparaît en réaction à l'article 8 de la Charte constitutionnelle. Mais défini est vite dit, car contrairement à la diffamation et à l'injure définit légalement en 1819. « Ainsi rien n'est offense, mais tout peut le devenir ». Pour mieux comprendre, je vous cite ici les articles 9 intitulé « Des offenses publiques envers la personne du Roi » et l'article 1.

Citer :
Chapitre 3 : Des offenses publiques envers la personne du Roi.

Art. 9 : Quiconque, par l'un des moyens énoncés en l'article 1er de la présente loi, se sera rendu coupable d'offenses envers la personne du roi, sera puni d'un emprisonnement qui ne pourra être de moins de six mois, ni excéder cinq années, et d'une amende qui ne pourra être au-dessous de 500 Francs, ni excéder 10 000 Francs.

Le coupable pourra, en outre, être interdit de tout ou partie des droits mentionnés en l'article 42 Code pénal, pendant un temps égal à celui de l'emprisonnement auquel il aura été condamné : ce temps courra à compter du jour où le coupable aura subi sa peine.


Citer :
Art. 1er : Quiconque, soit par des discours, des cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, des imprimés, des dessins, des gravures, des peintures ou emblèmes vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards et affiches exposés aux regards du public, aura provoqué l'auteur ou les auteurs de toute action qualifiée crime ou délit à la commettre, sera réputé complice, et puni comme tel.



Exemple d'offense : en 1833, les élèves du collège royal de Versailles sculpte une boule de neige en forme de poire. Un élève finira en prison.

En 1881, comme en 1819, la question du délit d'offense est soulevée en relation avec la prétendue trop grande liberté des journalistes. Mais la question du maintien fait débat, car si elle est nécessaire pour certains, pour d'autres et notamment les radicaux, elle relève plus du lèse-majesté que de la République.

Voici la définition du délit d'offense au chef de l'état article 26 de la loi de 1881 :
Citer :
L'offense au président de la République par l'un des moyens énoncés dans l'article 23 et dans l'article 28 est punie d'un emprisonnement de trois mois à un an et d'une amende de 100 francs à 3000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement.


Les articles 23 et 28 :

Citer :
Seront punis comme compliques d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publiques, soit par des écrits, des imprimés, vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publiques, soit par des placards ou affiches exposés au regard du public, auront directement l'auteur ou les auteurs à commettre la dite action si la provocation a été suivie d'effet.
Cette disposition sera également applicable lorsque la provocation n'aura été suivie que d'une tentative de crime prévue par l'article 2 du code pénal.


Citer :
L'outrage aux bonnes moeurs commis par l'un des moyens énoncés dans l'article 23 sera puni d'un emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de 16 francs à 2000 francs.
Les mêmes peines seront applicables à la mise en vente, à la distribution ou à l'exposition de dessins, gravures, peintures, emblèmes ou images obscènes. Les exemplaires de ces dessins, gravures, peintures, emblèmes ou images obscènes exposés au regard du public, mis en vente, colportés ou distribués seront saisis.

Texte de la loi en ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5818350m/

Vous noterez que l'article 23 de 1881 ressemble étrangement à l'article 1er de la loi de 1819....

J'ai pris ces éléments au sein de l'article d'Aurélie Billebault, "Pardonnez nous nos offenses...", sur les atteintes à la déférence envers le chef de l'État dans la France du XIXème, in Communications, 2000, pp.139-156 disponible en ligne ici
http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... _69_1_2052

Il en résulte que :
- l'offense est considérée par les autorités comme une innovation légale, mais n'est qu'une reprise du crime de lèse-majesté
- l'offense naît pour combattre une hypothétique malveillance de la presse
- l'offense au chef d'Etat est toujours accompagné de l'offense au chef d'Etat étrangers

D'ailleurs sur ce dernier point, les articles de la loi de 1881 ont été abolis en ... 2004.
Pour ceux que cela intéresse, un article de Jean-François Marinus paru en 2004 Pratique britannique face aux offenses écrites envers les souverains étrangers, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècles
http://ahrf.revues.org/1348

_________________
"Il n'y a point de place faible, là où il y a des gens de coeur." Pierre du Terrail

"Qui est le numéro 1 ?
Vous, Numéro 6. " Le Prisonnier


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 13 Avr 2013 22:40 
Hors-ligne
Georges Duby
Georges Duby
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 27 Juil 2007 15:02
Message(s) : 7445
Localisation : Montrouge
Extrait de l'exposé des motifs d'une proposition de loi de 2008 (Mélanchon):
" On comprend donc pourquoi le mouvement philosophique des Lumières, qui est à l'origine de notre République, a été particulièrement critique envers le « crime de lèse-majesté ». Il l'a considéré comme un instrument contre le libre exercice de la raison et la libre expression des opinions. Montesquieu consacre par exemple de nombreuses pages de l'Esprit des Lois à dénoncer l'usage abusif du crime de lèse-majesté par les monarques. Il démontre notamment : « c'est assez que le crime de lèse-majesté soit vague, pour que le gouvernement dégénère en despotisme » (chapitre 7 du livre 12 de L'Esprit des Lois). Et il montre dans le chapitre 18 du livre 12 de L'Esprit des lois « combien il est dangereux dans les républiques de trop punir le crime de lèse-majesté ».
Cesare Beccaria, le grand penseur des Lumières en matière de justice, consacre également un chapitre au crime de lèse-majesté dans Des délits et des peines. Il y dénonce lui aussi les abus entourant cette incrimination : « la tyrannie et l'ignorance ont donné ce nom de lèse-majesté à une foule de délits de nature très différente », ajoutant que « dans cette occasion comme dans mille autres, l'homme est souvent victime d'un mot ».
Il faudra finalement attendre la révolution de 1830 pour que le lent travail des Lumières aboutisse à l'abrogation pure et simple du « crime de lèse-majesté » dans le code pénal. Avant que celui-ci ne soit malheureusement ressuscité sous le nom d' « offense au Président » par la IIIe République. "
il y a un manque probable pour la période du second empire.
En droiit pénal, il faut être prudent car lorsqu'un délit est supprimé, rien ne dit qu'on n'utilise pas, avec le meme résultat, un autre délit étendu par la jurisprudence pénale, à partir par exemple du délit d'injure ou de diffamation, aggravé et puni du maximum.
Sous la restauration, on comprend qu'une suppression du délit de lèse-majesté soit intervenue, car la presse se déchainait dans les caricatures, spécialement de Louis-Philippe en gros bonhomme au visage de poire et poursuivre devenait difficile. Par contre instruire pour injure était plus facile. C'est un délit matériel.
Le problème de l'offense au chef de l'Etat était que déposer plainte était mal vu du public et mis en exergue par la presse comme la marque d'un esprit mesquin et surtout une atteinte à la liberté de la presse et de l'opinion. L'esprit frondeur tend plutot à blamer des poursuites et en cas de condamnation à inciter à provoquer la haute autorité à nouveau.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 13 Avr 2013 22:47 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 09 Juin 2010 14:22
Message(s) : 2087
Il y a bien le bay d'Alger qui aurait envoyé un soufflet au visage d'un ambassadeur français. Cela a été payé au prix de la conquête de l'Algérie. L'ambassadeur représente le chef de l'État. Mais vous ne pouvez pas l'utiliser dans le cadre de votre devoir car il ne s'agit pas d'un sujet du roi de France. C'est donc difficile de parler de lèse-majesté dans ce cas.

Bien à vous.

_________________
et tout le reste n'est que littérature


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 5 message(s) ] 

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 10 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB