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Gestes symboliques pour transfigurer l'échec (1789-1870) http://www.passion-histoire.net/viewtopic.php?f=84&t=39294 |
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Auteur : | Jerôme [ 19 Juil 2016 21:26 ] |
Sujet du message : | Gestes symboliques pour transfigurer l'échec (1789-1870) |
Nous avons tous en tête les celebrissimes adieux de Fontainebleau : la cour du cheval blanc, l'excalier en fer à cheval, un empereur usé, des grognards bouleversés et pour parachever le tout, après un discours émouvant, ce geste inouï, embrasser le drapeau. Autrement dit transfigurer une déroute pour en faire un quasi triomphe ! Je n'ai pas le souvenir d'une cérémonie ou de gestes équivalents des autres souverains déchus : ni Louis XVI le 10 août, ni Charles X en 1830, ni Louis Philippe en 1848, ni le neveu en 1870 n'ont imaginé un geste symbolique permettant de créer une image légendaire de leur départ. On peut même dire queMarie Antoinette avec ses brioches et Louis XVI coiffé du bonnet rouge se sont au contraire couverts de ridicule. Comment expliquer cette absence de sens de la mise en scène et de la phrase historique à une époque ou le savoir mourir était un art respecté - voyez la mort de Louis XIV : "je m'en vais mais l'Etat demeurera toujours" ? Une mention pour Robespierre : les circonstances de son arrestation l'ont privé de la parole. Danton aurait fait un bon mot ("tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine") ! Du côté royaliste il y a certes la belle phrase du confesseur du Roi "Fils de Saint Louis montez au Ciel". Mais bon il ne parlait pas de lui. |
Auteur : | Narduccio [ 19 Juil 2016 22:35 ] |
Sujet du message : | Re: Gestes symboliques pour transfigurer l'échec (1789-1870) |
Oui, et ? On peut savoir où vous désirez aller avec ce bric-à-brac ? |
Auteur : | Drouet Cyril [ 20 Juil 2016 8:08 ] |
Sujet du message : | Re: Gestes symboliques pour transfigurer l'échec (1789-1870) |
Jerôme a écrit : Nous avons tous en tête les celebrissimes adieux de Fontainebleau : la cour du cheval blanc, l'excalier en fer à cheval, un empereur usé, des grognards bouleversés et pour parachever le tout, après un discours émouvant, ce geste inouï, embrasser le drapeau. Autrement dit transfigurer une déroute pour en faire un quasi triomphe ! Une semaine plus tôt, tout aurait pu s'achever dans l'agonie solitaire d'un suicide... Et, un an plus tard, les départs de l'Elysée et de la Malmaison auront beaucoup moins de panache que les célébrissimes adieux de Fontainebleau. Jerôme a écrit : On peut même dire queMarie Antoinette avec ses brioches et Louis XVI coiffé du bonnet rouge se sont au contraire couverts de ridicule. On n'était pas là sur l’échafaud. A cette heure, son "Je meurs innocent de tous les crimes qu'on m'impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort. Je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France" eut plus d'allure. Pour revenir à la journée du 20 juin 1792, on trouve ceci chez Bourrienne (Mémoires) : « Pendant ce temps d'une vie un peu vagabonde, arriva le 20 juin, sombre prélude du 10 août ; nous nous étions donné rendez-vous pour nos courses journalières, chez un restaurateur, rue Saint-Honoré, prés le Palais-Royal. En sortant, nous vîmes arriver du côté des halles une troupe que Bonaparte croyait être de cinq à six mille hommes, déguenillés et burlesquement armés, vociférant, hurlant les plus grossières provocations , et se dirigeant à grands pas vers les Tuileries. C'était, certes, ce que la population des faubourgs avait de plus vil et de plus abject. Suivons cette canaille, me dit Bonaparte. Nous prîmes les devants, et nous allâmes nous promener sur