Le patrimoine n'est pas menacé parce que ce qui est en question est du matériel parfaitement connu dont il subsiste de très nombreux exemplaires aussi bien dans des musées publics que dans des collections de particuliers. Les attentats ont amené les autorités à prendre des mesures telles que celle du préfet des Côtes d'Armor en 2016 qui a interdit, à l'occasion d'une fête médiévale, le port d'armes, même factices, en fer ou en bois, sauf pour les comédiens sur les lieux de spectacle. En avril 2017 une mesure analogue a été prise à l'occasion d'une cérémonie de commémoration annuelle. En protestation, les participants à cette commémoration ont porté des balais à la place des armes prohibées par le préfet. Il semble toutefois que la tension soit retombée. Les associations concernées ont interpellé les autorités et celles-ci n'ont pas à ma connaissance apporté d'entraves de cette sorte aux commémorations du 11 novembre. La question des commémorations, reconstitutions historiques et collections d'armes avait d'ailleurs été débattue lors d'une séance de l'Assemblée Nationale le 31 janvier.
Ce dont peuvent à juste titre se plaindre les collectionneurs est un zèle excessif, de la part de douaniers principalement, qui s'appuie sur ce qu'on peut considérer comme des failles dans la réglementation. Le 14 octobre 2017 des membres de l'association
Thiérache histoire vivante ont été placés en garde à vue, leur domicile a été perquisitionné et des armes leur ont été saisies. Une autre affaire est celle de la saisie d'une collection ordonnée dans le cadre d'une procédure de divorce. L'expert chargé d'évaluer la valeur de la collection que le mari avait constitué avait estimé nécessaire une expertise technique afin d'assurer que les pièces provenant de munitions étaient sans danger. Bien que l'expertise ait conclu à l'absence d'explosifs, le procureur a tout de même fait placer la collection sous scellés.
Les failles réglementaires sont exposées par le président de l'UFA dans cet article :
http://www.armes-ufa.com/IMG/pdf/ga513_18_novembre_epaves_doulles_reglo.pdfIl s'agit tout d'abord de la prise en compte de la notion d'épave. Des armes peuvent être librement détenues à condition d'avoir été neutralisées. Mais lorsque l'arme est fortement dégradée par la corrosion, elle ne peut être démontée et neutralisée par un armurier comme le prescrit la réglementation. Aussi, quoiqu'inutilisable et donc inoffensive, une telle épave n'est-elle pas déclassée. Il y a tout de même une jurisprudence en la matière : la cour de cassation a jugé qu'un hélicoptère réduit à l'état d'épave ne pouvait plus être considéré comme du matériel militaire.
Il s'agit ensuite de l'absence de procédure de neutralisation pour les douilles de calibre supérieur à 20 mm : il suffirait, à l'instar des douilles de moins de 20 mm de les neutraliser en les perçant.
Le ministre de l'intérieur, saisi de cette question, a répondu en août 2018 que c'était à l'étude.
Je pense pour ma part que, si les préoccupations des collectionneurs et diverses associations détenant des armes de collection sont parfaitement légitimes, on en fait cependant un peu trop en invoquant la conservation du patrimoine et le devoir de mémoire. Il faut certes transmettre la mémoire mais il me semble qu'on le fait bien mieux en lisant par exemple une lettre de poilu qu'en exhibant un vieux fusil.