cush a écrit :
Quitte à passer pour un cynique, j'ai du mal à compter toutes les guerres qui se sont faites au nom du droit et de la civilisation (celle conduites au nom de la barbarie et du droit à l'oppression ont le mérite d'être beaucoup plus rares!).
La remarque est pertinente, mais tout de même : combien y a-t-il eu dans l'histoire de projets de domination aussi épouvantables que celui des nazis ?
S'il y a une guerre qui méritait d'être livrée, c'est bien celle-ci.
Tous ces savants échappés d'Europe qui ont participé au projet Manhattan savaient parfaitement qu'ils participaient à la création d'une arme épouvantable. Mais précisément ils venaient d'Europe et ils savaient quelle nuit sans fin risquait de s'abattre sur le continent.
cush a écrit :
Je ne suis pas convaincu qu'il failler aborder le sujet sous l'angle de la compassion [...]
Mon post n'a peut-être rien à voir avec l'histoire (et je vais me faire attraper par la patrouille) mais j'avoue avoir toujours beaucoup de mal avec ces sujets qui mêlent histoire, idéologie, pragmatisme et un certain apitoiement un peu... facile.
Je ne vois pas ce qui pourrait offusquer la patrouille,
mais c'est pourtant bien avant tout un sujet d'histoire.
Ce qui me gêne dans ce massacre de masse, c'est qu'il a été totalement occulté. Y compris par les victimes elle-mêmes.
Il est pourtant assez bien documenté : les autorités de la RFA ont collecté les récits, les preuves, les historiens savent la vérité, Jean-Marc a indiqué un ouvrage qui fait la synthèse du sujet, mais c'est LE massacre de masse du 20ème siècle en Europe dont personne ne parle.
Les victimes ont parfaitement compris que leurs plaintes seraient toujours inaudibles. Les autorités fédérales n'ont jamais émis la moindre plainte officielle sur aucun des milliers de dossiers rassemblés : on aurait crié au retour du nazisme.
Il est tout de même rare que le massacre de 2 millions de personnes passe à ce point inaperçu.
Je pense qu'aujourd'hui, alors que les Allemands ne sont plus suspects de nazisme, la mémoire collective de l'Europe gagnerait à prendre en compte cette réalité du conflit : le peuple allemand dans son ensemble a subi de 1945 à 1948 une épouvantable punition. Le massacre des expulsés est l'indice de cette terrible réalité : le peuple allemand a dû subir en silence la responsabilité collective des crimes nazis. Je pense que sur le plan mémoriel la vérité gagnerait à être dite, sans passion et sans trémolos, comme point final à toute cette histoire qui a dévasté l'Europe en totalité.
Au tribunal de Nuremberg les avocats allemands des accusés se sont battus pour que ne soit pas retenu le principe de la responsabilité collective du peuple allemand, et ont obtenu gain de cause. Mais l'histoire se fiche de l'opinion des juristes : dans la réalité les Allemands ont dû expier les crimes de ceux qui se trouvaient dans le box des accusés ce jour-là.
En prime, le juridisme tatillon qui a présidé à la dénazification a eu pour résultat de laisser filer leurs complices les plus importants, au point qu'on a pu parler de REnazification. L'histoire se fout des bons sentiments. Mais peut-être peut-on, au moins sur un forum d'histoire, refuser le silence collectif des victimes.