Citer :
je n'ai jamais entendu d'un quelconque musulmans ce que vous dites-là: othman fut 'inspiré par Dieu'... Et puis je me permet de vous rappeler que othman n'a pas officialiser une version du coran mais plusieurs qu'on retrouve parfaitement a notre époque.
Il n'a rien détruit.
Je n'ai pas dit qu' "Othman fut inspiré par Dieu", j'ai posé la question "Peut-on dire qu'il fut "inspiré" lorsqu'il a fixé un texte unique (considéré depuis comme "le" texte inspiré) en détruisant les autres?".
Quelles sont "les" versions du Coran "qu'on retrouve parfaitement à notre époque"? Le texte arabe n'est-il pas identique quelles que soient les éditions réalisées dans tel ou tel pays? Où (si elles existent...) peut-on se procurer les "variantes" dont vous parlez?
Pour poser mes questions, sans remonter à des sources originales savantes, je suis parti de ce que j'ai lu récemment dans :
L'islam en 50 clésd'Antoine SFEIR
(postface de Dalil BOUBAKEUR, recteur de l'Institut musulman de la Grande Mosquée de Paris)
Editions Bayard
Voici le passage (page 41-42) :
"Le Coran, terme arabe qui désigne la récitation, la dictée, est la parole même de Dieu telle que transmise par Allah à Mahomet par l'intermédiaire de l'archange Gabriel. Il est considéré par le musulman comme le Livre saint par excellence. En fait, la parole divine est initialement une récitation orrale dans une culture où le livre n'existe pas vraiment.
UN TEXTE SACRE ET INVARIABLE
Récité par le Prophète de son vivant, le message est reçu par les compagnons fidèles et noté par ceux d'entre eux qui avaient plus ou moins l'usage de l'écriture. Ces écrits épars se feront plus réguliers à partir de l'hégire et de l'établissement de la communauté à Médine.
Plusieurs aide-mémoire sont ainsi constitués et l'idée de consigner dans un livre cette "dictée surnaturelle enregistrée par le Prophète inspiré" fait son chemin. A la mort du Prophète, ses derniers compagnons sont mis à contribution.
Ce n'est qu'avec le troisième successeur de Mahomet, le calife Othman, que le projet va aboutir, en 652, vingt ans après la mort du Prophète.
Ce sera la version définitive du Coran, la "vulgate othmanienne". En effet, le calife prendra soin de faire détruire toutes les autres versions qui circulaient alors au sein de l'empire naissant. De ce fait, le texte du Coran est invariable. [...] Il semble que, dans la version écrite définitive du Coran de 652, les sourates les plus longues, c'est-à-dire celles qui figurent au début du livre, soient paradoxalement celles qui ont été récitées à Médine. Elles ont un ton solennel et souvent juridique alors que celles de La Mecque ont un style beaucoup plus poétique."
L'ISLAM ET LES GENS DU LIVRE (pages 67-68) :
Vis-àvis des fidèles des autres religions monothéistes, qu'il appelle "gens du Livre" (
Ahl al-Kitâb), l'islam a une attitude contrastée. En arrivant à Médine, le Prophète espérait trouver un appui auprès des trois tribus juives de la ville : n'étaient-elles pas farouchement monothéistes, se réclamant de la même descendance d'Abraham?
A l'égard des chrétiens, la même attitude d'ouverture se manifeste au début de la prédication. Le Prophète lui-même signe en 631 un pacte avec la communauté chrétienne de l'oasis de Najran. En échange d'un impôt spécial, mais raisonnable, ce "pacte de Najran" garantit la protection de la
Oumma aux chrétiens de la région et assure qu'aucune humiliation ne pèsera sur eux. Ce libéralisme se retrouvera dans le Coran :
"Pas de contrainte en religion!"
UN STATUT LIBERAL, MAIS PRECAIRE...
Mais l'euphorie des premières années va vite laisser la place à des circonstances aggravantes. Plus les mois passent, plus les avertissements et les menaces se multiplient à l'égard des juifs et des chrétiens. On reproche aux premiers de s'être détournés des Ecritures :
"Ceux qui étaient chargés de la Torah et qui, ensuite, ne l'ont plus acceptée, ressemblent à l'âne chargé de livres" (sourate 62, verset 5).
Aux seconds, le reproche est encore plus lourd puisqu'il va les ranger bientôt dans la catégorie des impies :
"Ceux qui disent "Dieu est, en vérité, le Messie, fils de Marie"
sont impies" (sourate 5, verset 17). Et dans la même sourate :
"Oui, ceux qui disent : "Dieu est, en vérité, le troisième des trois"
sont impies" (verset 73).
