En réalité, l'origine de ce post vient d'une interrogation initiale ; comment se fait-il que Baybars soit autant méconnu par le profane arabe ? Alors même que ce qu'à réalisé le Mamelouk est autrement plus consistant que ce qu'a fait Saladin.
Invaincu (ce qui n'est pas le cas de Saladin, battu par Baudouin le lépreux et Richard Coeur de Lion), Baybras a incontestablement sauvé à lui seul le monde musulman de l'époque qui était pris en tenaille par les Mongols (qui venaient de saccager Bagdad et menacaient Le Caire) et les Croisés et Etats Latins : ses victoires de La Forbie, Mansourah, Fariskur, Ain Djalout et autres Erbalistan ont permis de degager les menaces pesant sur le proche et moyen orient musulman.
Et pourtant, il demeure ostracisé par la littérature spécialisée occidentale et inconnu de la masse arabe (alors que ces contemporains arabes le magnifiaient et qu'il était le héros d'un roman populaire "Sirat Baybars", chose dont ne bénéficia pas Saladin) : y a t-il un phénomène de cause à effet ? Un article a confirmé mes doutes. Je vous en fait part :
" 12 On peut se demander pourquoi les Egyptiens éprouvent tant de sympathie envers le personnage d'al-Zâher Baybars, héros épique d'un des récits les plus célèbres. Cette époque de l'histoire de l'Égypte a en effet connu des sultans tout aussi prestigieux que Baybars et qui, comme Salah al-Din al-Ayûbi, étaient dotés d'une personnalité hors du commun. Cependant, le récit populaire accorde à des personnages tels qu'al-Saleh Negm al-Din Ayûb, dernier sultan de la période ayûbide — celui qui avait élevé Baybars — une place plus importante qu'au fameux Salah al-Din al-Ayûbi, qui a joué le rôle le plus prestigieux de l'histoire des Croisades. Cela pourrait s'expliquer par le fait que le sentiment populaire ne tolère aucune complaisance vis-à-vis des adversaires de la nation. Or, selon Ibn al-Asir, « Salah al-Din était par trop laxiste avec ses adversaires ». La conscience populaire ne lui a pas pardonné ce « laxisme » qui pourtant, à notre sens, relève davantage de la tolérance religieuse et de l'éthique chevaleresque que du renoncement aux droits nationaux.
13 Mettons en parallèle l'image de Salah al-Din et celle de Baybars, le premier à avoir combattu les Mongols et rétabli le califat abbasside. Acte dont le mérite a été reconnu par Ibn lyas, exploit qui a profondément influencé le peuple égyptien et a donné à son auteur une véritable légitimité, en dépit de ses origines d'esclave mamelouk et bien qu'il se fût emparé par la force du trône des Ayûbides. Un tel parallèle nous fait comprendre pourquoi le peuple égyptien a immortalisé Baybars sans s'attarder sur l'histoire glorieuse de Salah al-Din et son rôle de défenseur de l'islam et des musulmans7 : ce qui, selon nous, a enflammé la sensibilité populaire et immortalisé Baybars, c'est la légitimité sur laquelle est fondée l'épopée. Nous avancerons même que, tout au long de l'histoire et jusqu'à nos jours, la légitimité a été et continue à être un critère quasi sacré dans l'épopée égyptienne8. La conscience populaire célèbre bien évidemment les triomphes militaires contre les ennemis de la nation et la défaite de ses adversaires, mais elle célèbre d'une manière toute particulière la question de la légitimité et la participation populaire au pouvoir que cette légitimité peut entraîner."
source :
http://ema.revues.org/index565.html