Je m'inscris un peu en faux contre ce qui est dit sur l'aspect d'érudition dont il est question. Admis en 2010, après plusieurs tentatives, et alors que j'étais titulaire sur poste avec 20h de cours hebdo (collège + lycée), j'ai éprouvé ce qu'est l'agrèg, à l'écrit et à l'oral.
A propos du savoir à maîtriser, oui, il est immense et, oui, sorti du concours, il ne sert à peu près à rien. Sauf si on le voit comme un background permettant d'assoir une culture permettant de réfléchir (et c'est quand même l'essentiel en histoire) ; sauf si on tombe sur une question directement réexploitable en cours, moyennant mise à niveau (à cet égard, la question sur l'islam est très peu remobilisable, tandis que la question de contempo sera davantage utile pour les profs de lycées). Tout dépend de votre génération. Au moins, vous aurez eu le plaisir de plancher sur un programme inédit que vous n'auriez autrement jamais abordé : l'agrèg, ça doit aussi rester un plaisir (même si ça ne représente que 5% de l'expérience), faute de quoi, je vous plains.
Mais il ne faut pas non plus tomber dans l'excès. L'érudition est, à mon sens, une exigence à l'agrèg, mais elle peut aussi devenir un piège que l'on se tend à soi-même, sous l'effet de l'angoisse. Je parle en connaissance de cause. Or, je me rappelle d'une phrase que m'avais dite une prof de géo (ENS Ulm et 5e à l'agrèg : elle sait donc ce qu'est un concours) : "l'agrèg, ce sont avant tout de bonnes bases, bien larges et bien maîtrisées". Et, à partir de ma modeste expérience de récidiviste (laquelle finalement dessert aussi mon propos, en un certain sens), je peux dire qu'avec quelques manuels bien maîtrisés, les bases et l'ensemble des aspects d'une question connus (avec un ex pour chaque, même général), quelques exemples originaux, et beaucoup de méthode, ça passe. De toute façon, il ne faut pas se leurrer, certains exemples sont attendus quel que soit le sujet. Il vaut donc mieux maîtriser ces tartes à la crème, avoir quelques exemples originaux, mais ne pas baliser non plus si on ne sort pas celui provenant de l'article autrichien écrit par un juriste en 1937 et réinterprétant les enjeux phénoménologiques d'une approche matérialiste de la source.
Ceci dit, il faut être aussi honnête : certes, le fait de développer un exemple avec précision (sur une demi-page, par ex) donnera une certaine consistance. Mais ce n'est pas une condition sine qua non pour aller à l'oral. Ça fera la différence entre 10, 12 et 15/20. Ce qui fera toujours la différence, c'est la capacité à bien ficeler son sujet, à réfléchir et cerner les enjeux, et à mettre tous les ingrédients dans la dissert. A l'oral, tout recommence, mais c'est toujours la méthode de travail qui fait la différence, je crois. Le gavage pour le gavage, ça produit des cirrhoses. Et si vous n'avez pas confiance en vous, c'est très fréquent, réfugiez-vous dans la méthode : elle est indestructible.
Sur l'état d'esprit à adopter, honnêtement, il faut se reposer : qui veut voyager loin ménage sa monture. A tout sacrifier, on se déglingue. Bosser oui, beaucoup certainement, continuellement certes, mais pas quand vous touchez vos limites.
Et puisque le sujet traite de l'agrèg avant la thèse, on peut très bien faire la seconde sans la première.
C'est mon réalisme, il vaut ce qu'il vaut : c'est-à-dire pas grand chose. Ce n'est qu'un partage d'expérience. Bon courage à tous les candidats.
_________________ "Si ton labeur est dur et que tes résultats sont maigres, n'oublie pas qu'un jour le chêne a été un gland"
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