D'abord, un grand merci à tout le monde pour ces contributions. Je crois qu'à défaut de pouvoir me rendre à l'expo, je vais essayer de commander le catalogue.
Je me permet de répondre à quelques uns d'entre vous:
Tonnerre a écrit :
J'aime aussi beaucoup le jazz, que j'ai apppris à aimer en parallèle absolu avec le rock; aux Etats-Unis, j'ai habité à quelques centaines de mètres du "Lighthouse" à Manhattan Beach, haut lieu du jazz côte Ouest, juste à côté de Los Angeles, et j'ai eu le privilège d'y voir des musiciens légendaires, en fin de carrière certes, mais toujours époustouflants.
Perso, j'ai commencé par être un enfant du rock (
The Clash fut sans doute le groupe dont j'ai vu le plus de concerts) avant de découvrir le jazz grâce d'abord à Miles Davis (vu deux fois en concert à Paris) puis les enregistrements de Billie Holiday qui m'ont bouleversé. Au
New Morning, j'ai eu la chance d'assister à des performances de quelques géants aujourd'hui décédés comme Dizzy Gillespie, Art Blakey, Stan Getz ou l'inoubliable Chet Baker. Par contre Lionel Hampton à l'hotel Méridien m'avait beaucoup déçu mais je n'aimais déjà pas trop le cadre que je trouve trop guindé, trop friqué, trop bling-bling.
Citer :
Cette musique survit mais ce n'est pas grâce aux medias qui en effet l'ignorent; il y a quand même eu récemment un regain d'intérêt, hélas assez superficiel puisque surtout limité à des chanteuses, agréables certes, mais qui n'apportent rien d'original et se bornent à dépoussiérer des formules très classiques. Musicalement, ce n'est plus là que ça se passe, et il est difficile d'imaginer combien le jazz a pu être novateur et vivant, ce qu'il a pu représenter pour des jeunes gens des années 30 à 60. Dommage que cette exposition ne lui rende pas justice de ce point de vue, apparemment.
Tous les ans, les maisons de disques nous font un "buzz" sur la nouvelle Billie Holiday. Certaines comme Madeleine Peyroux sont de bonnes chanteuses, d'autres comme Norah Jones tombent à mon sens dans la variété (ce qui n'est pas forcèment péjoratif à mes yeux) du moins dans ce que je connais d'elle. Quant à Lady Day, il n'y en a jamais eu qu'une comme il n'y eut qu'une seule Bessie Smith, un seule Ella Fitzgerald, etc.
Pour moi le jazz est une musique évolutive hors des chemins battus. La révolution
bop des années 40 est une étape cruciale. A partir de là, elle n'est plus simplement une musique de danse ou d'
entertainment mais explore de nouveaux sentiers en s'adressant aux musiciens plutôt que de répéter ad vitam eternam ce que le public réclame. Toutes les expériences sont permises, le
free jazz par exemple, et la musique elle même s'échappe peu à peu de sa définition exclusive de production musicale se rattachant à la tradition négro-américaine même si elle continue d'y puiser dans ses racines. Les travaux de la
Knitting Factory ou ceux de beaucoup de musiciens européens (de l'ouest à l'est et du nord au sud, on pourrait citer pas mal de noms et de labels,
ECM étant sans doute le plus célèbre) et du monde entier expriment aujourd'hui une musique riche, dense et vivante que l'on classifie dans le jazz.
Tonnerre a écrit :
Oui, et il y avait deux grands magazines: Jazz Hot et Jazz magazine.
En France, je crois que c'est
Jazz Hot qui fut l'une des premières revues spécialisées. Admirateurs de jazz américain mais aussi de Django Reinhardt,
Charles Delaunay et
Hugues Panassié en furent à l'origine en la créant en 1935. Elle s'appelait alors
Revue du Hot Jazz Club de France mais a du s'interrompre avec l'occupation nazie. Le mensuel a repris sa parution en octobre 1945. En 1988 furent réédités sous la forme d'un livre préfacé par Delfeil de Ton, les douze premiers numéros quasiment introuvables de cette nouvelle série. C'est un bouquin merveilleux où l'on retrouve les premières critiques et chroniques d'André Hodeir et les premières escarmouches entre Hugues Panassié (grand monsieur mais hermétique à la révolution
bop) et un jeune moderne du nom de Boris Vian qui voulait jurer par Charlie Parker et Dizzy Gillespie. De même que le jazz a pu influencer le rock dans ce qu'il a de meilleur, la critique rock dans ce qu'elle a de meilleure est à mon sens très redevable à la critique jazz.
C'est à Duke Ellington que revint l'honneur de faire la Une du premier numéro de la nouvelle série de
Jazz Hot:
(Ici, c'est la couverture du bouquin: sur celle originale de la revue, la bande noire avec le sigle de
Jazz Hot n'apparaît évidemment pas.)