la terrasse du bord de l'eau. C'est de là qu'il vit les scènes scandaleuses qui eurent lieu. Je peindrais difficilement' le sentiment de surprise et d'indignation qu'elles excitèrent en lui. Il ne revenait pas de tant de faiblesse et de longanimité. Mais lorsque le roi se montra à l'une des fenêtres qui donnent sur le jardin, avec le bonnet rouge que venait de placer sur sa tête un homme du peuple, l'indignation de Bonaparte ne put se contenir. Che coglione, s'écria-t-il assez haut, comment a-t-on pu laisser entrer cette canaille? Il fallait en balayer quatre ou cinq cents avec du canon, et le reste courrait encore. » A-t-il prononcé ces mots ? difficile à dire. A l’époque, dans sa lettre écrite à Joseph deux jours plus tard, il employa des termes plus policés : « Les jacobins sont des fous qui n’ont pas le sens commun. Avant-hier, sept à huit mille hommes, armés de piques, de haches, d’épées, de fusils, de broches, de bâtons pointus, se sont portés à l’Assemblée pour y faire une pétition. De là ils ont été chez le roi. Le jardin des Tuileries était fermé et 15 000 grades nationaux le gardaient. Ils ont jeté bas les portes, sont entrés dans le palais, ont braqué les canons contre l’appartement du roi, ont jeté à terre quatre portes, ont présenté au roi deux cocardes, une blanche et l’autre tricolore. Ils lui ont donné le choix. Choisis donc, lui ont-ils dit, de régner ici ou à Coblentz. Le roi s’est bien montré. Il a mis le bonnet rouge. La reine et le prince royal en ont fait autant. Ils ont donné à boire au roi. Ils sont restés quatre heures dans le palais. Cela a fourni ample matière aux déclarations aristocratiques des Feuillantins. Il n’en est pas moins vrai cependant que tout cela est inconstitutionnel et de très dangereux exemple. Il reste bien difficile de deviner ce que deviendra l’empire dans une circonstance aussi orageuse. » Porter les couleurs de l’adversaire aux heures sombres, Napoléon lui aussi l’a fait. C’était sur le chemin de l’île d’Elbe pour échapper, incognito, aux foules haineuses de Provence. Villepin (Les Cent Jours ou l’esprit de sacrifice) a fait le rapprochement : « A cet instant, l’assaillent les images du Paris populaire et jacobin de 1792, et ses meneurs affublant Louis XVI du bonnet phrygien. Cette fois, le roi moqué, c’est lui ; comme l’infortuné monarque, il doit courber l’échine, mettre un genou à terre devant la foule hostile. » Déguisements peu glorieux qui tranchent franchement avec la bien plus célèbre scène de la cour du Cheval blanc… |
Auteur : | bourbilly21 [ 20 Juil 2016 18:21 ] |
Sujet du message : | Re: Gestes symboliques pour transfigurer l'échec (1789-1870) |
et sauf erreur, Marie Antoinette n'est pas directement concernée par les brioches ! |
Auteur : | Jerôme [ 20 Juil 2016 19:13 ] |
Sujet du message : | Re: Gestes symboliques pour transfigurer l'échec (1789-1870) |
Drouet Cyril a écrit : Jerôme a écrit : Nous avons tous en tête les celebrissimes adieux de Fontainebleau : la cour du cheval blanc, l'excalier en fer à cheval, un empereur usé, des grognards bouleversés et pour parachever le tout, après un discours émouvant, ce geste inouï, embrasser le drapeau. Autrement dit transfigurer une déroute pour en faire un quasi triomphe ! Une semaine plus tôt, tout aurait pu s'achever dans l'agonie solitaire d'un suicide... Et, un an plus tard, les départs de l'Elysée et de la Malmaison auront beaucoup moins de panache que les célébrissimes adieux de Fontainebleau. On n'était pas là sur l’échafaud. A cette heure, son "Je meurs innocent de tous les crimes qu'on m'impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort. Je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France" eut plus