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Message Publié : 12 Avr 2018 23:12 
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Salluste
Salluste

Inscription : 02 Avr 2018 11:35
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Jerôme a écrit :
Barbetorte a écrit :
giby a écrit :
Invérifiable, en 1830, l'Algérie n'existait pas… C'est l'année de sa fondation de l'Algérie par la France.
C'est vérifiable. Par exemple, Alexis de Tocqueville note dans un rapport parlementaire de 1847 :

Je ne suis pas historien, mais scientifique de formation… Il me semble donc incongrue de citer un acte de 1847 pour un point en 1830…


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Message Publié : 12 Avr 2018 23:43 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 26 Août 2008 7:11
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Localisation : Corsica
La langue langue turque ottomane était la langue officielle.
Peut-on en déduire que jusqu'en 1830 il n’est pas impossible que bon nombre des 15 000 Turcs expulsés savaient lire et écrire le turc, tout comme les nouveaux colonisateurs savaient lire et écrire le français.
Concernant ces dits algériens qui savaient lire en 1830 :
- de quelle population est-il question ? ... des turcs ? des algériens ? des janissaires ? des éventuels dhimmis ?
- de quelle langue est-il question ?
- de quelle catégorie sociale est-il question ?
wiki a écrit :
Au XVIIIe siècle, il y avait 15 000 janissaires concentrés dans seule ville d'Alger. La ville était très bien gardée, car elle permettait aux Ottomans le contrôle direct de la Méditerranée31.
Le mode de vie, la langue, la religion, ou la région d'origine de l'élite ottomane à créé des différences remarquables entre l'élite algérienne ottomane, et la population indigène32.
Au cours de l'ère ottomane, la langue turque ottomane était la langue officielle de la région, la langue turque été parlée principalement par la communauté turque.

Turcs en Algérie
https://fr.wikipedia.org/wiki/Turcs_en_Alg%C3%A9rie

Pendant les siècles d'occupation ottomane quelle a été la production littéraire et scientifique en langue arabe des algériens qui n'étaient pas turcs ?
Cette production intellectuelle pourrait peut être donner une idée du niveau scolaire et intellectuel global de la population.
En plus du Coran, quelles étaient les références intellectuelles des algériens ?
Serait-il possible d'avoir des références de cette production intellectuelle ?


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Message Publié : 13 Avr 2018 12:20 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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Sur un forum consacré à l'histoire, on devrait attendre de la part des intervenants à un minimum de logique, d'esprit critique, d'ouverture d'esprit et d'honnêteté intellectuelle. Or, sur ce sujet consacré au taux d'alphabétisation des Algériens avant le début de la colonisation, je constate qu'on s'arc-boute sur une idée reçue : l'Algérie était un pays arriéré, donc les Algériens ne pouvaient pas savoir lire et écrire et tout ce qui tend à prétendre le contraire ne peut être que sans fondement ou carrément mensonger.

Je passe en revue les différents arguments.

La question n'a pas de sens puisque l'Algérie n'existait pas avant 1830.
Ben voyons, c'était une terre vierge et l'histoire commence en 1830. Avant c'était le néant.

On ne peut rien dire puisqu'on n'a aucune donnée sur la démographie.

la population globale est totalement inconnue. Cet article universitaire donne de nombreux détails.

17 pages, c'est beaucoup pour dire qu'on ne sait rien. Cet article universitaire s'avance tout de même à donner des estimations de la population d'Afrique du nord :

- Vers l’an mille, après plusieurs siècles de crise et de recul démographiques, les trois pays du Maghreb ont dû, grâce à la prospérité de l’ère ziride, approcher les 6,5 millions d’habitants.
- En 1200, le Maghreb ne doit guère compter plus de 5 millions d’habitants.
- Avec le retour de la peste en 1362-1363, et tous les dix ou douze ans par la suite, la population du Maghreb ne dépasse sans doute guère les 4 millions en 1400.
- De 4,7 millions vers 1500, la population de la région remonte peut-être à 5,4 millions vers 1600 et à 5,6 millions vers 1620,
on peut penser que la population du Maghreb a stagné, ou même légèrement régressé, de 5,7 millions en 1700 à 5,6 millions en 1800.

