Huyustus a écrit :
Je ne vous suis pas là-dessus. Comment profite-t'on d'une oeuvre d'art ? En la voyant fugitivement une fois dans un musée, ou en l'ayant chez soi ?
Je me souviens d'une visite d'une magnifique villa italienne sur la rive d'un des lacs du nord. Un groupe de touristes français était là aussi, et une dame de ce groupe disait : "c'est bien que tout le monde puisse profiter d'un endroit comme ça".
En entendant ça, je me suis dit qu'en fait, la transformation de cette villa en musée avait eu pour conséquence que plus personne n'en profitait. On n'en profite pas en arpentant les étages et le jardin pendant une heure ou deux, au milieu d'un tas de gens. On ne peut en profiter qu'en y vivant.
C'est vrai que quand c'est une propriété privée, elle profite à très peu de monde, mais ces quelques personnes, en y vivant, en profitent réellement...
Je comprends ce que vous voulez dire Huyustus. C'est une question de point de vue : je pense l'exact inverse ! Je ne profiterai pas du tout de canapés chargés d'histoire, de toiles de maître dans mon salon et de pièces d'art tout autour de moi, car j'aurais
peur en permanence : d'une part de les abîmer, de détériorer à jamais des chefs-d'oeuvres de l'humanité ; d'autre part de ne pas être à leur hauteur ! Au contraire, je profite du musée. Je suis d'accord avec vous, vous avez raison, ce n'est pas en une-
visite-dans-un-musée-au-pas-de-course-pour-être-à-l'heure-sur-le-programme qu'on profite de quoi que ce soit. Au mieux apprend-on quelques petites choses, mais on ne profite pas. En revanche, une
promenade dans un musée, sans se presser (de tout voir), sans s'inquiéter (de rater quoi que ce soit ni d'abîmer quoi que ce soit), parce que ce n'est qu'une promenade et qu'on sait que l'on reviendra autant que l'on veut, permet de profiter, et de profiter de bien plus de choses que je ne pourrais jamais en accumuler chez soi. C'est pour ça que je retrouve souvent des amis dans des musées : pas pour le musée, pas pour programmer une visite particulière, non, pour seulement pour se voir, pour discuter, en déambulant dans des pièces un tantinet plus intéressante que les cafés et parcs habituels. Et au passage on profite des oeuvres. (On en découvre et en apprend d'ailleurs bien plus qu'en établissant un programme à l'avance). En enfermant les oeuvres dans un domaine privé, on
nous prive à jamais de pouvoir faire cela, au bénéfice de quelques privilégiés qui, eux seuls, vont en profiter (s'ils arrivent à dépasser les peurs qui, moi, m'étreindraient).
Après, bien sûr, on ne peut pas profiter de tous les musées, on ne peut pas habiter toutes les villes du monde, et je n'ai rien contre l'appropriation privée de quelques oeuvres d'art... Tout est question de proportion, et de qualité (portée historique, intérêt pour l'humanité, etc.) de l'oeuvre en question.
Huyustus a écrit :
C'est très bien qu'il y ait des musées pour que tout le monde puisse avoir accès aux originaux de très nombreuses oeuvres d'art. Mais ça implique aussi que plus personne ne profite de ces oeuvres. C'est pour cela que je trouve très bien aussi qu'il y ait des collections privées et que des gens choisissent de vivre au milieu des oeuvres qu'ils ont assemblées selon leur goût.
Le problème bien sûr, c'est que les oeuvres sont rares et donc chères. Même des copies de qualité coûtent cher, ce qui fait que rares sont les gens qui peuvent se permettre d'assembler des collections. Mais est-ce une raison pour vouloir l'empêcher et souhaiter que tout finisse dans des musées ?
Je m'étonne, Huyustus, que vous ayiez la naïveté de croire qu'on assemble des collections par amour de l'art, par goût, par volonté de vivre au milieu d'oeuvres exceptionnelles. Vous connaissez les
mesures de défiscalisation liées à l'achat d'oeuvres d'art, quand même ? Sans parler des opérations spéculatives. Le "marché de l'art", puisque c'est ainsi qu'on l'appelle, est extraordinaire...
Par ailleurs, vraiment, je trouve indéfendable ce narcissisme des collectionneurs, qui ne font rien d'autres que thésauriser de l'argent dans des oeuvres (ils ne créent rien) et au passage défiscaliser un coup, mais qui se mettent en scène comme des personnages historiques qui marqueraient l'histoire : pourquoi, si c'est l'oeuvre qui compte, remplir des pages et des pages des catalogues avec YSL assis sur son fauteuil-truc, Berger contemplant son tableau-machin, YSL et Berger jeunes et fringant au milieu de leur salon-chose, etc. ? pourquoi, dans l'exposition du Grand Palais, exposer des photos en 4x3 m. de leur appartement (cf. le panorama photo du
Figaro sur l'expo) ?? On a l'impression que les collectionneurs et la
puissance qu'ils dégagent grâce à leur accumulation est plus importante que les oeuvres...