d'allure. Porter les couleurs de l’adversaire aux heures sombres, Napoléon lui aussi l’a fait. C’était sur le chemin de l’île d’Elbe pour échapper, incognito, aux foules haineuses de Provence. Villepin (Les Cent Jours ou l’esprit de sacrifice) a fait le rapprochement : « A cet instant, l’assaillent les images du Paris populaire et jacobin de 1792, et ses meneurs affublant Louis XVI du bonnet phrygien. Cette fois, le roi moqué, c’est lui ; comme l’infortuné monarque, il doit courber l’échine, mettre un genou à terre devant la foule hostile. » Déguisements peu glorieux qui tranchent franchement avec la bien plus célèbre scène de la cour du Cheval blanc… Bien vu. Napoléon a bénéficié d'une image épique rejetant dans l'ombre les aspects peu glorieux. Mais est ce un hasard ou une démarche habile de sa part ? L'extrait cité de Louis XVI me semble très beau : l'a t il vraiment dit ? Pour le reste Louis Philippe et Charles x n'étaient pas incultes ni mal entourés. Leur incapacité à trouver un geste symbolique susceptible de laisser un souvenir émouvant à défaut d'etre heureux, est elle révélatrice de leur éducation? De l'archaïsme de leur conception de la royauté, incapable de communiquer avec ses contemporains ? |
Auteur : | Pierma [ 20 Juil 2016 19:47 ] |
Sujet du message : | Re: Gestes symboliques pour transfigurer l'échec (1789-1870) |
Charles X qui se fait jeter dehors en trois jours, parce qu'il n'a même pas pensé à se garantir contre l'émeute, alors qu'il entend imposer des textes dont personne ne veut, franchement, quelle parole historique pouvait-on en attendre ? "Oups, j'avais pas pensé à ça" ? |
Auteur : | Barbetorte [ 20 Juil 2016 23:24 ] |
Sujet du message : | Re: Gestes symboliques pour transfigurer l'échec (1789-1870) |
bourbilly21 a écrit : et sauf erreur, Marie Antoinette n'est pas directement concernée par les brioches ! De plus,la phrase est apocryphe : https://fr.wikipedia.org/wiki/Qu%27ils_mangent_de_la_brioche
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Auteur : | A 25 [ 23 Juil 2016 14:05 ] |
Sujet du message : | Re: Gestes symboliques pour transfigurer l'échec (1789-1870) |
J'ose suggérer quelques voies d'interprétation cher Jérôme au phénomène que nous notez à juste titre. Napoléon, c'est l'évidence, avait le sens de la muse en scène et de la formule : Arcole, les pyramides, ...et il savait faire diffuser la version des événements qui le mettait en valeur. Ce militaire ne limitait pas sa stratégie aux champs de bataille mais voulait aussi conquérir l'opinion publique. En outre ce lecteur de Rousseau était peut être imprégné d'une certaine sensibilité pré romantique qui explique qu'il ne recule pas devant l'émotion - celle des autres ou la sienne propre. Louis XVIII était incapable de gestes émouvants du fait de son handicap. Mais ses courtisans ont beaucoup pleuré le 19 mars 1815 ... Charles X était assez bête : son entrée à Paris en 1814 ("rien n'est changé sinon qu'il y a un Francais et plus en France) a été réécrite par Talleyrand (souvenir de lecture de Waresquiel) car le comte d'Artois n'a rien su dire en réalité ... Louis Philippe était trop âgé et trop lucide en 1848 pour se fatiguer à laisser une image positive à la postérité. Napoléon III en 1870 était très malade et probablement dépressif. Je crois aussi que Bismarck avait pris soin d'empêcher toute cérémonie grandiose (du type Vercingetrorix se rendant à César...). Au delà de ces explications particulières propres aux circonstances, peut on élargir le propos à l'éducation des souverains et à la conception qu'ils se faisaient de leur fonction et de leur rapport au peuple ? Peut être...ce serait à creuser... |
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