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Le sondage d'opinion : tour d'horizon
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Auteur :  Rico Ratso [ 01 Déc 2018 7:22 ]
Sujet du message :  Le sondage d'opinion : tour d'horizon

Bonjour,

dans le but de dissiper le voile de mystère qui masque cet intriguant outil à mon entendement, je suis à la recherche d'informations sur le sondage d'opinion : que peut-on dire de sa base scientifique, sa relation au pouvoir à travers les époques et les régimes, son influence sur la vie publique ? A quoi et à qui sert ce drôle de coucou ?

Voici trois des liens que j'ai déjà eu l'occasion de consulter :

http://www.vie-publique.fr/actualite/fa ... s-opinion/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sondage_(statistique)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sondage_d%27opinion

P.s: Toute anecdote liée au sujet est bienvenue, la petite histoire apportant à mes yeux un éclairage complémentaire sur des sujets parfois arides pour le néophyte.

Cordialement,

Rico Ratso

Auteur :  Dalgonar [ 01 Déc 2018 8:49 ]
Sujet du message :  Re: Le sondage d'opinion : tour d'horizon

Rico Ratso a écrit :
que peut-on dire de sa base scientifique, sa relation au pouvoir à travers les époques et les régimes, son influence sur la vie publique ?


Bonjour,

Sujet très intéressant! Sur la base scientifique, je dirai simplement que les progrès en théorie des mathématiques statistiques, et l'essor des technologies de calcul informatiques, sont tels que les données statistiques et les marges d'erreur sont très fiables. A partir d'une certaine base d'échantillon, il est possible de prévoir la réponse d'une population à une question, avec une marge d'erreur faible. Ensuite il est possible de faire des tests statistiques (corrélation, chi, ANOVA, régressions,...) pour déterminer des modèles qui ne sont pas simplement des coïncidences.

Ensuite, l'analyse et l'interprétation peuvent être complètement faussées ou biaisées, volontairement ou non.

Par exemple, quand un journal publie les résultats d'un sondage sur les élections présidentielles, il faut bien lire la question, en général différente de ce que titre le journal. Exemple: confondre prédiction du vainqueur et intentions de vote.
Question posée souvent: (1) "Selon vous, quel candidat va remporter l'élection?"
Cette question est très différente de: (2) "Pour qui allez-vous voter".
Si Marcel vote pour Mélenchon, il peut penser tout de même que Macron va gagner. Pourtant, un journal peut faire un sondage uniquement avec la question (1), mais titrer ses résultats comme s'il avait posé la question (2). Il faut que le lecteur aille plus loin et regarde en détail le sondage. Or, seul le titre est lu par la grande majorité des lecteurs, et parfois le chapeau, soit qu'ils survolent l'article, soit qu'ils passent devant le kiosque sans acheter.

Cela donne des divergences pré- et post- élections parfois surprenantes, surtout quand le résultat se joue à 5 points près.

Auteur :  Léonard59 [ 01 Déc 2018 12:07 ]
Sujet du message :  Re: Le sondage d'opinion : tour d'horizon

Il faut aussi faire attention à la manière d'amener la question. En fait, quand un organisme cherche à savoir ce que pensent des gens d'un échantillon, on va reposer la même question plusieurs fois, mais présentée différemment. Ce qui permet d'être à peu près sûr qu'à l'instant donné, les gens pensent de telle manière.

Ensuite, les sociologues et les politologues savent qu'on peut influencer les sondages. Admettons que vous ayez envie de savoir si les français trouvent les impôts injustes. Si l'on commence par poser des questions sur la qualité des services publics et leur éventuelle amélioration, la réponse sera que les impôts suffissent à financer ces services. Mais, si on commence à parler pouvoir d'achat et salaires, les gens trouveront que les impôts sont injustes... Donc, il faut souvent être attentif à la manière dont la question a été posée. Et on ne parle même pas de l'influence de la personne qui pose la question. Car, inconsciemment, on a souvent tendance à vouloir la satisfaire. Donc, en fonction de comme elle réagit aux premières questions, cela peut influencer nos réponses.

