Cuchlainn a écrit :
Quelqu'un peut-il confirmer cette histoire et expliciter les raisons de ce refus américain ? Ont-ils sous-estimé le temps nécessaire pour être présents en nombre sur les champs de bataille européens ?
Je ne connaissais pas cette proposition britannique.
Par contre, je sais qu'il y a eu débat avec les Français : ceux-ci souhaitaient pouvoir mettre les divisions américaines à disposition de... du commandement. Français, naturellement. (Comme il n'existe pas de commandement interallié, on voit bien que cette solution pose problème : les divisions américaines seront-elles mises à disposition de l'armée française ? Ou anglaise ? Ou affectées à l'une ou à l'autre selon les besoins ? Ce rattachement à l'une des deux armées sera-t-il définitif ? - en pratique, on imagine mal Pétain ou Haig rendre une division américaine à son collègue au motif qu'il n'en a pas vraiment besoin.)
Au final, Pétain a approuvé et encouragé l'orientation imposée par Pershing. Il a fait le nécessaire pour qu'il dispose en France de ses voies d'approvisionnement, de ses camps d'entraînement.... Il en est résulté une bonne entente entre les deux généraux, ce dont personne n'a eu à se plaindre. (les troupes qui arrivent des USA sont "instruites" militairement, mais pas formées à la guerre pratiquée par les Français, dont Pétain entend d'ailleurs faire évoluer les méthodes. Au départ, Pershing souhaitait même que les divisons suivantes soient formées par les premières divisions américaines débarquées, avec le strict minimum d'instructeurs français. Pétain lui demande en décembre 1917 "de faire abstraction de tout amour-propre et de s'en remettre à l'expérience de l'armée française." Former l'armée américaine à ses propres conceptions tactiques lui paraît essentiel.)
Source : Pierre Miquel. "1918 - La victoire" qui donne quelques échos de ces débats... forcément feutrés.J'ignore si la décision de n'intervenir que sous forme d'armée constituée provient de Washington ou de Pershing. Il est probable qu'ils convergent : Wilson entend bien jouer un rôle politique dans le règlement de la paix, voire limiter la participation de ses armées si les Alliés lui paraissent jouer un jeu trop impérialiste. (De Gaulle aura le même raisonnement en 43) Pershing, de son côté, souhaite certainement garder le contrôle sur l'usage qu'on fait de ses soldats. (Il est assez informé pour savoir comment s'est déroulée l'offensive du Chemin des Dames... et d'autres)
Les inquiétudes pour 1918 : certes. Mais un général américain peut constater que les Français, après tout, ont tenu seuls pendant les 18 premiers mois de la guerre. Entre-temps l'armée anglaise a mis en ligne des effectifs presque équivallents... Il faut avoir une vision plus proche de la tactique pour être certain que la campagne de 1918 va voir la reprise de la guerre de mouvement.
Dans la réalité, les divisions américaines seront bel et bien engagées une par une. En mars, une première division américaine tient un secteur en Lorraine. (1ère offensive allemande) Mieux : dès janvier, Pershing a accepté l'envoi à l'armée française de 4 régiments "indigènes" (hé oui, des noirs américains ! ) non instruits, qui seront amalgamés aux unités françaises. Un dépôt spécialisé est mis en place par l'armée française pour ces recrues particulières, dont les effectifs seront constamment recomplétés.
(un peu étonnant que les noirs américains ne soient pas affectés à l'armée anglaise : soit la couleur compte plus que la langue, soit la "solution anglaise" que vous évoquez donne décidément de l'urticaire aux Américains.)
Source pour ce paragraphe : Pierre Miquel - La grande guerre.Les 4 divisions américaines seront mises à la disposition de Pétain en juin, au pire moment. (Offensive allemande sur la Marne) De mémoire, au moins deux seront engagées immédiatement dans les combats. L'une d'elles participera à la défense de la montagne de Reims, où on trouve aussi 2 divisions italiennes. Elles sont ensuite retirées du front et regroupées en armée, qui prend son secteur en Lorraine. Début septembre cette armée ne compte encore que six divisions, mais un million d'hommes sont à l'instruction, dont 500 000 en France.