Sauf exceptions (les quatre bacheliers de Brassens, "Pépée" de Léo, ...), leurs chansons sont rarement autobiographiques.
Dans "Monsieur tout blanc", le narrateur n'est pas Léo lui-même, mais un prolo d'Aubervilliers. C'est fréquent, dans la chanson comme dans la littérature: Nougaro n'était pas un ivrogne pour chanter "je suis saoul, sous ton balcon"
Odeur malsaine? oui, par exemple, quand je passe "le crachat", ma femme quitte la pièce. On peut comprendre.
Oui, "Ah, petite!" s'adresse à une fille de 15 ans. "Je reviendrai te voir [] quand sous ta robe il n'y aura plus ... le code pénal". ça peut choquer, effectivement. Pourtant, combien de poètes ont écrit sur ce sujet ? Brassens: la princesse et le croque-note: "et si tu veux tu peux m'embrasser sur la bouche, et même pire" mais "mon coeur est déjà pris par une grande"
Hugues Aufray: Laisse moi, petite fille.
Serge Reggiani: Il suffirait de presque rien / Peut-être dix années de moins Pour que je te dise «je t'aime»
Ce sujet de la nostalgie du vieillard, traité avec pudeur en poésie, est bien loin de la perversité (à mon avis), et en est même exactement le contraire
--------------------------
L'originalité de ces trois chanteurs, et il me semble qu'ils sont les seuls dans ce cas-là, est d'avoir, chacun, créé un style original, d'une part, et d'autre part jamais imité depuis.
Brassens travaillait les textes ET la musique, des mois pour chaque chanson. Et chacune de ces chansons était une œuvre terminée, ensuite, écrite, pour laquelle il ne se permettait aucune variation dans l'interprétation. Sauf rares exceptions (un récital au Pays de Galles), chaque chanson n'était enregistrée qu'une fois, en studio.
Ferré, au contraire, retouchait le texte à chaque interprétation (sur une musique très élaborée, souvent avec orchestre symphonique, parfois avec un orchestre pop (Zoo, pour le disque La Solitude). Je connais 3 versions de la chanson triste, au moins 2 versions des Anarchistes et de La vie d'artiste
A mon avis, l'originalité de Brel est dans le choix des sujets de ses chansons, et surtout dans son interprétation, tellement théâtrale.
------------------------
Parlons de leur engagement: dans la conversation à trois citée plus haut, chacun s'en défend, même Léo écrivait une chanson par an pour la fédération anarchiste, comme un cadeau à des amis, mais n'était engagé dans aucun combat. Il a été communiste ... une heure, et a claqué la porte à la première réunion de cellule. Brel racontait l'humanité, c'est tout. Certes, il a écrit "les bourgeois, c'est comme les cochons", mais dans le dernier couplet (si le bourgeois écoute la chanson jusque là) il est lui-même devenu notaire. Et Brassens a écrit "mourir pour des idées, d'accord, mais de mort lente". Sa chanson la plus engagée est peut-être « les oiseaux de passage », dont le texte est de … Jean Richepin, poète étudié à l’école : Et le peu qui viendra d'eux à vous / C'est leur fiente /Les bourgeois sont troublés / De voir passer les gueux
Le mot "anarchiste" est un peu comme une fierté, pour eux, un peu comme une fleur à la boutonnière.
C'est d'ailleurs une de leur originalité: les militants leur reprochent cette absence de parti pris, surtout pour Brassens dans "les deux oncles" dont "l'un aimait les tommies, l'autre aimait les teutons". Et les conservateurs leur reprochent leurs textes parfois osés.
_________________ "La vie des hommes qui vont droit devant eux, renaitraient-ils dix fois en dix mondes meilleurs, serait toujours semblable à la première. Il n'y a qu'une façon d'aller droit devant soi." (Pierre Mac Orlan)
|