Citer :
Beaucoup des films des jeunes metteurs en scène Nouvelle vague du début des années 60 avaient des bandes sonores jazz: la splendide partition de Miles Davis pour "Ascenseur pour l'Echafaud, de Louis Malle, par exemple. Malle était un grand amateur de jazz, beaucoup des musiques de ses films sont du jazz, de différents styles, par exemple Django Reinhardt dans "Milou en mai". Ou dans "Pretty Baby" qui se passe à la Nouvelle Orléans au début du XXème siècle, du jazz NO bien sûr. Et l'air que jouent les deux enfants sur un vieux piano pendant les raids aériens dans "Au revoir les enfants" est un ragtime classique.
Ou encore la version des "Liaisons dangereuses" tournée par Vadim avec Jeanne Moreau et Gérard Philippe qui a pour fond sonore des morceaux très punchy d'Art Blakey et les Jazz Messengers, de Thelonious Monk, et du saxophoniste Barney Wilen (qui a travaillé avecDavis sur la partition d' "Ascenseur pour l'échafaud").
Et enfin et surtout "A bout de souffle" de Jean-Luc Godard, avec Belmondo et la très belle Jean Seberg, doit beaucoup de son originalité à l'élégante partition de Martial Solal, sans doute le plus grand jazzman français vivant, à mon avis.
Jazz et cinéma, il semble justement que le sujet soit abordé par l'expo. C'est tout un programme d'autant que ces deux nouvelles formes artistiques se sont dévellopées en même temps. Ce que l'on peut fort regretter, c'est de la façon dont Hollywood a traité les musiciens de jazz de leur vivant mais il est vrai que l'industrie du cinéma n'était pas la seule à afficher son racisme dans l'Amérique de l'époque.
Au delà de la musique de Martial Solal (très grand pianiste à mon goût), je trouve une atmosphère très jazzy au film de Godard (il est vrai qu'il est une de mes toiles préférées) comme au cinéma de John Cassavetes ou celui plus contemporain d'un Jim Jarmush sans oublier Woody Allen, grand amateur de jazz et lui même clarinettiste amateur.
Citer :
Il n'y a plus beaucoup de metteurs en scène qui utilisent du jazz comme musique de film; le dernier à le faire est Clint Eastwood, qui en place dans presque tous ses films, si l'histoire le permet, et qui a même fait des films SUR des musiciens de jazz, comme "Bird" sur Charlie Parker.
Clint Eastwood a un jour dit que l'Amérique n'a véritablement inventé que deux formes artistiques, le western et le jazz:
« I feel very close to the western. There are not too many American art forms that are original. Most are derived from European art forms. Other than the western and jazz or blues, that`s all that`s really original.»Avec
Autour de minuit, Bertrand Tavernier avait aussi réalisé un film superbe inspiré à la fois par le personnage de Lester Young et les souvenirs de Francis Paudras à propos de Bud Powell. Dexter Gordon jouait le rôle principal mais d'autres musiciens apparaissaient dans le casting, Herbie Hancock, Bobby Hutcherson, Wayne Shorter, Pierre Michelot, etc. Le film illustre à merveille l'atmosphère du Paris des années 50 et de ses petites boites de jazz.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Autour_de_minuit_(film)Le livre
La danse des infidèles de Francis Paudras est aussi une oeuvre magnifique. Pas mal de musiciens noirs américains ont émigré et joué en Europe durant ces années là, pas seulement à Paris mais aussi Amsterdam, Londres, Stockholm, etc. Il en est resté quelque chose, je pense.
Tristan Hylar a écrit :
Même Albert Ayler ne part pas sans filet, il se sert de mélodies ultrabasiques, à la limite de la rengaine (telle La Marseillaise) et après il explose tout, pour toujours finir par retomber sur ses pattes, en véritable félin du ténor qu'il était ! Pour avoir vu il y a quelques années de cela un concert de free jazz, le saxophoniste, qui menait la barque du quartet, était parti de la Truite de ce cher Schubert...
Whaaaooouu ! Cela a du bien dégager. J'ai mis un peu plus de temps à me mettre au
free en comparaison avec le
jazz modal ou le
cool jazz, plus accessibles à mon oreille d'amateur, mais une fois que l'on se laisse emporter par le navire, l'expérience est fascinante, enrichissante, émouvante.
Citer :
L'étymologie du mot "Jazz" est loin d'être académiquement fixée et pour une fois, la notice wikipédia est très complète. Je copie-colle ci dessous le chapitre étymologie
Je rajoute ses deux liens, pour ceux qui s'intéresseraient à ce débat, consacrés à l'étymologie du terme jazz:
http://www.emusicologia.com/Documents%5Bemusicologia%5D/Alexis%20Morel/01-un%20peu%20d'etymologie.htmhttp://www.citizenjazz.com/article3457253.htmlL'étymologie et plus encore la définition du jazz est une question qui n'a pas fini de faire jazzer et pour aller plus loin dans l'argot du blues et du jazz, je conseille l'excellent dictionnaire
Talkin' that talk de Jean-Paul Levet. Je ne possède que la première édition parue chez Hatier en 1992, une seconde largement enrichie (le nombre de pages a doublé) est sortie aux éditions Kargo en 2003 - aujourd'hui également épuisée - mais une nouvelle serait en préparation et je l'attends avec impatience. Voici un résumé et un aperçu de l'ouvrage:
http://www.gazettegreenwood.net/doc/talk/talk.htm