Il me semble (peut-être l'avez déjà fait ?) qu'il faut d'abord s'interroger sur ce Polydore Hochart (voir à ce propos
http://www.phdn.org/histoire/hypercritique.html). Il est certain par ailleurs qu'il existe une tendance chez certains historiens à contester sérieusement tout écrit de Suétone lui même en le l'accusant de dénigrer certains empereurs pour mieux en flatter un autre (Hadrien) dont il était responsable de la correspondance. Suétone est ainsi parfois accusé de voyeurisme, de persifflage, de médisance. Suétone n'est pas un philosophe, c'est un chroniqueur. De là tomber dans le travers (très contemporain) qui consiste à "réhabiliter" Néron comme un mal compris injustement décrié...
Deux remarques (totalement personnelles) :
1) S'il est tout à fait honorable de prendre du recul par rapport à nos auteurs antiques, ne serait ce que pour des questions de traductions (trahisons) successives, il faut aussi garder à l'esprit que comme tout témoin (parfois à quelques siècles d'écart) leurs témoignages certes subjectifs sont aussi bien souvent les seuls documents que nous avons de l'époque. Ceci obère toute analyse critique : la relation d'un fait par un seul témoin en diminue-t-il pour autant systématiquement la valeur (après tout un seul auteur antique cite le nom d'un dénommé
Chrestus) Toute critique contemporaine très a posteriori est ainsi en elle-même très subjective. Hérodote fut ainsi longtemps considéré comme un sacré conteur d'histoires et puis plusieurs découvertes archéologiques jetèrent une autre lumière sur ses prétendus galéjades (d'ailleurs Hérodote se garde bien lui-même d'admettre pour vérité tout ce qu'il rapporte).
2) Notre vision des persécutions chrétiennes est totalement déformée parce que nous connaissons la suite de l'Histoire et parce que notre civilisation repose sur une base judéo-chrétienne. A l'époque de Néron, les chrétiens sont une menace très relative pour l'État romain, leur religion est encore minoritaire. Elle est surtout totalement incompréhensible pour une société polythéiste, somme toute très tolérante à l'égard des autres religions. C'est une secte (qui n'a pas encore réussi
) Les violences à l'égard des chrétiens (réelles) ne sont pas différentes de celles qui frappent tout ennemi d'un pouvoir totalement autocratique, de celles qui frappent des populations aux mœurs trop étrangères au mode de vie dominant. Il est plus facile de jeter l'anathème sur les chrétiens que sur les adorateurs de Mithra ou d'Isis, d'autant que ceux-ci sont bien représentés dans l'armée qui est le soutien et le faiseur d'empereur par excellence. Les persécutions des chrétiens peuvent ainsi apparaître comme une forme antique de nos "ratonnades" et autres pogroms. Puis habilement mis en valeur par une religion où le culte des martyrs est une solide tradition, "l'Histoire" est en marche. Si demain l'un des seuls souvenirs que les historiens futurs avaient des années 60 était un récit contemporain des massacres de Charonne, cela devrait-il faire du pouvoir gaulliste un persécuteur des immigrés musulmans pour les uns et du préfet Papon un "artiste incompris" pour les autres ?