Désolé d'ennuyer nos amis francophones avec cette problématique typiquement française mais ce sujet étant peu médiatique je souhaite alerter ceux qui ne seraient pas encore au courant de la crise que traverse actuellement l'archéologie française. Mieux qu'un plaidoyer personnel je vous reproduit ci-après le point de vue d'Yves Coppens paru dans le journal 20 minutes du 16/05/2003.
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Il faut arrêter de considérer l’archéologie comme un luxe
Il y a toujours eu en France une espèce d’opposition, de paradoxe entre, d’un côté, l’intérêt considérable de l’Etat et de beaucoup de Français pour la préhistoiré, l’histoire, le patrimoine culturel et de l’autre, les moyens officiels que l’on est susceptible de leur accorder. Certes, dès l’époque de François 1er, l’Etat s’est mis à envoyer un peu partout ses “ antiquaires ”
chargés de ramener des collections du monde entier. Mais il a fallu attendre 1941 pour que la première loi sur les fouilles archéologiques vienne garantir la protection des sites. Et, plus près de nous, c’est en 1975 qu’a été commandé, par Jacques Chirac, alors Premier ministre, le premier vrai rapport sur l’état de l’archéologie en France et suries solutions pour la sortir de son marasme. Un excellent rapport dont il est sorti le Fonds d’intervention de l’archéologie de sauvetage (Fias). De quoi parle-t-on lorsque l’on écrit “ sauvetage ”? On le comprend bien avec un exemple: des travaux comme ceux du TGV Est bousculent, sur leur route, quantité de sites archéologiques ? A partir du moment où un site est bousculé, il faut le “ sauver ” de toute urgence, même si le nouveau terme officiel est celui de “ prévention ”.
Depuis les lois de 2000 et 2001 ayant créé l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), la règle appliquée à l’archéologie est celle déjà contenue dans la loi Barnier sur l’environnement: celle du principe “ pollueur = payeur”. Celui qui entreprend des travaux sur des vestiges archéologiques participe donc, aux côtés de l’Etat, aux frais de traitement de ces restes. Pourtant, le système s’est vu en partie remis en cause en décembre 2002, lorsque le Parlement a réduit &un quart le budget de l’Inrap. Or, je constate d’une manière généra1~ que les gens ont besoin d’un passé. C’est important de chercher la souche, le terroir, les racines. Surtout à une époque où le développement de la sciénce et des technologies inquiète. Et il est donc un peu triste de voir qu’un Etat comme la France ne donne pas les moyens aux professionnels de faire leur travail, en ne permettant pas d’exhumer les restes qui sont encore sous nos pieds... Des restes qui font, par essence, partie d’un patrimoine mondial non renouvelable.
Il serait bon d’avoir une institution plus stable, à la fois en hommes et en moyens. Pourquoi ne pas proposer —comme cela s’est déjà fait en
matière d’environnement, avec la charte dont Jacques Chirac m’a confié la rédaction — une charte de l’archéologie ? Cela présenterait l’intérêt de faire l’état des lieux. Et aussi d’attirer l’attention sur l’importance du passé pour comprendre le présent. Je suis convaincu que l’éducation doit jouer un rôle plus important. Ily a assurément un manque d’information du public sur l’intérêt de l’archéologie, une méconnaissance, une désinvolture vis-à-vis des petits bouts de poterie et des petits cailloux que l’on ramasse. Ils nous apportent pourtant la dimension du temps, l’expérience du passé, l’humanisme, la connaissance des gens d’avant, aussi importante que celle des gens d’ailleurs. Ils apportent, par suite, la tolérance,et la connaissance tout court. Peut-être faut-il,pour mieux assurer la protection de notre patrimoine archéologique, passer à une norme législative supérieure, en l’intégrant, pourquoi pas, à la Constitution. Il faut en tout cas arrêter de considérer l’archéologie comme un luxe. Ce qui disparaît ne réapparaît jamais plus.