La chapelle impériale est liée au rôle que joue l'empereur en tant "restaurateur de la vraie religion", comme l'appelle le Journal de l'Empire en janvier 1806. C'est bien entendu le Concordat de 1801, qui restaure le rôle de l'Eglise catholique, qui lui vaut ce titre. Il créée donc une chapelle pour entendre la messedans son palais. Mais une fois par semaine, et non tous les jours comme le faisait le roi sous l'Ancien Régime!
C'est une chapelle palatine qui rappelle celle de Versailles et celle de Saint Cloud construite par Mique en 1786-1788 : la nef est réservée aux fidèles, l'empereur est sur une tribune de plain-pied avec ses appartements au premier étage.
Comme à Versailles, la tribune impériale occupant l'espace habituellement dévolu à l'orgue ou aux musiciens, face à lautel, la tribune des musiciens a été placée au dessus de l'autel. A droite de la vue ci-dessous, les volets ouverts sur la salle du conseil d'Etat.
Le journal de Percier et Fontaine, les guides du XIXe s et le Journal de l'Empire permettent de savoir que la chapelle est construite en pierre calcaire jusqu'à la balustrade du premier étage, et au dessus en stuc blanc avec des parties et des ornements rehaussés d'or.
La nef de la chapelle est la partie la plus fréquemment utilisée de la chapelle. En effet, l'étiquette du palais impérial précise (p 101) "qu'un sacristain célèbre chaque jour, à 8 heures, la Sainte messe pour les gens du Service" et une seconde messe est donnée à midi pour le service de la Cour. L'empereur n'assiste à la messe que le dimanche à une heure fixée par lui-même. Comble de la précision de l'étiquette, Napoléon 1er indique que le dimanche, la seconde messe pour la Cour est célébrée deux heures avant celle de l'empereur, "heure indiquée par une affiche sur la porte de la Chapelle".
La porte de la chapelle dont il est question est celle qui donne sur le portique nord, ici vue depuis le maître autel.
En effet, le pavillon central du palais côté jardin est encadré par deux terrasses au premier étage, soutenues par une galerie à arcades au rez de chaussée (dont un élément a été installé récemment au Louvre, cour Marly). Ces arcades ont été ornées de dix-huit statues de sénateurs romains en marbre blanc au début du règne de Napoléon 1er.
On accède à ces portiques par le vestibule du pavillon central. Percier et Fontaine ont ainsi transformé le portique nord en galerie couverte d'accès à la nef de la chapelle impériale, destinée au peuple de Paris et au service de la Cour.
Au premier plan, à gauche, le pavillon de la chapelle. dans le prolongement, le portique d'accès.
L'entrée sur jardin du palais ; l'arcade centrale avec son soleil apollinien, réalisée par Levau entre 1666 et 1670, est aujourd'hui au Manoir des Gandines (Les Essarts Le Roi). Guérites et gardes ne sont pas assurés sous le Premier Empire, mais permettent de donner l'échelle de la façade.
A l'intérieur, les deux parties du vestibule d'honneur. La partie basse donne accès au portique
L'emmarchement créé par Percier et Fontaine pour établir une communication vers la chapelle depuis l'extérieur est situé à l'extrémité nord du portique.
La vue que pouvait avoir un fidèle (de Dieu? de l'Empereur?) depuis la porte d'entrée de la chapelle. La nef est entièrement construite en pierre de liais.
Et en s'avançant un peu...
Elle est entourée sur trois côtés par des galeries latérales qui servent de bas-côtés, délimitées par deux colonnades d'ordre toscan.
Dans ce qui constitue le vestibule d'entrée, soutenu par des pilastres, on trouve deux bénitiers.
Réalisés en granit de Remiremont,ils avaient été exécutés en 1777 par Soufflot pour Notre Dame de Paris et déplacés ici sous le Premier Empire.
La nef est séparée en deux parties par une marche et une balustrade. Celle-ci, d'après JP SAmoyault, avait été réalisée pour la salle du trône du Palais de Laeken à Bruxelles, alors palais impérial, mais non utilisée avait été finalement été installée dans la chapelle des Tuileries. Elle sépare la partie destinée aux fidèles "ordinaires" à la partie plus particulièrement destinée à l'empereur quand il descend dans la nef.
La nef est dominée par une chaire à prêcher, représentée sur deux tableaux de l'époque de Louis Philippe et de nombreuses photos et gravures du Second Empire, ce qui a permis son évocation.