- En 1830, lorsque les Français débarquent à Sidi Ferruch, le Maghreb compte environ 7 millions d’habitants, un peu plus de 3 millions pour le Maroc, autant pour l’Algérie, et peut-être 1 pour la Tunisie.

Donc cet argument est faux : on connaît approximativement la population globale.

Ensuite, il est inopérant : on n'a pas besoin de connaître la population globale pour pouvoir apprécier la proportion de personnes sachant lire et écrire. Il suffit par exemple de relever combien, parmi cent personnes rencontrées, savaient lire et écrire. Cela donne une bonne indication de la situation, au moins localement.

Une augmentation de 200 % en près d'un siècle, c'est beaucoup plus que ce que peut supporter un système éducatif. Il est donc normal qu'ils aient été dépassés dès le début. 

Ah oui ? De combien la population américaine a-t-elle augmenté depuis 1800 ? Le système éducatif américain n'a pas suivi ? L'explication est tout autre. La société algérienne s'est disloquée du fait de la méthode de conquête préconisée par Tocqueville : ravager le pays. Le pays ayant été ravagé, les écoles traditionnelles ont disparu, ensuite le colonisateur s'est fort peu préoccupé d'en reconstruire et ensuite les colonisés ont refusé de fréquenter les rares écoles ouvertes par les Français dans un mouvement de résistance à l'assimilation.

Raisonnements illogiques

pour être un bon musulman il fallait savoir lire le coran. Heu..., avec ce raisonnement, les pays arabes devraient être actuellement les plus alphabétisés du monde, non ?

Eh bien non, parce qu'il faut aussi tenir compte, entre autres facteurs, du niveau de développement économique.

Certes, l'observation que pour être un bon musulman il fallait savoir lire le corann n'est pas LA preuve mais, s'il est confirmé que le taux d'alphabétisation est élevé parmi les Musulmans, c'est une explication tout à fait plausible. C'est par une raison analogue qu'on explique un niveau d'instruction plus élevé parmi les Protestants que parmi les Catholiques dans l'Europe de l'époque moderne. L'observation mérite attention et ne doit pas être réfutée d'emblée par un pseudo raisonnement par l'absurde.

la vie à Constantine dont parle l'extrait n'a que peu à voir avec celle des régions berbères non arabophones

Et alors ? Ce qui est vrai à Constantine ne devient pas faux du fait que ce peut être faux ailleurs ! J'avais bien pris la précaution de préciser : tout au moins dans les villes.

Je ne suis pas historien, mais scientifique de formation… Il me semble donc incongrue de citer un acte de 1847 pour un point en 1830…

Là on atteint un sommet et c'est faire honte à la science. Il faudrait commencer par lire l'extrait que j'ai cité et ensuite expliquer en quoi le rapport d'un militaire sur la ville de Constantine qu'il venait d'investir en 1837 est invalide sans se réfugier derrière une pseudo-autorité de scientifique.

Je reprends depuis le début.

Davantage d'algériens savaient-ils lire et écrire en proportion de la population totale que de français ? Les éléments dont je dispose ne me permettent pas de répondre avec précision.

Cependant, le fait que l'islam incite à lire le coran ne peut que favoriser l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Le même raisonnement a été tenu au sujet des Protestants et des Juifs et il est parfaitement exact.

Un dénombrement des établissements d'enseignement et de leurs élèves dans la ville de Constantine en 1837 montre que l'apprentissage de la lecture et de l'écriture était chose courante dans les villes de la zone côtière algérienne et il est tout à fait plausible que, dans cette zone, la proportion des analphabètes n'était pas supérieure à la proportion des analphabètes en France qui était de 50% à la même époque.


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Message Publié : 13 Avr 2018 12:55 
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Merci de cette remise à plat nécessaire et salutaire

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Message Publié : 13 Avr 2018 20:25 
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Jean Mabillon
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Constantine n'est pas sur la côte, cependant c'est une ville d'origine antique et puisque ce lieu a subsisté et prospéré, il était devenu un centre religieux très certainement important.... ce qui explique sans doute le chiffre donné, il y avait aussi, à cette époque une population juive relativement nombreuse qui devait aussi pouvoir lire les textes de sa religion et aussi avec des écoles. Je ne me hasarderai pas à tenter d'extrapoler un pourcentage pour toute l'Algérie à partir des données de Constantine... Vers la fin des années 50, l'un de mes meilleurs amis y a fréquenté un établissement des Oulémas pour y apprendre l'Arabe .C'était toujours une ville assez particulière avec un casino dans lequel une de mes cousines avait donné des concerts avant la guerre......


