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Le fascisme en Europe centrale: un demi-échec.
En Europe centrale, le fascisme connaît un succès plus significatif mais jamais il n’arrivera réellement au pouvoir. Ainsi, en Roumanie, le parti fasciste, la Garde de Fer (Garda de Fier), est perpétuellement attaqué. Zelea Codreanu, son premier leader, est assassiné par les autorités en 1938. Son successeur, Horia Sima (1906-1993), n’aura le pouvoir qu’en 1944 et pour un temps très court. Après une tentative de coup d’état en 1941, la Garda de Fier est écrasée dans le sang par le maréchal conservateur Antonescu qui bénéficie du soutien d’Hitler. D’autres mouvements fascistes ou nationaux-socialistes existaient à côté de la Garde de Fier.[20]
En Hongrie, le fascisme est incarné par Gömbös, qui travaille en relation avec l’amiral Horthy, chef de l’état. Le fascisme est ensuite représenté particulièrement par Ferenc Szalasi, fondateur des Croix Fléchées [21](Nyilaskaresztes Part). Ecarté du pouvoir, Hitler l’appelle en 1944 mais pour un tour d’honneur. La Hongrie, pourtant très réceptive au message fasciste, n’a donc jamais connu de gouvernement fasciste.
En Pologne, le chef fasciste Pilsudski gouverne le pays puis c’est le tour d’une cohorte de colonels, comme le colonel Beck chargé des affaires étrangères. Le fascisme est incarné en Pologne par la Falanga de Boleslaw Piasecki, à l’origine frange extrémiste et jeune du Camp National Radical (Oboz Narodowo-Radykalny ou ONR), qui rassemblera autour de lui les Narodowi-Socjaliści (Nationaux-Socialistes), à côté du groupusculaire Parti National-socialiste Ouvrier polonais de Jozef Grałła ou encore du Parti National-Socialiste (Narodowa Socjalisticzna Partia) de Fryderyk Fiałkiewicz.
Piasecki, après avoir vainement proposé ses services aux Allemands, rentrera en relation avec les communistes puis rejoindra le mouvement syndicaliste chrétien Pax après la guerre. Après la victoire allemande contre un autre pays fasciste, comble du paradoxe, les polonais Studniski et Kozlowksi ou encore l’agrarien Witos virent leur proposition d’un gouvernement collaborationniste à la tête duquel ils seraient n’avoir aucune réponse en raison du fort courant antislave et antipolonais qui animait les dirigeants de l’Allemagne nationale-socialiste, et notamment Martin Bormann et Heinrich Himmler. Ceci dit, quelques mouvements collaborationnistes virent le jour, outre celui de Grałła, comme le Parti National-Socialiste Polonais d’Eryk Skowron (RONS) ou le mouvement Miecz i Plug, « épée et charrue », mouvement socialiste national à forte idéologie païenne, inspiré notamment du programme de la Zadruga d’Ian Stachniuk, ce dernier étant entré en revanche dans la résistance nationaliste. A ces mouvements, il faut ajouter la « police bleue polonaise » qui aux côtés des allemands assurait l’ordre.
En Bulgarie comme en Tchécoslovaquie, le fascisme a eu une place relativement modeste. Il faut noter que le Parti Fasciste Tchèque de Cerwinka et Strbny est très hostile aux Allemands, ce qui n’est pas le cas de la Garde Hlinka du slovaque Bela Tuka, antitchèque et germanophile ; le Parti National-Socialiste Tchécoslovaque de Vaclav Klofač, le Parti National-Socialiste Ouvrier Tchèque de Radola Gajda[22] (Cesky Narodne Socialni Tabor Vlajka), ou le Parti National-Socialiste Tchèque (Narodne Socialisticka Strana Česka) de Jaroslav Kubista étant de leur côté des groupuscules par rapport au parti national-socialiste allemand des Sudètes dirigé par Konrad Henlein. Le parti fasciste bulgare d’Alexander Staliyski (Nationale Zadruga Fascisti) comme le parti national-socialiste ouvrier bulgare de Nikolaï Hristo Kunstchev, le Mouvement National et Social de Tsankov, ou le parti national-socialiste bulgare de Procop Maxa, resteront à l’état de groupuscules. Hitler après 1940 fera confiance au roi Boris II avant que celui-ci ne le trahisse en pactisant avec les soviétiques.
Des Russes émigrés formeront également de petits partis fascistes[23], à l’instar du Parti Fasciste Russe de Vladimir Rodzaevski en Mandchourie, du Parti Fasciste Panrusse de Vonssiaski aux Etats-Unis ou du Parti National-Socialiste Russe de Bronislav Kaminski. Ceux-ci soutiendront le général russe Andreï Andreïevitch Vlassov et sa ROA (Armée Russe de Libération), ce dernier étant adepte d’un socialisme européen. Il convient enfin de signaler les fascistes du Parti National-Socialiste Biélorusse de Fabian Akinskynto et Vladislav Kozlovskyi et ceux de l’Union Nationale-Démocrate Ukrainienne de Nikolaï Kubijovitch. En 1946, Vladimir Rodzaevski, pensant avoir trouvé en Staline l’incarnation même de ce qu’il appelait le « fascisme russe », revint en Union Soviétique et fut condamné à mort et exécuté par pendaison, sort que connut également Vlassov, livré par les autorités américaines.
