Il y a surtout malheureusement en France une tradition hypocrite de jacobinisme excessif. Tous les arguments avancés par les gouvernements depuis que la question existe (vers le milieu des abbées 70, je crois), se cache derrière la tautologie : "La Constitution est la Constitution". Certes, l'alinéa 5 du premier article de notre Constitution affirme que "la langue de la République est le Français". Tout résonne comme si l'on craignait un ressac du mouvement d'acculturation profondément opéré depuis Jules Ferry.
Cet alinéa constitue un frein essentiel au plein développement des écoles Diwan en France. Politiquement, cela ne coûte rien d'amodier l'alinéa en lui ajoutant une mention portant sur la reconnaissance des patois et langues régionales comme éléments d'un patrimoine culturel. Mais symboliquement, il y a des barrières mentales.
Je pense que c'est une des preuves d'un certain malaise identitaire relativement récurrent. A mon avis, derrière, se cachent deux raisons majeures principales. La première, c'est que tous les hommes politiques font à mon sens absolument la distinction entre les patois de type alsacien ou berrichon, et les langues comme l'occitan, le breton, le corse, le basque. Pour la simple et bonne raison que depuis les années 1970 et l'épanouissement du mouvement folk en France, les revendications régionales ont repris. Si pour l'Occitanie et la Bretagne, elles sont avant tout l'expression d'une volonté de reconnaissance d'une culture comme n'étant pas originellement française, pour le Pays Basque et la Corse se trament en dessous des raisons politiques. D'où l'ambiguïté : peut-on sauvegarder le patrimoine breton ou alsacien, et laisser dépérir le patrimoine basque ou corse pour étouffer des velléités d'autonomie ?
La seconde, c'est que la France conçoit mal encore la notion de mélange et de métissage. Reconnaître plusieurs langues comme faisant partie d'un patrimoine, c'est briser une unité identitaire : un roi (
), une foi, une loi, un patois (c'est pour la rime). A l'heure actuelle, où tout le monde a bien conscience que la question de l'immigration et de l'intégration des générations issues de la période coloniale et post-coloniale pose encore problème, est-ce que ce n'est pas remettre en cause un fragile équilibre ? On a exactement le même débat au sujet de la réactualisation de la loi de 1905. Faut-il l'étendre au culte musulman, trop embryonnaire sous le ministère de Combes pour figurer dans les tractations de la loi de Séparation ? Ce serait reconnaître symboliquement un culte de plus, et surajouter à une confusion très vite exploitée par certains courants politiques.
D'où à mon avis certaines réticences qui tiennent tout à la fois de la tradition politique de la construction de notre Etat démocratique, et une remise en question de l'identité nationale depuis, grosso modo, les années 1970. Ce qui n'empêche pas la France de défendre bec et ongles son patrimoine, y compris en Bretagne, en Corse, et au Pays Basque. Le vin, la garrigue, le crachin, les polyphonies, tant que vous voulez ! Mais rien qui ne fleure bon la politique. Ce n'est, au final, pas l'une des premières et des seules contradictions inutiles de notre cher pays aux milles fromages.
Demat ! Pardon, au revoir.