Le problème est l'accès aux questions qui ont été réellement posées. Certains instituts de sondages proposent sur leurs sites l'accès à l'intégralité du sondage, tandis que les médias n'en vont extraire que les parties qui leur semblent essentielles. En fonction de "l'angle d'attaque" du sondage, même si elles sont posées la même semaine, avec des échantillons similaires, les réponses peuvent être substantiellement différentes.

Du coup, pour connaitre l'évolution de ce que pense une population, il vaut mieux privilégier les sondages "au long cours'. Ceux ou pendant plusieurs décennies on va poser les mêmes questions à un panel représentatif d'une population.

Auteur :  Faget [ 01 Déc 2018 15:59 ]
Sujet du message :  Re: Le sondage d'opinion : tour d'horizon

Il y a quelques années était paru un ouvrage (titre ?, auteur ?) qui faisait la récapitulation des "plantages" somptueux de sondages d'opinion dans les années récentes et la malhonnêteté des instituts de sondage qui devraient changer de métier si ils étaient plus honnêtes. Mais non, ça continue pour les nouveaux faits sociaux.
Est-ce quelqu'un a lu l'ouvrage et peut compléter mon message ?

Auteur :  Walsingham [ 01 Déc 2018 18:08 ]
Sujet du message :  Re: Le sondage d'opinion : tour d'horizon

Dalgonar et Narduccio ont déjà répondu brillamment à la partie ‘’base scientifique’’ du sondage. Je souhaiterais juste ajouter en note l’importance de la notion de marge d’erreur. Un sondage essaye d’extrapoler à partir d’un échantillon réduit. Même si l’échantillon est représentatif, il y aura quand même une marge d’erreur. Il y a juste trop de variables à prendre en compte pour avoir une estimation totalement correcte.

Mais cela ne déforce en rien le sondage, il faut juste ne pas oublier que ce n’est qu’une estimation avec une marge d’erreur. or souvent on voit des sondage avec e.g. ‘’telle candidat à une avance de 5% dans les sondages’’ sauf que quand on regarde les détails, on voit que le sondage a une marge d’erreur de 10%. Donc on ne peut rien conclure de ce sondage.

Pour ce qui est de son histoire, je laisse d’autres répondre :)

Auteur :  Pierma [ 01 Déc 2018 20:40 ]
Sujet du message :  Re: Le sondage d'opinion : tour d'horizon

Pour l'histoire, j'ai en tête que le premier sondage avant une élection présidentielle remonte à 1965.

il est vrai que c'était la première élection du président au suffrage universel lol mais ça coïncidait aussi avec le développement des premiers ordinateurs - IBM, forcément - exploitables à un coût raisonnable. (programmés en Cobol, pour les spécialistes)

Sondages (1er et 2e tour) de la Sofres, qui a dû être la première boite de sondage fondée en France. (en 1963)

Sondage qui a constitué une pub spectaculaire pour cette entreprise récente. (Je me demande même si elle l'a fait pour le ministre de l'intérieur ou si elle l'a payé de sa poche ?)

Auteur :  ThierryM [ 01 Déc 2018 20:53 ]
Sujet du message :  Re: Le sondage d'opinion : tour d'horizon

Là, ce sont les débuts en France. Les sondages électoraux ont commencé en 1936 avec Gallup qui avait prédit la victoire de Roosevelt aux élections présidentielles alors que plusieurs journaux annonçaient la victoire du candidat républicain.

Auteur :  calade [ 01 Déc 2018 22:40 ]
Sujet du message :  Re: Le sondage d'opinion : tour d'horizon

Le 1er sondage en France porte sur les accords de Munich en 1938. De mémoire, moins de 60% des sondés y sont favorables ce qui est en dessous des parlementaires qui ont ratifié les accords avec 3/4 des voix. Donc les Français étaient moins munichois que les députés ce qui en dit long sur la veulerie des élus français.
On retrouve les sondages (qu'on appelle des gallup du nom de l'institut) à la Libération.

Auteur :  Pierma [ 01 Déc 2018 22:48 ]
Sujet du message :  Re: Le sondage d'opinion : tour d'horizon

ThierryM a écrit :
Là, ce sont les débuts en France. Les sondages électoraux ont commencé en 1936 avec Gallup qui avait prédit la victoire de Roosevelt aux élections présidentielles alors que plusieurs journaux annonçaient la victoire du candidat républicain.