Sur le mur ouest, les trois fenêtres ouvertes sur le jardin, qui ont conservé leur châssis à petits bois du temps de Louis XIV.
Le maître autel est ainsi décrit par Percier et Fontaine : "L'autel, placé sur une mur parsemé d’abeilles en or, est orné de colonnes en marbre fleur de pêcher avec chapiteaux, corniche, fronton, gradins et appui en blanc veiné, serancolin, griotte d’Italie, enrichis de bronzes doré." (Journal des monuments de Paris). Il reste en place jusqu'à l'incendie et subsiste ruiné sur les photographies prises après. Le mur d'abeilles est en revanche supprimé sous la Restauration.
Le maître autel de cette chapelle dédiée à la Vierge est orné, on l'a vu plus haut, d'un tableau de Jean Charles Nicaise Perrin (1754-1831) "La France, appuyée par la Religion, consacre à Notre-Dame de Gloire les drapeaux prix sur l'ennemi" est celui commandé en 1806 pour la chapelle ; il est aujourd'hui au Val de Grâce. La France est représentée à genoux, coiffée de la couronne impériale et son manteau bleu semé d'abeilles, tenant notamment des drapeaux autrichiens... Marie Louise a dû apprécier... La garniture de l'autel a été réalisée à partir du crucifix de Bertrand Paraud, conservé au Louvre, comme d'autres éléments provenant de la chapelle (bénitier, ciboire, calice, vase aux saintes huiles).
L'ameublement de cette partie de la chapelle renvoie à l'assistance nombreuse qui se rendait à la messe, seul moment public pour voir l'empereur dans son palais : il comprend en effet des banquettes en hêtre garnies en foin et recouvertes de moquette cramoisie, trente de 1,90 m de long et douze de 1 m de long, soit près de 200 places assises.
Sans doute placées au plus près de l'autel, huit chaises en bois sculpté et doré et deux "voyeuses" ou prie-Dieu complètent les sièges.
Deux grandes torchères en bois sculpté et doré à griffes et têtes de bélier (quatre exemplaires à Versailles) posées sur des socles en bois peint façon porphyre sont indiquées et je les ai placées selon l'usage de part et d'autre du maître autel.
Les desservants de la chapelle constituent l'un des six grands offices de la Cour impériale, la Grande Aumônerie, créée en janvier 1805 sur le modèle de la chapelle royale de l'Ancien Régime et ses effectifs augmentent régulièrement. Elle représente 29 personnes avec le personnel subalterne en 1809.
(Napoléon et les cultes: Les religions en Europe à l'aube du XIXe siècle Par Jacques-Olivier Boudon)
Le titulaire de l'office est le Grand Aumonier qui a pour fonction d'"accompagner les membres de la famille impériale dans tous les grands actes de leur vie religieuse" (Boudon) . Le cardinal Fesch, oncle de l'empereur, qui occupe la fonction, dirige le vicaire général, le Premier aumônier (l'évêque de Versailles, Mgr Charrier de la Roche qui bénit la chapelle en 1806, puis l'abbé de Pradt) deux aumôniers ordinaires, deux chapelains, un maître des cérémonies, deux clercs,et un sacristain qui a sous son autorité un sommier, un bedeau et un valet de pied. Les prédicateurs de la Cour sont désignés par le Grand Aumônier pour les offices auxquels l'Empereur assiste.
La sacristie qui leur est dévolue est située derrière le maître autel, dans un espace demi-circulaire qui reprend celui de la tribune des musiciens au premier.
Les plans et vues en coupe du Second Empire permettent de comprendre que des châssis vitrés isolaient la sacristie des galeries latérales tout en assurant son éclairage, et une porte donnant sur le vestibule de la chapelle, que nous verrons plus tard, permettait d'accéder à cet espace. Faute de documents complémentaires, je me suis limité à son volume, mais sans doute était-elle boisée.
L'inventaire permet de savoir qu'elle était meublée d'un fauteuil, trois banquettes, deux prie-Dieu, et plus prosaiquement un crochet de poële, une pelle à braise (ce qui permet de savoir que cette sacristie était chauffée par un poële) un balai de crin et un pot à eau et sa jatte en faïence de Sceaux... auquels s'ajoutaient sans doute les vêtements liturgiques et tout ce qui est nécessaire au culte.
Des roulements de tambours annoncent l'arrivée de l'Empereur. En tant que membres de la Cour impériale, nous allons gagner le premier étage, d'où nous sommes autorisés à assister à la messe