En histoire médiévale, j'ai trop insisté sans doute sur l'approche spatiale (il y avait pourtant quelque chose à exploiter avec la marginalité dans le centre et le statut des
dhimmis), en débutant par le Hijaz, cœur par excellence du
dar al-islam, en continuant par un passage en revue des villes et des marges et, à partir de la théorie khaldunienne, en étudiant dans un troisième temps les véhicules de la centralité et de la marginalité (le soutien des oulémas, l'importance des armes, le contrôle des routes de l'or, la maîtrise de l'arabe). J'ai remarqué que l'Islam avait peu à peu consenti au deuil de son centre primitif et, tandis que des califats et des pouvoirs régionaux émergeaient en Occident comme en Orient en dehors du centre originel de l'Islam, il m'a fallu définir une "seconde arabité", une arabité symbolique fondée sur les véhicules de la centralité précédemment définis, qui fondait désormais la légitimité du gouvernement en Islam et des marges à devenir des centres. Ce qui n'implique pas forcément une rupture avec les traditions de la marge, comme l'illustre l'exemple des Mamlouks et la culture de la
furusiyya.
En histoire contemporaine, j'ai oublié de mentionner des problématiques importantes telles que le chemin de fer (Freycinet, 1879), qui a eu une importance certaine dans le désenclavement culturel et politique des campagnes. J'ai refusé de dissocier par trop les logiques inclusives et exclusives des républiques en soulignant leur profonde ambiguïté. J'ai fait de cette ambivalence l'une des caractéristiques des cultures républicaines. Mais le sujet était dangereux, et le plan difficile à élaborer. On pouvait tout aussi bien mentionner les pauvres, les vagabonds, les juifs, les protestants et les catholiques, que les fous, les condamnés, les conspirateurs, les morts (le Panthéon), les prisonniers, les ouvriers, les ennemis politiques (des monarchistes aux anarchistes), les nobles, les mineurs, les femmes, les violents, et des espaces comme les colonies, les campagnes, les villes, l'école, la rue et le bureau de vote. Les fêtes et les sociabilités politiques diverses étaient un autre moyen d'intégration ou d'exclusion.
En histoire ancienne, Dion conte une bataille courue d'avance. Il débute par le choc de deux ambitions qui résulte sur la ruine de Rome. Or, Rome étant ultimement défaite par des généraux qui, tous deux, s'étaient attiré les faveurs des dieux (la "fortuna", induise par le mot "chance" dans une des lignes de la première page), ils sont autant les liquidateurs de la
Res publica et de la
concordia que de la
pax deorum. L'inouï de Pharsale, qui est le produit-monstre de deux démesures humaines, tient à sa double nature, et tragique et absurde. Il s'agit d'une remise en cause radicale du siècle des
imperatores en un temps où l'Imperator a triomphé.
En géographie, il m'a paru avec B. Kayser que la Méditerranée était moins un espace qu'un discours et une idée. J'ai alors donné de la méditerranée, à travers les exemples de l'Arctique, de la mer des Caraïbes et de la mer de Chine méridionale, la définition d'une fracture spatiale constamment relativisée par des éléments d'unité, plus que d'union (ex : l'ancienneté des relations entre les Etats riverains, le partage d'une culture commune, etc.). Pour le plan, l'analyse du concept depuis sa formulation en 1995 dans
L'Espace géographique et du référent Méditerranée avec les principales caractéristiques (unité climatique et biologique, mer semi-fermée, une petite superficie, une mer de flux légaux et illégaux, une présence étatique forte et une unité régionale historique, une relégation relative dans la mondialisation) (I), une énumération de quelques méditerranées possibles (II), enfin une typologie, qui s'est avérée impossible (III).
Il vaut mieux maintenant cesser toute prospective, attendre les résultats, et s'en remettre aux dieux, ou au hasard : c'est selon !