Oui je me souviens de ça, maintenant.

Edit : Merci Calade pour la confirmation pour la France.

j'ai eu tort de lier les sondages à l'utilisation de l'informatique.

En 1936 IBM fabriquait des machines à fiches perforées qui permettaient déjà de gérer beaucoup de choses.

Exemple vécu : En 89 j'ai fait une mission - conception d'un entrepôt de distribution, informatique comprise, à Lyon - pour une filiale des NMPP (Nouvelles Messageries de la Presse parisienne) qui possédait alors le monopole, acquis à la Libération, de la distribution de la presse auprès des détaillants.

Dans leur équipe "organisation et ingénierie" il y avait un ingénieur plus âgé, qui me racontait comment il avait fait fonctionner la distribution locale, sur toute la France, avec des fiches perforées par détaillant : chaque fiche indiquait le nombre d'exemplaires à lui livrer pour chaque titre de presse. Et ça ne remontait pas à Mathusalem. Je pense que ça a fonctionné comme ça jusqu'au début des années 70. (Sans doute aussi du fait du blocage syndical à tout changement d'organisation - le syndicat du Livre CGT avait le monopole des embauches, pour situer les choses...)

Ce sont ces machines à fiches qui ont valu à IBM un procès en complicité de la Shoah : sa filiale allemande, certes coupée de la maison-mère, avait utilisé ces machines pour ficher les prisonniers dans les camps de concentration, dont celui associé à Auschwitz. Complicité parce que les techniciens de la maison assuraient la formation et le SAV.

Auteur :  Barbetorte [ 02 Déc 2018 0:12 ]
Sujet du message :  Re: Le sondage d'opinion : tour d'horizon

calade a écrit :
Le 1er sondage en France porte sur les accords de Munich en 1938. De mémoire, moins de 60% des sondés y sont favorables ce qui est en dessous des parlementaires qui ont ratifié les accords avec 3/4 des voix. Donc les Français étaient moins munichois que les députés ce qui en dit long sur la veulerie des élus français.
On retrouve les sondages (qu'on appelle des gallup du nom de l'institut) à la Libération.
On a employé le terme de gallup jusque dans les années 1980.

Parler de veulerie est un peu fort. Refuser les accords de Munich aurait impliqué d'entrer en guerre contre l'Allemagne si Hitler décidait de s'emparer par la force des territoires revendiqués. La France était-elle prête ? Le Royaume-Uni aurait-il accepté d'entrer en guerre aux côté de la France ?

En ce qui concerne le sondage, on a posé la question : "Approuvez-vous les accords de Munich ?" et 60% ont répondu Oui. Si l'on avait posé la question : "Fallait-il refuser de signer les accords et menacer de déclarer la guerre à l'Allemagne ?", c'est probablement 90% des personnes interrogées qui auraient répondu Non.

Auteur :  Loïc [ 02 Déc 2018 4:46 ]
Sujet du message :  Re: Le sondage d'opinion : tour d'horizon

Vraiment?...

Alors fallait-il mourir pour Dantzig? selon le fameux slogan passé à la postérité pour illustrer le tropisme munichois supposé de nos aïeux

justement les Français de l'époque étaient d'autant moins munichois que cette question a bien été soumise puisque plus de trois quarts des sondés 76% contre 17 étaient justement favorables à entrer en guerre pour ce motif ou toute autre concession à l'Allemagne et ce après Munich, qu'on se le dise

Auteur :  Pierma [ 02 Déc 2018 5:12 ]
Sujet du message :  Re: Le sondage d'opinion : tour d'horizon

Loïc a écrit :
Vraiment?...