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Message Publié : 13 Avr 2018 23:10 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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En 1833, une commission dont les membres ont été désignés par le roi a été chargée d'enquêter en Algérie pour recueillir sur les lieux tous les faits propres à éclairer le gouvernement. L'un de ses membres, Alexis de la Pinsonnière écrit dans son rapport :

Vous vous êtes présentés à eux en leur annonçant avec emphase que vous leur apportiez les lumières de l'état et social et de la liberté ; ils auraient pu vous répondre qu'ils ont des écoles d'enseignement mutuel depuis des siècles, que tous les Arabes savent lire et que vos paysans croupissent dans l'ignorance.

Il est suggéré à la commission un journal : II serait avantageux d'avoir un journal ; les Arabes naturellement curieux le liraient avec avidité, surtout si l'on n'y parle pas religion, mais seulement d'industrie, d'agriculture et d'autres arts utiles. Presque tous les Arabes savent lire et écrire. Dans chaque village il y a deux écoles. Parmi les Kabyles, au contraire, il n'y a guère que les Scheiks qui aient ces premiers éléments d'instruction.

Source : https://www.persee.fr/doc/remmm_0035-1474_1966_num_1_1_921#remmm_0035-1474_1966_num_1_1_T1_0237_0000


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Message Publié : 14 Avr 2018 0:22 
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Pierre de L'Estoile
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Barbetorte, si je comprends bien, au départ, nous avons : Tocqueville qui cite un rapport d'un d'un militaire de 1837, qui donne :
Citer :
Un dénombrement des établissements d'enseignement et de leurs élèves dans la ville de Constantine en 1837
. Vous commencez par en conclure :
Barbetorte a écrit :
Cet extrait indique un niveau d'instruction certain avant la conquête de l'Algérie qui s'est très fortement dégradé dès le début de la colonisation.
Généralité restreinte ensuite :
Citer :
[...] montre que l'apprentissage de la lecture et de l'écriture était chose courante dans les villes de la zone côtière algérienne et il est tout à fait plausible que, dans cette zone, la proportion des analphabètes n'était pas supérieure à la proportion des analphabètes en France qui était de 50% à la même époque.
Puis vous en concluez :
Citer :
La société algérienne s'est disloquée du fait de la méthode de conquête préconisée par Tocqueville : ravager le pays. Le pays ayant été ravagé, les écoles traditionnelles ont disparu, ensuite le colonisateur s'est fort peu préoccupé d'en reconstruire et ensuite les colonisés ont refusé de fréquenter les rares écoles ouvertes par les Français dans un mouvement de résistance à l'assimilation.
En rajoutant un argument d'autorité
Citer :
Cependant, le fait que l'islam incite à lire le coran ne peut que favoriser l'apprentissage de la lecture et de l'écriture.

Le reste :
Barbetorte a écrit :
[...]on s'arc-boute sur une idée reçue... Raisonnements illogiques... Là on atteint un sommet et c'est faire honte à la science.
Joli enchaînement, on dirait du Cheik Anta Diop ! lol

Pour remettre le raisonnement à l'endroit et reprendre un débat serein, il faudrait peut-être que vous précisiez vos éléments.

Le territoire : s'agit-il de celui de l'Algérie actuelle ? De la bande côtière ? Des villes ? De Constantine ?
A chaque fois : quelle population lui attribuez-vous ? Arabes ? Turcs ? Berbères ?
Quel développement économique ?
Quel chiffre avancez-vous comme proportion d'habitants lettrés du territoire choisi ?

Si le territoire n'est pas celui de l'Algérie, en quoi ce chiffre est-il extensible à la question posée ?
Car il ne suffit pas de prendre 100 personnes, de savoir qui sait lire et de faire une règle de trois sur la population (l'Insee ne sert donc à rien ;) ), il faut également savoir si l'échantillon en question est représentatif.