La protection ("dhimmitude", de l'arabe
dhimmis, "protégés") va devenir de plus en plus pesante, car elle s'assortit de restrictions précises. D'autres pactes seront signés, le plus important étant le "pacte d'Omar", signé en 635 par les chrétiens de Syrie et de Palestine lors de la conquête musulmane. Celui-ci exige des minoritaires de
"demeurer dans [un] état d'humiliation", ce qui est en complète contradiction avec le pacte de Najran... Mais ce nouveau pacte s'inscrira rapidement dans la tradition et certaines écoles juridiques en feront un modèle,
"la voie à suivre".
Les deux sections suivantes (page 69 & 70) exposent en quoi ce statut est
... DISCRIMINATOIRE ET RESTRICTIF
et en quoi on y trouve
UNE TRADITION QUI PERDURE.
Une autre source "non savante" de mes remarques est le :
Petit lexique des idées fausses sur les religions
d'Odon VALLET
(Editions Le Livre de Poche, Albin Michel 2002).
Page 108 :
LIVRE
"Le judaïsme, le christianisme et l'islam sont les religions du Livre".
C'est une triple erreur. D'autres religions possèdent un Livre sacré et ces trois-là ne se réfèrent pas au même ouvrage qui, d'ailleurs, est une oeuvre souvent plurielle. Le christianisme n'est pas la religion de l'Evangile mais de
quatre évangiles (
cinq si l'on suit saint Paul qui appelle ses épîtres "mon évangile"). Et la Bible est un mot grec pluriel (
ta biblia) signifiant "les livres". Seul le Coran mériterait ce singulier, encore qu'on y décèle des influences de la Bible et des évangiles : il s'agit donc d'un ouvrage de synthèse, d'une réinterprétation de plusieurs messages par un homme qui ne savait peut-être pas lire : Mohammed. Cette tendance à l'unité se retrouve dans le nom qu'après la conquête arabe les musulmans donnaient aux juifs et aux chrétiens : les "gens du Livre".
Le judaïsme est la religion de
24 petits recueils : "les livres" (
ha-sefarim) forment une bibliothèque hétéroclite où l'on trouve des chants d'amour (
Cantique des cantiques), des écrits de sagesse (l'
Ecclésiaste), des livres inspirés (les
Prophètes) et, surtout,
5 recueils dits de la Loi (
Torah). Celle-ci a, pour les juifs, une valeur supérieure au contenu des autres livres alors que le christianisme accorde la même valeur canonique à l'ensemble de ces ouvrages qu'il nomme Ancien Testament. [...]
Dans l'ensemble, chrétiens et juifs affirment [...] le caractère sacré ou, du moins, vénérable d'un même ensemble de textes [...] alors que les juifs ne croient pas du tout que le Nouveau Testament soit un livre inspiré par Dieu.
Quant aux musulmans, ils estiment que juifs et chrétiens ont déformé dans leurs livres saints la révélation des messages de Dieu que seul le Coran restitue dans son intégrité. Et comme juifs et chrétiens ne croient pas en l'inspiration divine du Coran, il est injustifié de dire que les religions se réclamant d'Abraham sont celles du Livre.
Le statut de l'Ecriture sainte diffère d'ailleurs dans ces confessions. Les juifs estiment que la Révélation contenue dans les livres bibliques a son complément indispensable dans les commentaires ou "études" (
talmuds) édités à Jérusalem (en fait près du lac de Tibériade) et à Babylone vers le Ve siècle après Jésus-Christ.
Les protestants pensent que l'Ecriture se suffit à elle-même (
sola scriptura) alors que les orthodoxes y ajoutent la Tradition (des Pères de l'Eglise) et les catholiques le Magistère (du pape et de l'Eglise).
Les musulmans complètent le Coran par les "dits" (
hadiths), recueils de paroles du prophète Mahomet.
Et puisque ni Moïse ni Jésus ni Mahomet n'ont jamais écrit eux-mêmes la moindre ligne, les "religions du Livre" sont surtout des religions de la
Parole recueillie et transmise par l'oral puis par l'écrit".
Je ne me serais jamais permis d'avancer quoi que ce soit sur ce sujet de ma propre autorité... En me référant à Antoine SFEIR (et à Dalil BOUBAKEUR) ainsi qu'à Odon VALLET, j'ai pris la précaution de faire appel à des auteurs récents (contemporains, en fait) infiniment plus compétents que moi en la matière, et à des ouvrages faciles à se procurer à petit prix.