Toujours au chapitre des lieux intimes de l'appartement de l'empereur, la "petite salle de bains".
Un plan pour la localiser, encadrée en rouge :
on comprend, rien qu'à ce plan, pourquoi elle est dénommée "petite" salle de bains...
Les plans et témoignages de l'époque de Louis XIV font de cet espace l'oratoire de la reine. Il s'ouvre sur le grand cabinet par une porte à double battants. Un plan du règne de Louis XVI publié par G. Fonkenell (p 125) montre la figuration d'un autel face à cette porte : on retrouve donc la même disposition que dans le salon de la chapelle du grand Trianon, où l'autel est dissimulé par une double porte.
Vue de l'ancien Grand Cabinet de la Reine, devenu cabinet topographique de l'empereur, avec la porte ouverte sur la salle de bains, ancien oratoire de la reine.
Si l'on suit Frédéric Masson, cet oratoire sert à nouveau de chapelle ou de lieu de prière à Bonaparte pendant quelque temps après la signature du Concordat (1801), avant que la messe ne soit dite dans la salle du conseil d'Etat, puis dans la chapelle une fois celle-ci achevée (1806) et que "Dieu eût son coin entre la salle de spectacle et la salle du Conseil d'Etat". L'inventaire de 1807 identifie l'oratoire à la salle de bains de l'empereur. Rappelons que sa chambre se trouvait alors dans le cabinet de travail en 5 sur le plan et qu'il pouvait se rendre dans sa salle de bains en utilisant le palier de l'escalier qui descend chez l'impératrice.
Vue "en écorché" depuis le palier de l'escalier (la pièce est si petite qu'il est impossible de prendre une vue d'ensemble "comme si on y était")
On a vu plus haut qu'à partir de 1808, l'empereur se fait aménager un cabinet de toilette avec baignoire (celle-ci provient d'ailleurs de la salle de bains d'avant 1808) à côté de sa nouvelle chambre. L'ancienne salle de bains, qui nous occupe présentement, reste cependant en fonction (mais j'ignore pour qui... Peut être l'huissier-gardien du portefeuille).
Le décor et l'aménagement de cette salle de bains est connu par les mémoires de Moench, doreur Chaise et du menuisier Fayard qui la restaurent en 1808.
Tout le décor de la salle de bains semble dater du règne de Louis XIV, au vu du vocabulaire décoratif décrit par Moench, et en harmonie avec le cabinet topographique, avec des lambris peints en rehaussé d'or et avec des éléments peints en bleu. Cependant le décor semble avoir été recomposé car les panneaux semblent disposés de manière assez hétéroclite, notamment autour de la baignoire (panneaux de largeur différente).
La salle de bains comprend deux parties. La première s'ouvre par une porte (l'autre battant semble fixe) sur le cabinet topographique. On a vu plus haut que les deux panneaux supérieurs de la porte ont été remplacés par des vitres et permettent d'éclairer la pièce, même si des rideaux de gaze bleue protègent des regards. Le décor de l'embrasure de la mince cloison des portes (environ 20 cm) est constitué de feuilles de lauriers en rehaussé d'or. Deux lambris étroits complètent le décor du mur à gauche de la porte d'accès.
Vue de la salle de bains depuis le cabinet du gardien du portefeuille vers le cabinet topographique
Deux autres portes plus petites, composés de deux panneaux (un de bas lambris et un autre qui occupe de le reste de la porte) peints en arabesques bleues et or, ouvrent sur le cabinet du gardien du portefeuille et sur le petit escalier particulier. A gauche de chacune de ces portes, un espace libre permet de placer deux lambris décrits par Moench, composé d'un bas lambris, d'un grand panneau et d'un petit au dessus.
Vue de la salle de bains depuis la porte du cabinet topographique vers le cabinet du gardien du portefeuille. La porte d'accès à l'escalier particulier est à droite.
Le fond de la pièce est dominé par deux grands panneaux complétés par deux étroits.
L'espace ainsi délimité fait à peine 2m sur 2... Y prennent place un tapis de petites dimensions, deux chaises en acajou à dossier en lyre et garnies en paille, un somno d'un modèle identique à celui de la chambre de l'empereur, et un cordon de sonnette en soie bleue. Nous sommes donc dans une sorte d'antichambre du cabinet du secrétaire particulier de l'empereur (à gauche de la vue) pour qui vient du cabinet du gardien du portefeuille (à droite).
Mais où est la salle de bains??? Fayard nous livre la réponse : les deux grands panneaux sont en réalité deux portes, qui forment une ouverture de 1,20m large, et qui permet d'accéder à la baignoire drapée de bleu. Celle-ci est précédée d'une estrade de drap vert sur laquelle j'ai placé la bassine en cuivre étamé mentionnée par l'inventaire. L'ensemble est dans un renfoncement de 1,25 m de profondeur et est orné d'un ensemble disparate de panneaux peints en bleu et or.
La pièce est basse de plafond (2,90 selon le mémoire de Moench), car au dessus on trouve la salle des réservoirs d'eau et la chaudière. On y accède par un escalier "noir", (à gauche du 7 sur le plan), qui dessert tous les étages du rez de chaussée aux combles, et dont on voit le palier sur la vue plus haut par la porte donnant sur le cabinet du gardien du portefeuille.
A la Restauration, cette salle de bains devient celle du roi, et le cabinet topographique, le cabinet de toilette de Louis XVIII. Le cabinet de toilette de l'empereur devient le "cabinet de veille de MM. les Premiers Valets de Chambre du Roi".