Citer :
De même, je ne suis pas sûr que Bonaparte ait pu entrevoir l'importance des bouleversements en cours dans cette région.
La corde de l’islamisme ayant échoué, Bonaparte, si l’on en croit ses futures dictées héléniennes, n’hésita pas à faire jouer celle de l’arabisme :
« Plus tard, le sultan El-Kébir toucha la corde du patriotisme arabe : Pourquoi la nation arabe est-elle soumise aux Turcs ? Comment la fertile Egypte, la sainte Arabie, sont-elles dominées par des peuples sortis du Caucase ? Si Mahomet descendait aujourd'hui du ciel sur la terre, où irait-il ? Serait-ce Constantinople ? Mais c'est une ville profane, où il y a plus d'infidèles que de croyants ; ce serait se mettre au milieu de ses ennemis. Non, il préférerait l'eau bénie du Nil ; il viendrait habiter la Mosquée de Gâma el-Azhar, cette première clef de la sainte Kaaba ! A ces discours les figures de ces vénérables vieillards s'épanouissaient, leurs corps s'inclinaient, et, les bras croisés, ils s'écriaient : "Tayeb, tayeb ! ah ! cela est bien vrai."
Lorsque Mourad Bey eut été rejeté dans la Thébaïde, Napoléon leur dit : "Je veux rétablir l'Arabie ; qui m'en empêchera ? J'ai détruit les Mamlouks, la plus intrépide milice de l'Orient. Quand nous nous serons bien entendus, et quand les peuples d'Egypte sauront tout le bien que je veux leur faire, ils me seront sincèrement attachés. Je ferai renaître les temps de la gloire des Fatimides. »(Bertrand,
Guerre d'Orient. Campagnes d'Egypte et de Syrie)
Bien après les faits, Napoléon voyait les Arabes le suivrent dans les brumes de ses rêves orientaux :
« La commotion se communiquait à toute l'Arabie. Les provinces de l'empire ottoman qui parlent arabe, appelaient de leurs vœux un grand changement, et attendaient un homme. »(Gourgaud,
Mémoires pour servir à l’histoire de France sous Napoléon)
« C'est par des Arabes, des Grecs, des Arméniens que j'eusse achevé la guerre contre les Turcs ! »(Ségur,
Un aide de camp de Napoléon)
Au moment de l’expédition française, les choses étaient loin d’être si limpides et favorables aux envahisseurs. A l’époque, l’émir de la Mecque était Ghalib-Ibn-Mussad. Menacé par les Wahabites avec lesquels il venait de signer une trêve, peu soutenu par la Porte, ménagé par Bonaparte, ce dernier refusa de proclamer le jihad.
Mais parallèlement, Muhammad Al-Maghribi Al-Jilani Al-Hashimi appela au combat dans la grande mosquée de la Mecque. Plus de cinq mille volontaires répondirent à son appel et allèrent guerroyer contre de Desaix dans sa campagne contre Mourad Bey.