Sedullos a écrit :
Thersite, vous m'avez convaincu. Après quelques recherches, votre "bricolage" pour reprendre votre mot, me convient (faute de mieux
).
Pour ma part, il ne me convient qu’à moitié…
Ce qui me semble
assuré, c’est qu’il faille renoncer à une influence iranienne, et donc au jeu des couleurs en fonction de l’orientation : la chronologie montre bien que les premières tentatives de rapprochement avec la Perse ne datent que de 325, sortis d’un chapeau magique par Néarque lors de sa rencontre avec l’exilé. Donc très tardif.
Ce qui me fait privilégier une origine égyptienne ou arabique.
Ce qui me semble très
vraisemblable, c’est que le mot « Rouge » ne fait pas référence à une couleur, mais à un lieu géographique, une destination, comme toujours, ce qui évite d’y voir une quelconque exception.
Par contre que l’Erythrée recherchée soit à placer auprès des Himyarites me semble très
hypothétique, du fait de la distorsion temporelle. Je situe l’apparition de l’expression
Erythrê thalassa au milieu du VIIe, puisqu’elle est absente d’Homère et d’Hésiode au VIIIe (alors qu’ils font souvent référence aux Ethiopiens), mais forcément antérieure au milieu du VIIe, lorsque les Grecs fondent Naucratis dans le Delta. A partir du moment où ils deviennent résidents permanents, ils ne peuvent que acquérir les connaissances géographiques basiques de leur nouveau monde. Mais autant que je sache les Himyarites ne sont mentionnés qu’au IIe avant JC (à vu de nez, je n’ai pas encore fait de recherche à ce sujet). Admettre que cinq siècles plus tôt le même peuple domine déjà la même zone sous le même nom me pose de gros soucis. Cet anachronisme n’est qu’un pis allé…
Nebuchadnezar a écrit :
Peut-on cependant imaginer une étymologie simple du genre "La Mer des Egyptiens" ?
C’est à peu près la question que je me pose… Cela ferait disparaître l’ignoble anachronisme et ferait l’économie d’un intermédiaire.
Mais ce terme de
Déséret ne m’est pas du tout familier et j’ai du mal à cerner son emploi. En gros, c’est le pays du sable (donc le désert, peuplé de nomades, etc), par opposition au terres noires limoneuses des rives du Nil et du Delta. Mais il me semblait que la couronne rouge était celle de Basse-Egypte, donc peu concernée par le
déséret contrairement à la Haute… ??
Dans la bouche d’un Egyptien du VIIe siècle résidant dans le Delta, ce terme convient-il pour désigner la Haute-Egypte, désertique et sablonneuse ? En effet, il existe finalement deux routes pour rejoindre la Haute Egypte : soit la vallée du Nil, soit la route maritime côtière jusqu’à disons Qoseir pour rejoindre ensuite Thèbes. Cette mer [qui mène en] Haute Egypte pourrait-elle être qualifiée par l’Egyptien moyen du Delta de mer [qui mène au] Déséret, littéralement
Erythrê thalassa ?
Sedullos a écrit :
la migration d'une partie de leur peuple le long de la Mer Rouge du sud vers le nord (et les monts du Liban sans que cette destination soit totalement acceptée) […]
Il me semble que le peuple rouge était l'appellation des Phéniciens. Phéniciens, d'ailleurs non sans rapport avec ces Himyarites.
Ouhlà, sans rapport aucun… Attention aux amalgames.
Cet échange m'en rappelle un autre appochant... pourvu qu'il se passe mieux Les Phéniciens, c’est un nom étranger, le nom donné par les Grecs aux commerçants des cités de la côte cananéenne, étymologiquement « ceux qui produisent la pourpre », le principal produit qui fit leur réputation. Ils sont nommés par leurs clients en fonction d’un produit emblématique.
A l’inverse, Himyarites est le nom que ce peuple se donne lui-même, en référence à une couleur (différente qui plus est) pour une raison qui m’est inconnue. Bref, rien à voir.
De plus, les Phéniciens sont certes censés être originaire de la mer Rouge… mais on a vu que mer Rouge correspond aussi bien à golfe Persique qu’à Golfe arabique à l’époque où ces récits nous parviennent (à commencer par Hérodote). Du côté d’Aqaba, il existait encore à l’époque romaine un « port des Phéniciens » (de mémoire), on peut donc très bien imaginer qu’ils occupaient alors la place dévolue plus tard aux Nabatéens, tout comme ce ne peut-être qu’un échos d’un antique comptoir commercial... A l’inverse, de l’autre côté, à la fin du IVe, toujours dans la foulée de cette expédition de Néarque, quelques navires éclaireurs grecs vont parvenir du côté de Bareïn dans une île avec deux patelins misérables portant les noms prestigieux de Tyros et Arados. Evidemment les autochtones se vantent d’être la métropole de leur si prestigieuses homonymes phéniciennes… Quelle foi leur accorder ? Romanciers et mythographes hellénistiques vont néanmoins saisir l’anecdote pour transposer les voyages de Ménélas jusque là en Phénicie, dans l’Océan austral, donc en mer Erythrée alias dans ce cas le golfe Persique, plus exotique.
Enfin bref, difficile d’en tirer quelque certitude, peut-être un jour l’archéologie aidera. En tout cas, rien ne permet de rapprocher des Himyarites, très éloignés et qu’aucune légende ne met en relation avec les Phéniciens. A supposer même que cette migration « phénicienne » ait vraiment eu lieu (Abraham aussi vient de ce coin là pour émigrer en Canaan : ne faut-il pas y voir deux versions voisines d’un même mythe, la différence provenant finalement uniquement des centres d’intérêts des locuteurs : marins pour les Phéniciens, pasteurs pour les Hébreux ?? j’en sais rien…).