Or, dans la régence d'Alger, il peut y avoir des différences suivant l'ethnie, et bien sûr le genre, car la scolarisation des filles à l'époque doit, à ma connaissance, tourner autour de zéro (et pourtant, elles sont tout autant musulmanes...)

C'est seulement après avoir établi l'hypothèse de départ qu'on peut ensuite s'interroger sur les causes d'un éventuel déclin.

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Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
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Message Publié : 14 Avr 2018 11:21 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Pour remettre le raisonnement à l'endroit et reprendre un débat serein, il serait bon que vous apportiez vous aussi des éléments positifs et référencés que, pour l'instant, je suis seul à avoir donnés.

N'étant devant ni un tribunal ni devant un jury d'examen, je ne me sens pas tenu de répondre à vos questions dont, pour certaines, la réponse se trouve dans les documents que j'ai mentionnés. Libre à vous de les exploiter et d'en tirer vos conclusions et libre à vous aussi d'en trouver d'autres qui pourraient compléter, confirmer ou infirmer les premiers. Il y en a certainement.

En ce qui concerne la crédibilité de ces documents, je me contenterai de dire que, vu l'état d'esprit des parlementaires et des généraux de la Monarchie de Juillet, lorsque je lis dans leurs rapports d'enquête qu'en substance les Algériens sont arriérés, qu'on ne peut rien en tirer mais que cependant ils savent lire et écrire, sur ce dernier point, je leur fait confiance.


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Message Publié : 14 Avr 2018 22:01 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 26 Août 2008 7:11
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Localisation : Corsica
Le document suivant semble intéressant avec un historique assez complet et une bibliographie abondante.

Ahmed Djebbar : Le système éducatif algérien
Ahmed Djebbar, est un mathématicien, né le 2 août 1941 à Aïn-Defla en Algérie, historien des sciences et des mathématiques algérien, professeur émérite à l'université de Lille. (wiki)

Le système éducatif algérien :
miroir d’une société en crise et en mutation
https://www.codesria.org/IMG/pdf/chap8-djebbar.pdf

Ayant parcouru trop rapidement ce document, j’ai préféré éviter de recopier des passages pour ne pas en déformer le sens hors contexte. ... et je ne suis pas du tout un spécialiste de la question.


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Message Publié : 14 Avr 2018 23:07 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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Intéressant.

Je relève la note suivante qui répond directement à la question posée :
Citer :
Voici ce que disait le Général Daumas à propos du degré d’instruction en Algérie à la veille de la colonisation : « L’instruction primaire était beaucoup plus répandue en Algérie qu’on ne le croit généralement. Nos rapports avec les indigènes des trois provinces ont démontré que la moyenne des individus du sexe masculin sachant lire et écrire était au moins égale à celle que les statistiques départementales ont fait connaître pour nos campagnes ».


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Message Publié : 15 Avr 2018 2:08 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 23 Mars 2005 10:34
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Localisation : Nanterre
J'ai trouvé un article de la revue algérienne d'anthropologie et des sciences sociales qui répond à la question posée : Les séparations scolaires dans l'Algérie coloniale. Lui aussi se base sur les rapports des généraux français, manifestement la seule source. Les gras sont de moi.
Citer :
Très peu de travaux ont été consacrés à l’enseignement de l’Algérie pré-coloniale. Les archives des zaouïas et des personnes privées, notamment dans le Constantinois et le Sud algérien, susceptibles d’éclairer sur le contenu et la portée de cet enseignement, n’ont jusqu’à ce jour pas été mises à profit. Il n’est connu que par les témoignages français, des civils et militaires qui ont participé à la conquête et à la gestion de la nouvelle colonie. La référence au système d’enseignement de la « régence d’Alger » s’est intégrée au jugement que les uns et les autres ont porté sur l’action du colonialisme français en Algérie, « l’œuvre de la France » selon l’expression des partisans de la colonisation. Il en a résulté deux discours contradictoires, depuis Tocqueville en 1847 « Autour de nous les lumières sont éteintes […] C’est dire que nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu’elle n’était avant de nous connaître. » jusqu’à Marcel Emerit en 1954.
[...]
En réalité, aussi bien en Algérie (2000 écoles coraniques), qu’au Maroc et en Tunisie (1250 Kouttabs dirigés par des moudarrès ou mouaddebs) existait un vaste réseau d’enseignement qui ne saurait être assimilé à un enseignement primaire tel qu’il s’est développé au lendemain de la colonisation de ces pays. Ils regroupaient de 20 000 à 40 000 élèves dans chacun de ces pays. Selon Daumas, cité par Turin, 40 % des personnes savaient lire et écrire, 2 000 à 3 000 élèves par province suivaient un enseignement moyen celui des médersas, (environ 6 000 à 9 000 pour toute la Régence d’Alger) et 6 à 800 parvenaient à l’étude des sciences de droit et de théologie (Turin, 1971). Tocqueville dans son rapport au parlement de 1847, cite le mémoire du général Bedeau communiqué au parlement par le ministre de la guerre pour montrer à travers l’exemple de la ville de Constantine (conquise en 1837) l’importance de l’enseignement dans l’Algérie précoloniale. (Tocqueville, Todorov, 1989)

