jovien a écrit :
Je viens de lire "Les expulsés" (évoqué plus haut dans cette discussion, et dont je rappelle qu'il ne parle pas de la fuite des Allemands ethniques devant l'Armée Rouge, mais uniquement des expulsions effectuées à partir de la fin de la guerre). .
Voici les réflexions qu'il m'inspire :
.1° Bien que le livre défende une thèse favorable aux Allemands - il condamne les expulsions, pas à cause de la façon inhumaine dont elles ont été effectuées, mais dans leur principe même
C'est également le cas de Keith Lowe dans "l'Europe barbare". C'est un peu déconcertant : je pense que c'est un jugement facile à établir aujourd'hui, alors que l'Europe est devenue hyper-démocratique. En 45 il était beaucoup plus difficile de juger sereinement. De plus il y avait le souci de ne pas recommencer l'erreur du traité de Versailles qui avait laissé nombre de causes de conflit.
Aujourd'hui la présence de minorités allemandes ne poserait guère de problèmes, mais c'était très difficile à anticiper en 45.
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- un point m'a considérablement étonné : l'auteur déclare qu'il n'utilisera aucun témoignage allemand non corroboré par une source non allemande. Selon lui, pour être plus convaincant. Mais cela ne tient pas debout : pourquoi le témoignage des Allemands expulsés serait-il plus sujet à caution que celui de n'importe quelle autre population ? Selon l'auteur, les Allemands ont recueilli systématiquement les témoignages des expulsés et les ont publiés.
Pourquoi cette attitude ? Je me demande si ça n'est pas la paresse : il s'est épargné le maniement de pas mal de volumes...
Parce que vous pensez que le sujet ne fait pas encore polémique ? Vous n'imaginez pas qu'il puisse y avoir une forme de négationnisme dans les pays concernés ? (Ces anciens nazis expulsés qui exagèrent tout, certes, il y a bien eu quelques incidents, mais rien de cette ampleur... Ces pays-là n'ont jamais dit autre chose.) En réalité ce crime de masse est un des plus occultés qui soit.
Hé oui, aujourd'hui encore, si on veut produire un document irréfutable il faut en passer par là.
(Il suffit de voir sur ce forum et sur d'autres la compréhension qui existe quant au sentiment de vengeance contre les Allemands... imaginez ce que ça peut donner dans les pays qui ont expulsé, des pays qui ont été traités bien pire que la France par les nazis.)
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.2° Même dans le chapitre où est évoqué la vie des Allemands ethniques hors de l'Etat allemand avant la SGM, les journalistes, diplomates, observateurs cités qui ne sont pas citoyens des Etats de la région sont uniquement Anglais ou Américains. Cela continue quand il est question des expulsions. C'est le cas aussi des opinions publiques évoquées. Il n'est jamais question d'observateurs suisses, de la presse suisse, de l'opinion suisse (pourtant aux premières loges, et de langue allemande ou connaissant l'allemand, et nécessairement sensible aux problèmes ethniques). Ou scandinave, française, hollandaise, roumaine, que sais-je ? Si un diplomate est cité il est anglais. Si un haut-fonctionnaire d'un ministère des Affaires étrangères est cité, de même. Cela, pendant 700 pages (sauf une page, où il est question de l'attitude du gouvernement français quant à l'immigration éventuelle d'expulsés).
La première cause de cette attitude est évidemment la paresse.
A la fin on se demande s'il n'y en a pas une autre : l'idée selon laquelle les peuples de langue anglaise sont le lieu de la conscience universelle et de l'impartialité possible, le reste de l'humanité étant composé d'animaux capables de souffrance mais non de pensée véritable : après tout, ils n'ont inventé ni le whisky ni le chewing-gum.
Cette façon de caricaturer est excessive. Il y a un peu de vrai, mais je pense que la raison essentielle est l'absence d'autres pays n'ayant aucune part dans les expulsions.(à part les Français - qui s'en foutaient, d'ailleurs - et les Suisses, qui n'étaient pas mieux placés pour observer ces mouvements, sauf peut-être la Croix-Rouge.) Dans la pratique ce sont surtout les autorités d'occupation anglaises et américaines qui se sont retrouvées avec les expulsés sur les bras, et donc les journalistes et les diplomates de ces pays qui se sont émus de la situation et ont essayé de se renseigner sur place.
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.3° On se demande enfin pourquoi cet ouvrage est le premier ouvrage sur ce sujet traduit en français. Pourquoi pas un des nombreux ouvrages allemands ?
Parce que les ouvrages allemands sont allemands, donc pas crédibles sur le sujet. C'est dommage, effectivement, mais je crois qu'il sera difficile d'en sortir.
Essayez donc de publier un livre en Algérie sur le massacre des harkis, juste pour rire...
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La réponse, je le crains : la France est une colonie culturelle du monde anglophone.
Ce genre de considération est ridicule. Surtout appliqué au sujet qui nous intéresse. Comme si l'édition historique en France était aux mains des anglo-saxons ! (ça pourrait s'entendre à propos d'Hollywood, mais concernant l'écriture de l'histoire, vous vous sentez colonisé, vous ?)
Déjà, à vous lire, cet historien est fainéant et arrogant, parce qu'il est anglo-saxon. Franchement...
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. a) L'inclusion dans la Tchécoslovaquie en 1918 des territoires dits des Sudètes était scélérate. Cette injustice aurait dû être corrigée en 1945 et ces territoires auraient dû être laissés à l'Allemagne et à l'Autriche. L'expulsion est un crime du nationalisme tchèque, continuation du crime de 1918 de ce même nationalisme.
Mouais... en pratique dans les Sudètes il est impossible de séparer les populations tchèques et les populations allemandes. On a le choix entre une minorité tchèque en Allemagne ou une minorité allemande en Tchécoslovaquie.
A propos de crime, comment qualifier le fait de laisser les Tchèques aux mains des nazis à Munich en 1938 ? La revendication allemande satisfaite démantelait tout le système défensif des Tchèques. Etonnons-nous qu'ils s'en souviennent en 1945 !
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. b) Staline s'étant emparé de pas mal de territoires de la Pologne, la Pologne ayant été par l'Allemagne dévastée et détruite nationalement, l'annexion de terres allemandes, et l'expulsion des populations allemandes y vivant, n'était pas illégitime.
En somme, les Polonais auraient le droit d'expulser des Allemands de régions allemandes, au motif que Staline a beaucoup d'appétit.
Par contre les Tchèques n'auraient pas le droit d'expulser des Allemands de régions mixtes, parce que Staline ne leur a rien pris.
Tout cela est bien un peu discutable.