Pour le pourboire, je n'adhère pas trop à ce point de vue. À mes yeux, cela dépend vraiment du site : il y en a qui s'y prêtent, et pas d'autres : - les sites gérés par la Réunion des musées nationaux : très très rarement, pour ne pas dire jamais - collections privées, telles Jacquemart-André ou Fondation Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent : strictement jamais - musées type Picasso, Galliera, Gustave Moreau : jamais - Opéra Garnier, musée de l'Armée : très souvent - Panthéon ou château de Vincennes : assez "fertiles" - un site sur lequel je n'ai jamais travaillé, mais pour lesquels les retours de collègues sont excellents de ce point de vue là : la tour Eiffel. - balades telles Montmartre ou Montparnasse, j'en fais rarement parce que je préfère "l'univers du musée", mais là aussi, c'est plutôt pas mal. - clients privés : si le client est cool, oui, il rajoute quelque chose sur la facture, qui pourtant, pour une presta privée, a déjà un certain coût.
Avec mes collègues, nous en avons chacun une utilisation différente quand on "capitalise" ces pourboires sur l'année : partir en vacances / payer son permis... D'une manière générale, c'est quand même une pratique qui baisse. Lorsque j'ai commencé, les visiteurs donnaient davantage (sans l'ombre d'un doute). Il faut aussi considérer la constitution du groupe : des papy-mamy, ils ont cette culture du "petit plus", mais pas toujours. Les familles, tout dépend s'il y a de jeunes enfants dans le groupe : souvent les parents leur glissent une pièce dans la main pour nous la donner à la fin, mais ils ne la donnent pas eux-mêmes. Il faut aussi noter l'importance de l'effet d'appel : si quelqu'un donne, souvent les autres suivent. Quand ce sont des associations, le président a parfois déjà préparé une enveloppe, et la remet solennellement au guide, voire même en interdisant aux autres membres du groupe d'ajouter une pièce de leur poche :-O Les jeunes ne donnent quasiment jamais, et les scolaires (pour lesquels je consens déjà un prix plus bas), jamais jamais, mais certains me laissent des cartes postales signées par tous les élèves ou ce genre de petites attentions. On m'a même déjà récité des poésies :-)
Je précise que je retrouve des visiteurs d'un site à l'autre. Quand on s'est lancés et un peu fait connaître, certains nous redemandent parce qu'ils nous apprécient (et certains deviennent même des "fidèles"). J'ai donc peu de doutes sur le fait qu'ils aiment la manière qu'on a de mener les choses, et je vois bien que selon les circonstances / les lieux / les règles de visites du site, ils donnent un pourboire ou pas. Ce n'est pas une science exacte, il est difficile de faire une règle générale, mais ce n'est, selon moi, pas un bon baromètre pour mesurer le degré de satisfaction du visiteur et la qualité de la prestation. C'est un indicateur, mais parmi d'autres.
Pour la part de cabotinage, je la trouve beaucoup plus vraie. On sent ce qui fédère le groupe, ce qui va le faire vibrer (et le guide avec), et on a donc tendance à mettre cela en avant. Il est évident qu'on a envie que le groupe reparte en se disant qu'on a été bon, et pas l'inverse (d'autant que la question du pourboire pèse !). Néanmoins, parce que j'ai observé les excès de cette volonté de performance, il faut se méfier. Sous couvert de faire rire, certains guides montent un véritable one-man-show. Attention, parce que tout se sait (comme dans beaucoup de milieux), et certains sites prennent donc des dispositions pour que ces guides, qui se sont trompés d'endroit en confondant les couloirs d'un musée et une scène de théâtre, ne puissent plus œuvrer en leurs murs. J'ai eu des collègues à qui c'est arrivé, et quand le couperet tombe, temporaire ou définitif, c'est pas drôle. On perd une part importante d'activité (en étant toujours payé à la prestation, c'est gênant parce qu'on met des mois à reconstruire son activité ailleurs !), et bonjour la réputation, dans ce milieu où, justement, la réputation et le bouche à oreille sont primordiaux. Ce métier n'offre absolument pas la même protection sociale que pour un contrat à horaires fixes, et donc on peut vraiment y laisser des plumes. L'humour est un moyen pour "ferrer" l'auditoire, mais il faut prendre garde à ne confondre la fin et le moyen.
La mention de la réceptivité des visiteurs est elle tout à fait juste : leur intérêt pour tel ou tel sujet, quand ils le manifestent, peut changer complètement le cours d'une visite. J'ai souvenir de sites où, sur plusieurs années de visites, je n'ai pourtant mentionné un détail / une anecdote / un personnage qu'une seule fois. Et ce, dans des groupes d'individuels, donc qui ne se connaissaient pas auparavant et qui se sont pourtant emballés tous ensemble sur un thème précis. Qu'est-ce qui a fait que l'osmose du groupe a soufflé dans telle ou telle direction ? Mystère. Mais moi c'est vraiment ce que je recherche : l'intérêt du public qui va renouveler mon approche d'un site que je connais bien. Ce que je remarque en commun, c'est plutôt l'horaire qui correspond à ce type de visiteurs : le dimanche après-midi, en basse saison. Visiteurs francophones types "profs de latin ou d'histoire", CSP+ ou médecins, qui emmènent leurs neveux / nièces faire une sortie culturelle. Là encore, je ne fais pas de statistiques, je ne relate que mon expérience, mais cela peut aussi donner à voir l'envers du décor :-)
[Désolée pour ce long hors-sujet sur un post portant initialement sur l'humour !]
_________________ "Je souhaite que les conquérants à venir apprennent à ne pas dépouiller les villes qu'ils soumettent, et à ne pas faire des calamités d'autrui l'ornement de leur patrie"
Polybe, Histoires, Livre IX (chap.3).
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