Ce tableau, réalisé par Elisabeth Vigée-Lebrun en 1787, demeure probablement l'oeuvre la plus connue de l'artiste.
A priori, on peut penser qu'il y a peu de choses à dire sur ce type de portrait, très officiel et académique. Je pense au contraire qu'en le replaçant dans son contexte, on peut en tirer quelques informations intéressantes.
Marie-Antoinette est ici représentée entourée de ses enfants :
-Madame Royale (19 décembre 1778-19 octobre 1851) qui marque son affection à sa mère en se collant à elle et en lui tenant le bras.
-Le petit duc de Normandie, Louis-Charles (27 mars 1785-8 juin 1795), futur Louis XVII, sur les genoux de la souveraine, portant le cordon bleu-moiré de l'ordre du Saint-Esprit.
-Le Dauphin Louis-Joseph (22 octobre 1781-4 juin 1789), portant le ruban rouge de l'ordre de la Toison d'Or, le ruban bleu-moiré du Saint-Esprit et la plaque de cet ordre, comme il sied à l'héritier du trône.
Notez que le Dauphin désigne du doigt le berceau vide de sa soeur Sophie-Béatrice (9 juillet 1786-19 juin 1787), morte avant l'achèvement du tableau.
La Reine et ses enfants posent dans le Salon de la Paix, annexé à l'appartement de Marie-Antoinette. Derrière eux se devinent les arcades de glace de la Galerie.
La Reine, assise et dont les pieds reposent sur un carreau, porte une robe de velours, sans ornements excessifs.
Nous sommes en 1787...un an après la sinistre affaire du collier...et la Reine ne porte que des pendants d'oreille et un bracelet de perles, sur trois rangs...mais aucun collier ne vient mettre en valeur sa gorge.
Sur le meuble, en arrière-plan à droite, les armes de France sont clairement visibles tandis qu'au-dessus se devine la couronne royale, posée sur un carreau.
Plus qu'un banal portrait de famille, cette oeuvre est en fait une affirmation d'autorité.
Marie-Antoinette est ici représentée en souveraine consciente de ses devoirs et en mère attentive.
Elle est Reine de France et, plus que son mariage, ce sont ses maternités qui justifient sa position et le respect qui lui est dû : elle a accompli ses devoirs de reine, ie, donner des enfants au Roi et assurer la succession au trône : 2 garçons sont nés. La France peut être tranquille.
Tout le talent de Mme Vigée-Lebrun est d'avoir su donner à ce tableau très officiel, un aspect, une atmosphère "rousseauiste", si conforme à l'esprit de son temps.
Et c'est à cette atmosphère que nous sommes principalement sensibles encore aujourd'hui - ne voyant au premier abord qu'un charmant portrait familial, que nous contemplons avec un brin de tristesse, connaissant la suite des événements... - là où il y a une réelle commande politique, ce que l'on appellerait aujourd'hui
"une opération de communication" destinée à rétablir l'image de la souveraine dans l'opinion publique.
Le tableau fut présenté au Salon de 1788 et remporta un vif succès...après cependant un petit incident.
Le cadre qui devait accueillir la peinture fut installé avant que Mme Vigée-Lebrun n'ait envoyé son oeuvre, ce qui, raconte-t-elle dans ses Mémoires, "suffit pour exciter mille mauvais propos : "voilà le déficit", disait-on
et beaucoup d'autres choses qui m'étaient rapportées et me faisaient prévoir les plus amères critiques. Enfin j'envoyais mon tableau.[...]"