Alors fallait-il mourir pour Dantzig? selon le fameux slogan passé à la postérité pour illustrer le tropisme munichois supposé de nos aïeux

justement les Français de l'époque étaient d'autant moins munichois que cette question a bien été soumise puisque plus de trois quarts des sondés 76% contre 17 étaient justement favorables à entrer en guerre pour ce motif ou toute autre concession à l'Allemagne et ce après Munich, qu'on se le dise

C'est le signe d'une prise de conscience que je n'aurais pas imaginée si forte. En particulier j'aurais pensé que le pacifisme pesait beaucoup plus lourd dans l'opinion.
Mais peut-être les sondés n'ont-ils pas imaginé que Hitler allait enchaîner aussi vite sur la revendication suivante ?

Auteur :  Barbetorte [ 02 Déc 2018 12:56 ]
Sujet du message :  Re: Le sondage d'opinion : tour d'horizon

Loïc a écrit :
justement les Français de l'époque étaient d'autant moins munichois que cette question a bien été soumise puisque plus de trois quarts des sondés 76% contre 17 étaient justement favorables à entrer en guerre pour ce motif ou toute autre concession à l'Allemagne et ce après Munich, qu'on se le dise
Je n'ai pas connaissance de tels sondages. Quelles sont vos sources ? Ce que je sais est que Daladier et Chamberlain ont été accueillis à leur retour dans l'enthousiasme. Pour autant, je ne souscris pas à la qualification de veulerie. Mon sentiment est Daladier et Chamberlain avaient conscience que la France et la Grande-Bretagne n'avaient pas les moyens d'affronter militairement l'Allemagne.

Auteur :  calade [ 02 Déc 2018 13:47 ]
Sujet du message :  Re: Le sondage d'opinion : tour d'horizon

L'Ifop a fait un petit mémo sur ses débuts :
http://data.over-blog-kiwi.com/1/11/53/93/20141129/ob_789840_1938-1945-l-aube-des-sondages-d-opinio.pdf
Je rectifie mon propos : nos courageux députés ont voté à 88% les accords de Munich. Tout le monde n'avait pas la vision d'un Daladier. Voici ce qu'écrit le député socialiste Jean Bouhey (le seul à avoir voté contre les accords) dans la Bourgogne républicaine ; certains dirigeants politiques étaient plus clairvoyant sur les conséquences d'une politique de faiblesse. Et un gros tiers des Français l'a compris apparemment :
« Mon vote, que je ne regrette pas (...) est le vote d'un représentant du peuple français, extrêmement inquiet sur le sort de son pays. On a beaucoup parlé d'un Sedan diplomatique. C'est pire, à mon avis, c'est un Sadowa qui doit engendrer des conséquences terrifiantes pour notre pays (...). Toutes les larmes de crocodile que des milliers de Français vont verser n'empêchent pas que la paix reste plus précaire que jamais (...), que l'accord de Munich n'est qu'une honteuse capitulation (...) que nos amis tchèques sont désormais en servitude (...), que notre pays a cessé d'être une grande puissance (...), que la parole de la France ne compte plus, (...) que Bonnet [ ministre des affaires étrangères ] ira s'asseoir au banc de l'histoire, à côté du maréchal Bazaine (..). Où en sommes-nous aujourd'hui, où allons-nous demain ? Aujourd'hui, il ne fait de doute pour personne que la France est complètement isolée (...). Demain ? Le sujet est plus délicat et plus troublant. Il s'agit de prévoir l'avenir, pour ce faire, relisons Mein Kampf. (...) Avant de se lancer à la conquête des terres slaves, il faut que la Germanie règle ses comptes avec la France, selon l'expression cruelle qu'emploie Hitler à tout instant dans son livre. Pour cela, il fait l'isoler, l'encercler et la désagréger intérieurement. (...) La désagrégation intérieure fait partie du domaine du Dr Goebbels, premier chef de propagande du monde. Trois slogans, aussi simples que frappants, à l'usage des Français: Mort aux Juifs !Les étrangers à la porte ! Les communistes veulent la guerre !. »

Auteur :  Léonard59 [ 02 Déc 2018 17:43 ]
Sujet du message :  Re: Le sondage d'opinion : tour d'horizon

Merci de recentrer le sujet. Ceux qui désirent discuter sur les Accords de Munich ont bien d'autres fils où ils peuvent le faire tout à loisir. On va vers le HS, et ilserait bête de devoir fermer cette discussion pour cela ;)

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