Ungern a écrit :
Donc on en revient , mais par un autre chemin, à cette question : pourquoi tant de faux fuyants durant toutes ces années, pourquoi tant de victoires inexploitées , et pourquoi tant de maestria la dernière année ?
C'est assez "interpellant" .
Surtout que je suis loin de penser que César puisse faire une erreur stratégique ou tactique ...
Sur ce dernier point, vous avez tort. César a commis des erreurs tactiques, des erreurs politiques et certainement aussi stratégiques.
Cce qui est frappant chez César, ce n'est pas une infaillibilité qu'il ne possédait pas mais sa capacité à surmonter ses erreurs et ses échecs.
Il est possible qu'il y ait eu calcul de César pour faire durer la guerre des Gaules. Mais les raisons de ce calcul, de cette prolongation de la guerre des Gaules, ne sont pas forcément celles que vous croyez.
Si la guerre des Gaules a duré 8 ans ce n'est pas uniquement pour le bon plaisir du proconsul romain mais parce que les peuples gaulois étaient nombreux, puissants, et parce qu'ils n'acceptaient pas facilement la toute nouvelle domination romaine.
J'adhère assez à l'analyse de Le Bohec sur ce qu'a pu être la stratégie militaire de César en Gaule, si stratégie il a pu y avoir. D'abord frapper au coeur de la puissance adverse, frapper les adversaires les plus puissants. Puis ensuite s'en prendre séparément aux forces moins importantes.
Fin 56, après 3 ans de campagne, la domination romaine sur la Gaule "chevelue" était surtout nominale et théorique. César avait remporté de grandes victoires sur les helvètes, les suèves, les belges, les vénètes et bien d'autres peuples gaulois, mais la domination romaine n'était pas admise. Les ennemis de César, qui avaient des informateurs dans son armée, savaient, eux, à quoi s'en tenir sur la réalité de la campagne des Gaules.
Ce qui n'a pas empêché César de partir en expédition en Bretagne en 55 et 54 (sans parle des incursions outre-Rhin). il a du faire face à une première révolte de certains peuples gaulois fin 54. Puis, alors qu'il raffermissait la domination romaine en Gaule avec trop de brutalité en 53, il a du faire face à la grande révolte de 52. Et même après 52, la résistance des gaulois à la domination romaine a perduré puisque César a du continuer de batailler tout au long de l'année 51 et de se montrer impitoyable pour faire en sorte que les peuples et aristocrates gaulois récalcitrants se résignent à la domination romaine.
Vous partez du présupposé que César n'a jamais eu pour but que d'être dictateur à vie ou empereur de Rome et qu'il était persuadé qu'il n'y parviendrait qu'au moyen d'une armée qu'il aurait préparée à cette fin en l'occupant pendant 8 années de guerres en Gaule.
Non seulement le présupposé est improbable, illogique et démenti par de nombreux faits, mais en plus vous vous basez sur ce présupposé pour ne prendre dans les événements antérieurs que ce qui vous semblent corroborer ce postulat. C'est de l'anachronisme total.
Si effectivement César, dans les 1ères années (entre 58 et 56) semble bien avoir tout fait pour déclencher et élargir le conflit de manière à conduire une guerre gigantesque qui lui permette d'offrir au peuple romain la soumission d'une toute nouvelle province, ô combien riche et symboliquement prestigieuse (la Gaule d'où étaient venues ces peuplades terribles qui avaient pris Rome au début du 4ème siècle, qui avaientmenacé Rome pendant encore des siècles, jusqu'à ce que Marius les arrête in extrémis à Aix et Verceil), ensuite il visait plutôt d'autres guerres et expéditions frappant l'imagination collective de stupeur (par exemple être le 1er à franchir l'océan pour aller soumettre la mystérieuse Bretagne).
Ajoutons que la prolongation de la guerre en Gaule a fini par nuire politiquement aux intérêts de César à Rome même. La grande révolte gauloise de 52 l'a empêché de s'impliquer autant qu'il l'aurait souhaité dans les affaires politiques romaines pendant la période hivernale. Cet éloignement a laissé les mains libres à Pompée et lui a facilité le travail pour promouvoir ses intérêts personnels au détriment de ceux de César à l'occasion des convulsions et crises que connaissait alors la ville de Rome.
Ajoutons-y des réactions mettant en doute l'oeuvre de César en Gaule sur le thème : " eh bien alors ? César nous avait pourtant raconté que la Gaule était soumise. N'est-il pas capable d'y maintenir les peuples dans la nouvelle alliance de Rome ?"
Pour répondre enfin à vos questions précédentes, je dirais simplement qu'avec les moyens de communication et d'information de l'époque, il était difficile de bien apprécier la situation, et de l'exploiter parfaitement à tos les coups.
Et la campagne de 52 n'a pas été magistrale. Elle a fini triomphalement, à ceci près que, comme je vous le disais, il a encore fallu guerroyer toute l'année 51 pour apaiser la Gaule. Mais il n'était pas acquis que la campagne de 52 soit un succès. Elle aurait pu se finir par un échec tout comme Lucullus, après un enchaînement de victoires absolument phénoménal contre Mithridate et Tigrane avait fini par voir ses conquêtes quasiment lui échapper ... ce qui permit à Pompée de reprendre le flambeau et d'apparaître aux yeux de l'Histoire comme le conquérant de l'Asie. Domitius Ahénobarbus, et certainement d'autres, révaient certainement d'un tel scénario qui l'aurait vu être à César ce que Pompée avait été à Lucullus. Celui qui, tel un coucou, s'installer dans le nid longuement préparé par un autre.
Et enfin, après la guerre proprement dite, César avait besoin de temps pour solidifier et élargir encore davantage ses clientèles gauloises. C'est aussi pour cela qu'il y a eu ce débat sur la date à laquelle devrait prendre fin le proconsulat de César.
Les optimates et Pompée n'ont pas fait déclarer César hors la loi en janvier 49 parce qu'ils avaient la preuve de ses projets de conquérir par la force armée la domination de tout l'empire romain. Ils l'ont fait parce qu'ils voulaient mettre un terme au proconsulat de César non seulement avant qu'il devienne consul une 2ème fois mais avant même qu'il puisse déposer sa candidature et parce que César refusait d'être mis dans cette position qui l'aurait mis militairement (puisqu'il n'aurait alors plus eu d'armée à sa disposition), politiquement et judiciairement à la merci de ses ennemis.