17Comme en France au début du XIXe siècle (où seule l’église de par ses ramifications, pouvait prétendre promouvoir l’instruction élémentaire) seules les ramifications des confréries religieuses (les zaouïas) et les mosquées pouvaient assurer l’instruction aux enfants en âge de scolarisation. Cependant, le caractère décentralisé de l’institution religieuse en Algérie (contrairement au pays où le christianisme était dominant) nuisait à une coordination de cet enseignement et à une capitalisation des différentes expériences pédagogiques ou organisationnelles dans le domaine. En France l’instruction publique était déjà une préoccupation des pouvoirs publics avant la révolution française, ce n’était nullement le cas dans la « régence d’Alger » où le gouvernement du Dey ne semblait pas manifester de préoccupation concernant l’instruction de ses sujets. L’instruction publique était du ressort des ordres religieux et des particuliers.

18Le premier degré de l’enseignement consiste à apprendre et à écrire sur des planchettes les lettres de l’alphabet et quelques textes du livre sacré (le Coran) nécessaires à la prière. Cet apprentissage dure de cinq à six ans sous la direction d’un maallam ou mouaddeb (répétiteur jouant le rôle d’instituteur formé dans une des zaouïas ou dans les madrasas) ; Par la force de la répétition, les enfants apprenaient plus ou moins à lire et à écrire. L’apprentissage de la langue arabe se faisait par le biais de l’apprentissage du Coran ; les notions de grammaire et de calcul étaient pratiquement absentes de cet enseignement. Les cours se déroulent en général dans une salle (peu équipée) attenante à une mosquée ; dans ces écoles, dénommées mcids en Algérie, kouttabs en Tunisie, la classe regroupait des enfants de différents niveaux d’apprentissage. Ils étaient généralement assis par terre ou sur une paillasse autour de l’enseignant qui tenait une longue baguette. Ils répétaient seuls ou collectivement les versets du Coran ; ils devaient les apprendre par cœur, souvent sans en comprendre le sens. La dichotomie entre la langue d’enseignement (arabe littéraire) et la langue parlée (l’arabe dialectal ou le berbère) conduisait probablement les enfants qui ne dépassaient pas le premier degré à une connaissance rudimentaire de la lecture et de l’écriture. Les châtiments corporels étaient une composante de cet enseignement.
|...]
En règle générale, seul un petit nombre d’élèves poursuivent leurs études au-delà du premier degré (la situation n’était pas différente à la même époque en France et dans les différents pays européens), et se rendent dans des écoles du second degré appelées madrassa; elles étaient attenantes aux mosquées principales des villes ou intégrées dans les zaouïas rurales et avaient des maîtres « réputés » pour leur savoir ; l’élève est alors appelé taleb et suit un enseignement de trois années (rapport Lepescheux). Dans ces zaouïas, les élèves étudient le Coran et ses commentateurs Sidi Khélil (selon Leroy-Beaulieu 1887). Selon le duc d’Aumale, on y apprenait le Coran, la langue arabe, la grammaire, la djaroumia, la jurisprudence et la théologie ; auxquels s’ajoutaient parfois la lecture de l’arithmétique d’Ibn el-Issaad et d’Ibn Khaldoun et enfin les traités médicaux d’Ibn-Sinna. Les professeurs des madrasas étaient appelés moudarrès.
[...]
Au bout de cet enseignement, les élèves ont le choix entre l’enseignement dans leur région d’origine ou la poursuite des études dans les universités des pays voisins (Maroc et Tunisie), ou dans un des pays du Moyen-Orient (l’université Al-Azhar en Egypte, principalement). Il semble qu’en 1830, et depuis plusieurs décennies déjà, il n’existait plus en Algérie d’établissement dispensant un enseignement supérieur. L’université de Tlemcen, édifiée par le sultan mérinide Abou el-Hassan Ali en 1347 (747 de l’Hégire), avait cessé d’exister. Cette université avait en son temps reçu Ibn Khaldoun.