Dans le cas proprement dit de Vlassov, celui-ci a fondé en novembre 1944 le Comité de Libération des Peuples de Russie (KONR). Vlassov assurait dans le programme politique du KONR le rétablissement des droits de février 1917, c'est-à-dire reconnaissait la légitimité de la première révolution russe. Il pronait la mise en place d’un socialisme russe et européen dans le cadre de la nouvelle Europe. Il pronait également le partage des terres aux paysans, la signature d’une paix immédiate, la mise en place d’un état national libre, et bien sûr la déstalinisation.
Des mouvements fascistes virent également le jour en Arménie et en Géorgie. Dans le premier cas, outre le mouvement nationaliste Dashnak, on trouvait un parti national-socialiste arménien, Hossank, « l’Eclair », dirigé par Suren Begzadian Paikhar, mouvement fondé en 1942. Dans le second cas, le fasciste géorgien était incarné par le mouvement Tetri Giorgi, « le blanc Georges », du nom du saint mais aussi désignant un dieu païen géorgien de la lune et du combat, dirigé par Shalva Maglakelidze (1893-1970), qui fut par la suite à la tête de la légion SS géorgienne.
En Yougoslavie, les fascistes se partagent entre Croates et Serbes. Du côté croate, on trouve le mouvement Ustaša d’Ante Paveliš (1889-1959), pro-italien. Du côté serbe, on trouve le Збор[24] (Zbor ou parti «national-socialiste») de Dmitrije Ljotiš, ouvertement pro-hitlérien. Les serbes collaboreront dans le gouvernement pro-allemand du général Milan Nediš.
En Grèce, un gouvernement fasciste, celui de Yannis Métaxas, dirige une Grèce où existent de petits partis fascistes comme le Parti National-Socialiste Grec (Ελλενίκο Εθνίκο-σοσίαλιστο Κόμμα), pro-hitlérien, de Georgios Mercouris (1886-1943), père de Melina Mercouri, et l’Union des Hellènes Fascistes, fondée en 1927 par Theodoros Ypsilantis, pro-mussolinien et apprécié de Métaxas lui-même[25].
Enfin, signalons aussi l’existence de partis fascistes dans les pays baltes, comme le Eesti Vabadussõjalaste Liit (Union des Vétérans d’Estonie) estonien d’Andres Larka et d’Artur Sirk (mort en 1938 pour ce dernier), le Gelezinis Vilkas (« loup d’Acier ») d’Augustinas Voldemaras (1883-1942) en Lituanie, ou le Perkonkrusts (« croix de tonnerre » ou « svastica ») de Gustavs Celminš (1899-1968) en Lettonie. Si Voldemaras a pu accéder au pouvoir en 1926, il ne parvint à le conserver que pendant un temps très court. Enfin, en Albanie, à côté du Parti National Fasciste d’Albanie, émanation directe de l’italien, dirigé par Attoma Lorusso, on trouve à partir de 1941 le Balli Kombëtar (parti nationaliste), idéologiquement fasciste et même pro-nazi, dirigé par Midhat Frashëri et Ali Klissura.
[20] Le Faisceau National Roumain (Fascia Nationala Rumana) en 1923, et Actiunea Romanesca (Action Roumaine) de Ion Mota, seront intégrés dans la Garde de Fer en 1925. Il y eut également, fondé en 1932, le mouvement « Nacionalsocialista » de Stefan Tatarescu et le mouvement « Svasticade Foc » de V. Emilian en 1935.
[21] Szalasi fonda en premier lieu le Parti de la Volonté Nationale (Nemzeti Akarat Partja) et finalement le Mouvement National-Socialiste Hungariste de la Croix Fléchée. Zoltan Böszörmeny fonda parallèlement le Parti National-Socialiste des Travailleurs Hongrois et parallèlement Zoltan Mesko fonda le Parti National-Socialiste des Travailleurs et Paysans Hongrois. Ces deux partis fusionnèrent dans le Parti National-Socialiste Unifié (Egyesült Nemzeti Szocialista Partja) en 1932.
[22] Membre du parti fasciste tchèque de Cerwinka, fondateur de l’organisation collaborationniste Vlajka, il fut condamné à mort en 1948. Il fut également un membre éminent de la Communauté Fasciste Panslave en compagnie du fasciste russe Constantin Rodzaevski.
[23] L’héritier contemporain dans la Russie post-soviétique serait le Русское Националное Единцво (Unité nationale russe ou RNE) d’Aleksandr Barkachov.
[24] Appelé en 1934 Jugoslovenski Narodni Pokret Zbor (« Mouvement Populaire Yougoslave Zbor »).
[25] Sans oublier le Parti de la Renaissance Hellénique, parti d’inspiration fasciste de Pangalos, qui devint par la suite la « Sidena Ireni » (paix de fer), ni le groupe des « Partisans de la race hellène ».
Thomas Stahler, (c) 2005