Foulques a écrit :
Le fait qu'on parle encore de délais en jours incertains au XIXe siècle, comme vous l'évoquiez, ne me paraît pas révélateur quant à l'approche du temps par les contemporains mais à l'incertitude des moyens de transports. C'est autre chose.
Je ne sais pas s’il s’agit «d’autre chose ». Une société est marquée par les moyens dont elles disposent et ces moyens peuvent dépendre de ce qu’est cette société (cf votre exemple sur l’horloge et la Chine). « on fait c’qu’on peut avec c’qu’on a » Et on « est » aussi en fonction de ce que l’on a. Et s’il n’y avait pas volonté délibérée d’incertitude, il n’y avait peut-être pas de volonté délibérée de réduire celle-ci quand cela était possible. Autrement dit, le fait de ne pouvoir connaître avec une certaine précision le temps qu’il me fallait pour faire 1000 km contribuait peut-être au fait que je n’allais pas être précis pour faire 5km. Et je suis à peu près sûr de l’inverse : la précision que l’on a pu apporter a modifié la précision que l’on a voulu apporter.
Foulques a écrit :
Cette notion du temps calibré est fondamentale car elle va permettre la fiabilité et l'exactitude des rendez-vous
Oui, c’est en partie ce qui m’intéresse. Connaître les changements provoqués par cette modification du décompte du temps et savoir, dans la mesure du possible, qu’est-ce qui était différent et comment avant ce calibrage. Si vous voulez en dire plus à ce sujet...
Foulques a écrit :
Pour l'essentiel, la société était déjà dans l'attente d'un horaire normé et précis, tout y tendait et on n'attendait plus que les évolutions technologiques qui pourraient apporter ce besoin de précision, comme le train.
Je ne crois pas : une société avec moins de précisions temporelles n’est pas notre société a laquelle on a retiré cette précision mais une société dont l’imprécision faisait pleinement partie ; votre lien semble confirmer cela.
lien a écrit :
Toutes ces dernières découvertes de génie n'en restent pas moins, pour la plus grande part, l'apanage d'une élite sociale. Le paysan, lui, n'a que faire de savoir l'heure qu'il est ; ses repères temporels demeurent naturels. Jusqu'à la fin du XIXème siècle, voire le milieu du XXème siècle, l'horloge est avant tout publique, et l'homme continue de se donner pour repère dans le temps la course du soleil dans le ciel, ainsi que le cadran solaire.
Deshays Yves-Marie a écrit :
Il peut être intéressant de rappeler, en passant, que les langues, miroir d'une vision du monde, reflètent des approches spécifiques du temps. Par exemple, la langue de certaines populations de Polynésie ne comporte pas de "futur" (ces populations n'en avaient pas usage car elles vivaient essentiellement dans le présent) ; de même, la séquence "passé/présent/futur" qui paraît si évidente aux occidentaux n'a pas d'équivalent précis dans certaines langues sémitiques (comme l'hébreu) qui fonctionnent simplement avec le tandem "accompli/inaccompli".
J’ai souligné le mot essentiellement car si je me rends bien compte que le rapport au présent est bien particulier chez nous (en exagérant, il n’existe que pour le futur), je suppose que ces personnes avaient quand même une certaine notion du futur, ne serait-ce que du futur proche. Comment l'appréhendait-elle?
Aspasie mineure a écrit :
si j'y arrive, j'essayerai d'en faire une synthèse
Si vous la faites et que je peux la comprendre, vous m’en verrez ravi
Merci à chacun pour ces explications et pour ne pas m'avoir laisser seul sur ce sujet qui ne semble pas passionner les foules. Pourtemps, je trouvais cela intéressant de consacrer du temps au temps, temps pis; je devrais peut-être me mettre à Marie Antoinette.