Duc de Raguse a écrit :
Cela dit, ne j'ai jamais dit que ces "éléments" n'existaient pas en Allemagne, mais qu'ils n'étaient pas au pouvoir avant l'arrivée des nazis et étaient foncièrement minoritaires dans la société allemande ; nazis, qui jusqu'à preuve du contraire, n'ont jamais représenté la majorité des Allemands qu'ils ont, finalement, gouvernés.
Je ne pense pas que l'idéologie social-darwinienne, en tout cas l'idée que les allemands avaient un destin à accomplir au détriment d'autres "races", et un destin majeur fut une idée minoritaire en Allemagne. A mon avis, elle était partagée à des degrés divers et selon des modalités diverses ( l'exemple de Weber en 1895 le montre, il n'avait, en évoquant la nécessité de l'impérialisme, pas comme projet d'éradiquer des populations non allemandes, mais la lutte entre les races était une réalité pour lui). Et cette haute opinion de son destin, empêché par l'Est comme par l'Ouest avant 1914, l'Allemagne défaite de 1918 sera effondrée de ne plus pouvoir la ressentir. Le désir d'expansion vers l'Est, mais aussi vers l'Ouest ( les buts de guerre allemands comprenaient des annexions sur la Belgique et la France) était au pouvoir jusqu'en 1918. Les nazis ont repris ces conceptions, et, sans représenter la majorité des allemands (comment savoir en l'absence d'élections après 1933, mais en l'absence de rébellion...) ils ont, à mon avis trouvé un public réceptif car déjà imprégné (à divers degrés je répète) par ces idéologies.
Duc de Raguse a écrit :
Vous pensez, si je ne m'abuse, que la société allemande, après avoir été baignée pendant près d'un siècle par ces idéologies autoritaires, nationalistes, racistes et antisémites a produit le nazisme. Comme le nationalisme est un fil conducteur qui peut relier l'histoire de l'Allemagne en gros de 1850 à 1945, la forme de l'unité allemande choisie - oui, les bourgeois ont refusé de jouer leur "rôle de classe" en 1848 ! - ne pouvait qu'aboutir au nazisme. C'est le sonderweg (celui qui déchante pour le coup).
Le nationalisme baigne en gros la société allemande depuis 1806, celle-ci s'appropriant un concept nouveau exporté par les armées française. Un nationalisme qui a évolué d'ailleurs je ne m'étends pas, vous maitrisez le sujet. Comme vous,je ne crois pas au déterminisme, le nazisme n'est pas à l’œuvre sous Frédéric-Guillaume IV ou même sous Bismarck. Je ne crois absolument pas que l'évolution de l'Allemagne au XIXe devait inéluctablement conduire au nazisme. Je dis qu'une alchimie (je m'approprie votre expression) s'est produite dans les années 20 par des groupuscules d'extrême-droite lesquels ont repris un corpus idéologique antérieur, associé au traumatisme de la défaite, du sentiment de déclassement, d'injustice insufflé par le traité de Versailles et ses conséquences. Et pour au moins ne pas susciter la "réprobation" de la population, qui n'a jamais voté massivement pour eux dans les années 20, et pour obtenir une certaine adhésion par la suite, il ne suffisait pas que ces idées soit aboyées au mégaphone. Pour que la connexion se fasse, il fallait bien que ces idées préexistent dans une certaine mesure dans les têtes des auditeurs.
Duc de Raguse a écrit :
Personnellement, je pense, au contraire, que les nazis, largement minoritaires en Allemagne et ayant pris le pouvoir par la force et la violence ont réussi à convaincre la société allemande qu'elle était nazie. Il n'y a aucun sonderweg, car sans la PGM, la crise de 1929 et la personnalité d'Hitler, rien de tout ceci ne serait sans doute arrivé - cela malgré le "péché originel" de l'unité allemande dans le fer et le sang.
Je suis d'accord. Mais le mégaphone et la matraque ne suffisaient pas non plus. Il fallait une société plus ou moins réceptive et acclimatée à ce discours au préalable.
Duc de Raguse a écrit :
Car c'est bien la prose pourrie d'Hitler, distillée dans Mein Kampf, à faire des raccourcis idéologiques et historiques avec tout et n'importe quoi - Luther, les chevaliers teutoniques, Frédéric II, le darwinisme-social, le racisme, etc. - qui a réussi à former une explication aussi fallacieuse qu'irrationnelle que l'Allemagne avait un destin et que sa personne touchée par la divine providence allait accomplir. La corde est énorme, mais l'explication peut paraitre sensée à certains.
Ajoutez à cela, une bonne dose de propagande, une grosse pincée de terreur et tout le destin du peuple allemand ne pouvait fatalement aboutir qu'au nazisme, au Reich de mille ans.
En raisonnant ainsi, je me demande si, finalement, on ne donne pas raison à Hitler.
Pas fatalement, mais ça s'est produit.