|
Dans l'actuel étang des carpes du parc du château, se trouvait jadis un jardin d'eau sous Henri IV.
"En effet, sur les plans du XVIIème siècle d’Alexandre Francini, Patel ou Israël Sylvestre, une île carrée apparait au bord de la Cour de la Fontaine, plateforme massive en grès, d’environ 70 m. de côté, soit 5000 m², avec des petits bastions sur sa bordure sud. Une passerelle de bois la rattache au Pavillon des Poêles. Or, cette grande excroissance ne figure pas sur les plans d’Androuet du Cerceau. A cette époque, la mode des jardins d’eau, venue des Pays Bas ou d’Italie du Nord s’était répandue, donnant à l’eau une nouvelle fonction : non plus uniquement pour se défendre (fossés, douves), ni pour subsister (moulin, viviers) mais pour l’agrément. Déjà dans les châteaux proches, Fleury ou Courances, des pièces d’eau et des « prés en l’île » illustraient ces tendances inédites : à Fontainebleau même, le Grand Jardin
et le Bois des Canaux, créations de François Ier, étaient quadrillés d’étroits canaux réguliers qui délimitaient des îlots inégaux, certains plantés
d’arbres fruitiers, certains de pins nouvellement acclimatés, d’autres d’herbe qu’iront paître, plus tard, les animaux exotiques visités par le jeune Dauphin. « mené au Jardin des Canaux, il va voir l’autruche puis les gazelles, il s’amuse autour de l’eau…. » (journal d’Héroard, 25 septembre 1606)
On peut penser qu’Henri IV, marqué par son enfance campagnarde en Béarn, en Saintonge, sensible toujours aux paysages, à la coexistence
paisible de l’eau et des plantes, souhaita dès son début de règne affirmer ses goûts. Il se fit à lui même le cadeau de ce « parterre en l’île», de ce « jardin flottant sur l’eau… espace retranché du monde, propice à la promenade solitaire, la méditation, la rêverie, l’entrevue confidentielle ».
(Yvonne Jestaz, Artlys 2002).
Il fit appel à Claude Mollet, alors âgé de trente ans, pour ornementer cette masse de pierre recouverte de terre végétale : quatre carrés égaux, plantés d’ifs taillés, d’entrelacs de buis récemment introduits dans les jardins royaux de Saint Germain en Laye en 1595, malgré le discrédit attaché à leur odeur si particulière. Dans chaque carré une statue en marbre, copie d’antique. Au centre, le Roi fit placer un grand Hercule, oeuvre de jeunesse de Michel Ange (1492-1494) qui ornait sous François Ier la fontaine d’où cette cour tire son nom. Le piédestal, sur lequel se distinguaient le chiffre et les emblèmes d’Henri IV, et la statue, sont aujourd’hui perdus. Ce jardin et ses fragiles plantations, sans doute embellies à l’exemple des broderies du Grand Parterre dessinées par André Le Nôtre, traversa tout le XVIIème siècle.
A la fin du règne de Louis XIV, quand la Cour de la Fontaine débordait de courtisans ou de visiteurs lors des grands rassemblements, le
« toucher des écrouelles » en particulier dans la grande allée bordée aujourd’hui de platanes, l’idée vint de détruire ce jardin pour agrandir la
cour, ce qui fut fait à partir de 1713.
Examinons le magnifique tableau visible à Fontainebleau, le « portrait d’une demeure royale » peint en 1718 par Pierre-Denis Martin sur une
commande du Régent. Il représente une des dernières chasses de Louis XIV à Fontainebleau en 1713. Dans sa petite calèche, dite « le soufflet », on voit le roi assis, seul depuis la mort, en 1712, de sa petite belle fille la Duchesse de Bourgogne. Mais il y a un anachronisme dans le détail : le Jardin sur l’Ile n’y figure pas, alors qu’il existait encore. En effet on le distingue nettement sur le tableau de la collection Ephrussi à Saint Jean Cap Ferrat, esquisse du même sujet, sans doute peinte antérieurement, probable dernière trace picturale de
ce jardin. La statue s’y voit encore au milieu des carrés effacés.
Aujourd’hui il ne reste rien du surprenant jardin d’Henri IV, si ce ne sont les fondations, visibles lorsque l’étang est vidé (dernier curage en
1999). Les matériaux furent utilisés pour agrandir le demi-cercle avançant sur l’eau, et seuls les carpes et les cygnes qui font la joie des jeunes visiteurs y ont peut-être silencieusement accès.
Ainsi va le monde… •"
Texte sur le bulletin n°12 des Amis du Château.
_________________
"L'Angleterre attend que chaque homme fasse son devoir" (message de l'amiral Nelson à Trafalgar)
|
Connexion
Inscription
Qui Sommes Nous? 
Rechercher
