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Je commencerais en parlant de ma ville, Gravelines qui se transforme peu à peu en "parc d'attraction touristique". C'est très bien, mais on peut regretter l'image artificielle qu'elle dégage désormais. Les vieux murs des poudrières et des casernes du XVIe et XVIIe siècle, restaurés, semblent aussi neufs que s'ils avaient été édifiés hier.
Je ne vois rien d’artificiel au fait de restaurer de vieux murs pour leur redonner leur aspect d’origine ; c’est ainsi qu’ils ont été voulus par leurs concepteurs et vus par leurs contemporains. Les vieilles pierres moussues et disjointes sont un fantasme romantique, peut-être, mais c’est le temps qui est l’imposteur dans ce cas, pas les hommes ; à moins qu’on considère que « ce qui est vieux est toujours beau » (je me rappelle d’une très intéressante discussion sur ce thème dans le forum), ce qui est loin d’être toujours le cas.
Votre exemple de presbytère ne me semble pas plus concluant : décorer un mur nu par un placage n’a rien de particulièrement nouveau ni scandaleux, et nous trouvons aujourd’hui authentiques des bâtiments utilisant un tel procédé : les palais andalous ou les églises romaines aux murs et plafonds couverts de stuc, les temples antiques recouverts de placages de marbre vous choquent-ils sous prétexte qu’il y a dissimulation des structures par le décor ? (l'art baroque est ainsi entièrement construit sur ce "goût du faux" dont vous titrez votre sujet). A moins que le défaut originel ait été comme « sanctifié » par le temps, mais dans ce cas, vous ne voyez plus ce que vous regardez avec vos yeux, mais l’idée que vous vous en êtes fait avec votre cerveau. Justement, l’expression que vous employez : « pour faire croire à du vieux » n’est-elle pas une interprétation toute personnelle de l’opération, les responsables ayant peut-être simplement jugée laide cette surface (comme vous semblez la juger aussi), et voulu l’embellir (ou peut-être même terminer le projet ainsi qu'il avait été prévu à l'origine: avez-vous consulté l'histoire de cette bâtisse ?); auquel cas nous serions là dans le registre du goût, et pas dans celui du faux. Et le délai entre construction originelle et application d'un décor était aussi souvent très long dans l'édification des bâtiments anciens, plus longs que ce délai entre construction de ce prebytère et son aménagement ultérieur; les hommes de cette époque le voyaient-ils comme une imposture ?
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On détruit le paysage naturel dans lequel ont travaillé nos ancêtres, en édifiant des horribles parcs industriels, ou des parcs naturelles complètement artificiels.
A toutes les époques les constructeurs ont détruit pour reconstruire en fonction des besoins de l’époque, parce que l’espace utile n’est pas extensible. La Rome des papes n’a jamais hésité à raser des monuments antiques pour édifier les églises, Haussmann a détruit de pittoresques petites rues médiévales (à l’époque bordées par des taudis, mais que seraient-elles aujourd’hui après réhabilitation ?) pour percer de majestueuses et froides avenues. Simplement, à notre époque, la densification des activités rend les opérations plus visibles, et la nature des matériaux heurte davantage le goût. Déjà, la Tour Eiffel avait déchaîné les passions des esthètes, et auparavant, la construction des structures métalliques des halles de Baltard avaient choqué ; ce qui n’a pas empêché qu’une campagne largement relayée dans l’opinion se soit 150 ans plus tard opposée à leur destruction et ait obtenu la préservation de l’une d’entre elles, au nom de la défense du patrimoine .
Comme quoi ces « horribles zones industrielles » peuvent avoir elles aussi un avenir. En Lorraine, sur le modèle de la Ruhr, on remet en valeur des installations sidérurgiques : elles sont au même titre que les cathédrales des témoignages d’une époque.
Par contre, tout à fait d’accord sur la problématique préservation / restauration / reconstitution qui fait débat actuellement: il y a suffisamment de patrimoine à sauver pour rendre absurde les projets de reconstitution ex nihilo à la « Disneyland ».