Compiègne, au cours de son histoire, a connu plusieurs châteaux.
Le château royal "philippo-augustéen" servait surtout à loger la garnison et à contrôler le passage sur l'Oise.
Nos souverains, depuis les Mérovingiens, résidaient dans le logis de
Royallieu, en bordure de forêt, sans protection.
Dans la seconde moitié du XIVème siècle, le roi Charles V qui, alors qu'il était Dauphin et Régent du Royaume avait connu des périodes troublées, décide de faire bâtir une résidence royale, intra muros, plus sûre et surtout plus au goût du jour que le logis de Royallieu.
Aux moines de l'abbaye St-Corneille, il achète, en 1374, un vaste terrain sur lequel sera construit son "Louvre", à l'emplacement actuel du palais néoclassique de Louis XV.
Ce "Louvre de Charles V", agrandi, transformé par nos souverains successifs sera résidence royale jusqu'à ce que Louis XV le fasse mettre à terre pour faire élever une résidence plus digne du Roi de France, en ces années 1750.
Aux XVIIème et XVIIIème siècles, le château de Compiègne constituait un ensemble hétéroclite de bâtiments, largement inadapté à l'accueil d'une Cour riche et nombreuse telle que celle de Versailles.
On raconte que Louis XIV aurait eu ce mot :
-"A Versailles, je suis logé en roi; à Fontainebleau, en prince; à Compiègne, en paysan."
Sans vouloir faire de la peine au Grand Roi, gageons que nombre des paysans de son siècle auraient apprécié d'être logés au château, tout inconfortable qu'il ait pu être...
Le dernier séjour du Soleil à Compiègne date de 1698.
Resté 10 ans sans occupant, le château accueille en octobre 1708, l'Electeur de Bavière Maximilien II Emmanuel (1662-1726), mis au ban de l'Empire, fidèle allié de Louis XIV, qui lui accorde protection et hospitalité à Compiègne.
L'Electeur bavarois y demeurera jusqu'en mars 1715.
Il faudra attendre 1728 pour que le jeune Louis XV découvre Compiègne et surtout sa forêt, y chasse à satiété et s'y plaise tellement que désormais, il y reviendra presque chaque année pour un séjour d'été variant entre 1 et 2 mois.
Des travaux d'aménagement sont réalisés en 1733, 1736 et 1740. Entre 1740 et 1751, plusieurs projets de reconstruction totale verront le jour et la Cour séjourne dans un château en plein bouleversement, au milieu du plâtre et des ouvriers.
En 1751, le
"grand projet" de Ange-Jacques Gabriel est accepté par le Roi.
Jacques-Ange Gabriel (1698-1782), Premier Architecte du Roi.
Texte extrait du Guide du Musée National du Château de Compiègne (RMN Editions)
Le plan
"Le plan de Compiègne est loin d'être classique : le château est, en gros, un triangle rectangle dont le petit côté est la façade sur la place d'Armes (par où se fait l'entrée), le grand côté la façade sur la rue d'Ulm (à gauche sur la photo, le long du château), l'hypothénuse la façade sur le parc.
Ce plan a été imposé à Gabriel par la forme triangulaire du terrain qu'il avait à utiliser, forme déterminée par l'existence des anciens remparts de la ville.
La grande habileté de l'architecte est d'avoir donné toutes les apparences d'un plan régulier à un bâtiment qui ne l'était pas.
Les angles de vue sont calculés de telle sorte qu'on n'a jamais l'impression d'irrégularité ou de heurts.
A l'intérieur, la distribution est claire et les cheminements aisés, toutes les grandes circulations étant, chaque fois que possible, doublées par une circulation de service. A chaque intersection de bâtiments, un escalier, partant du fond, dessert l'ensemble des étages.
L'élévation
Ici encore, Gabriel a su s'adapter au terrain dont toute la partie vers le parc, correspondant aux anciens remparts, était en surélévation.
La façade sur le parc n'a que 2 niveaux : rez-de-chaussée et étage. Mais ce long bâtiment bas a été exhaussé pour l'oeil, par rapport au jardin, par un grand mur de terrasse (l'effet voulu par Gabriel a été en partie supprimé au Premier Empire par la création de la rampe qui descend vers le parc
).
Tout le reste du bâtiment comporte 3 niveaux apparents : rez-de-chaussée, étage, attique (5 niveaux réels compte-tenu de deux entresols)
Le rez-de-chaussée sur le parc correspond au premier étage du reste du bâtiment. De même, l'étage sur le parc est au niveau de l'attique du reste du bâtiment. La réussite est telle que ce changement de niveau n'est jamais sensible.
On ne voit jamais à la fois la partie à deux niveaux et celle à trois niveaux, sauf à l'angle de la place d'Armes où la différence de niveau se trouve corrigée par la terrasse.
Les grands appartements règnent en totalité au même niveau : commençant au premier étage du côté de l'entrée, ils se poursuivent sur le jardin au rez-de chaussée qui, par son décor et par la surélévation que lui donne la terrasse, fait figure d'étage noble.
Le décor architectural, sobre, précis et relevant du répertoire le plus classique, est un décor purement rythmique dont les accents très soigneusement calculés n'ont pour but que d'animer avec mesure de grandes surfaces planes."