Bonjour,
Mon grand-père maternel était cheminot, la SNCF. Ancien combattant de 14-18, il avait été gazé prés de Verdun et s’en était tiré par miracle grâce à un camarade de tranchée, qu’il appelait «mon poteau » avec qui il a partagé un masque à gaz le temps de se sortir de la zone dangereuse. Il en est resté asthmatique pour le restant de sa vie.
En 39, il était en poste dans une importante gare de triage dans le centre-est de la France. À cause de son asthme, il n’a pas été mobilisé mais quelques copains à lui y sont allés et ne sont pas revenus. Son opinion claire et nette quant aux «boches » n’en est devenue que plus claire...
Pendant l’occupation, tous les convois militaires allemands à destination de la France passaient par la. La gare était sous contrôle d’employés allemands de la Reichbahn.
Début 41, avec quelques autres cheminots français, il a commencé à régulièrement recopier la liste des convois annoncés pour les jours à venir, avec horaires et contenu : Troupes, véhicules, munitions, etc. Connaissant l’organisation et la minutie allemande, tout ceci était très précis.
Un des cheminots avait le contact avec un groupe de résistance qui disposait d’une radio et cela partait pour Londres.
En 42, le système a changé. D’une part les bombardiers alliés avaient tendance à arroser la zone, donc aussi la ville, et la manie d’arriver trop tôt ou trop tard. D’autre part, un maquis FTP s’était installé dans la région et un cheminot, ancien de la CGT, avait le contact avec eux.
Les petites listes sont donc parties pour le maquis, via un adolescent qui partait régulièrement se «promener » en vélo dans les bois et «perdait » un papier à l’endroit convenu.
Je n’oublierais jamais le jour ou mon grand-père m’a emmené sur le terrain ou se trouvait la gare, qui n’existe plus aujourd’hui. Il m’a montré le ravin, à la sortie de la gare, qui leur a permis leur plus beau coup.
Je le cite, il me l’a racontée plusieurs fois celle la :
« Bon, les FTP, c’était les cocos, mais eux ont moins ils savaient être à l’heure. Tu vois, ils avaient mis le pétard la, étaient planqués là-bas, et quand le convoi est passé, boum et hop ! les panzers sur le dos dans le ravin »
Et il se marrait comme une baleine, puis commençait à tousser, saletés de gaz et sortait de sa poche un mouchoir à carreau grand comme une serviette de bain.
Pour donner confiance aux employés de la Reichbahn, lui et ses copains portaient régulièrement la Francisque Pétainiste. Il me l’a donné, sa Francisque, je l’ai toujours. Cela leur a valu quelques démêlés à la Libération avec les résistants de la 25éme heure qui n’avaient pas tout compris. Heureusement pour eux, les «cocos » du FTP étaient la aussi et ont calmé le jeu.
De longues années plus tard, l’adolescent qui partait avec son vélo et son petit papier se «promener à la campagne » m’a humblement avoué qu’il ne faisait pas cela par patriotisme mais tout bêtement pour épater la fille du cheminot.
Bon, vous avez compris, c’était mon père et la fille du cheminot, c’était ma mère.
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