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Message Publié : 15 Avr 2018 11:00 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 16 Jan 2010 19:18
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Je crois que ces descriptions sont assez véridiques.L'empire Ottoman semble se désintéresser totalement de la question cependant il y avait une catégorie de population turcophone qui devait même comprendre les langues étrangères dont le Français puisque dans le campement militaire ottoman abandonné les 14 et 15juin 1830 à Sidi Ferruch il a été retrouvé des livres à caractère militaire écrits en Français.....


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Message Publié : 15 Avr 2018 11:46 
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Inscription : 15 Avr 2004 22:26
Message(s) : 15790
Localisation : Alsace, Zillisheim
Sir Peter a écrit :
L'empire Ottoman semble se désintéresser totalement de la question ...


Ce serait sûrement un débat intéressant à mener. Il me semble qu'avant la fin du XVIIIème siècle, on considère l'éducation comme relevant peu ou prou de la sphère privée. Donc, les autorités centrales s'y impliquent relativement peu, sauf si l'ordre social est troublé. On se contente souvent d'autoriser ou de promouvoir l'ouverture de centres concernant l'enseignement supérieur, laissant aux autorités locales l'éventuelle question d'un enseignement intermédiaire. L'enseignement privé étant laissé à l'initiative privée, ou à celle des institutions religieuses. Cela me semble vrai aussi bien dans le monde chrétien que dans le monde musulman, et sûrement aussi dans les autres civilisations

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Message Publié : 15 Avr 2018 12:23 
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Jean Mabillon
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Inscription : 16 Jan 2010 19:18
Message(s) : 2953
Oui,sans doute......Me replongeant dans les écrits d'un très vieil Algérien , j'ai retrouvé quelques lignes de St Augustin parlant de sa scolarité à Hippone,qui ,homme fait, se souvenait encore des coups reçus provoquant le rire les adultes car sa prononciation de la lecture du latin empreinte de berbère était fort gutturale.....


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Message Publié : 15 Avr 2018 20:32 
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Marc Bloch
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Inscription : 09 Août 2006 6:30
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Localisation : Allemagne
Le texte cité par Nebuchadnezar, m'incite à prendre la parole dans un sujet où je ne suis pas spécialiste, mais enfin ma génération a été obligée à s'intéresser au Maghreb, volens nolens.
C'est le paragraphe 18 de son texte qui m'incite à prendre la plume, car c'est un point auquel je réfléchis depuis le début de discussion. Pour ne parler que de l'Algérie, le peuple parle l'arabe dialectal qui est à l'arabe littéraire du Coran, ce qu'était les patois régionaux par rapport au latin ou bien ce qu'est le russe par rapport au slavon d'église. Donc cet apprentissage du Coran par cœur dans les medersas n'en fait pas des alphabétisés. Et là je n'ai parlé que des arabophones, mais que dire des berbères représentés par les Kabyles ? Car eux, ils parlent le Tamachek et l'écrivent en Tifinag. Non , je crois que la question est assez complexe et que de toute manière on ne s'intéresse qu'aux hommes. Cette culture ignorant les 50% de l'humanité constituée par les femmes.
Notre membre El Harrachi, si cultivé et modéré dans ses propos pourrait peut-être éclairer les Roumis que nous sommes :wink:

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