Le Shah Nameh est une épopée rédigée au moment du renouveau de la culture persane à la fin du Xe s. : c'est un des premiers témoignages de l'écriture de la langue persane depuis la conquête, c'est la revendication d'une culture non-arabe par la mise en valeur de l'histoire et des mythes iraniens, c'est enfin la glorification de rois persans (les petites dynasties qui émergent dans l'émiettement du pouvoir abbaside), rédigé à leur intention (même s'il y a eu quelques soucis à la livraison...).
Les iraniens sont largement conscients, dès l'arrivée de l'islam, de l'ancienneté de leur culture : ils parlent une langue différente des envahisseurs, ils ont des monuments, des livres et des pratiques artistiques propres. Ces pratiques se perpétuent malgré les nombreuses vagues d'invasions qui marquent le pays. L'islam y est considéré un peu différemment que dans les pays arabes (développement du mysticisme, partiularités du chiisme, influences du zoroastrismes, du buddhisme et des pratiques païennes turco-mongoles).
La rédaction, puis l'illustration (à partir de la fin du XIIIe s. au moins) de Shah Nameh n'est pas un acte lié à l'islam, mais à une "conscience culturelle" différente.
C'est tout particulièrement le cas pour le Shah Nameh de Shah Tahmasp (dont certaines pages étaient aussi exposées à Arts d'Islam à l'Institut du monde arabe, si quelqu'un a été la voir) : offert probablement à Shah Tahmasp à son avènement, il est un cadeau symbolique pour fonder sa royauté dans une tradition persane (alors que la dynastie safavide est turkmène, à l'origine).
Ceci dit, même dans le monde arabe, la culture islamique a une forte conscience du passé pré-islamique. Le Coran ne se prive pas de mentionner les événements relatés dans la Bible (ancien et nouveau testament) et de s'y référer. Les ouvrages grecs sont connus comme étant anté-islamiques. Il y a aussi une grande importance de l'histoire, pas toujours liée au Prophète, en terres d'Islam.
De ce fait, les ouvrages anté-islamiques ou relatant des faits anté-islamiques sont souvent copiés, traduits, illustrés. La mode du Shah Nameh se disperse même dans le monde ottoman : les souverains entretiennent des Shahnamedj, chargés de faire leur apologie dans le style du Shah Nameh.
Sur la question de la représentation figurée, c'est un peu plus compliqué, mais le fait que ce soit islamique ou pré-islamique importe peu. J'avais essayé de faire une synthèse sur WP :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Repr%C3%A9 ... _l%27IslamEn gros, l'islam, sunnite comme chiite, n'interdit les représentations que dans un contexte sacré (monuments religieux, Corans). On trouve de nombreuses représentations autrement, sauf à quelques exceptions, par exemple au Maghreb, où la figuration disparaît vers le XIIe s.