Inscription : 30 Juin 2006 19:28 Message(s) : 453
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Bonjour, Voici ce que j'ai trouvé d'intéressant dans le Dictionnaire de la Grande Armée d'Alain Pigeard (rubriques "nourriture" et "vivres"...) : 1) Nourriture : Dès l'An XI, le directeur de l'Administration de la guerre s'adresse aux conseils d'administration des corps pour régler le problème des fournitures de pain et de viande. L'Etat se limite à cette époque à fournir le pain de guerre, le pain blanc pour la soupe, ainsi que la viande et les légumes, dans les conditions fixées par la circulaire du 15 ventôse an XI (6 mars 1803) : " La ration de viande devra être, autant que possible, de 366,859 grammes (douze onces anciennes), et ne pourra être moindre de 244,573 grammes (huit onces anciennes) en boeuf, veau ou mouton; cette denrée pourra être remplacée, selon les saisons et les localités, par 183,429 grammes (six onces) au plus, ou bien 122,286 grammes (quatre onces) au moins, de porc frais ou salé. Les légumes seront distribués dans les proportions communément reçues pour cette sorte de denrée." En ce qui concerne le pain, base de la nourriture du soldat français, la circulaire du 16 ventôse an XI (7 mars 1803) indique : "Le munitionnaire général des vivres fera fournir le pain aux sous-officiers détachés au recrutement, dans tous les lieux où il existe des établissements de vivres pour le service sédentaire, ainsi que dans tous les gîtes d'étape ou ledit munitionnaire général est tenu de fournir le pain aux troupes en marche [...]." La nourriture reste le souci majeur du soldat en campagne, tout autant que celui de l'Administration de la guerre et des commissaires des guerres. Au début de la campagne d'Allemagne de 1805, Napoléon donne l'ordre de faire préparer 500 000 rations de biscuit à Strasbourg et 200 000 à Mayence. En vue de la campagne de 1806, c'est le problème des fours de campagne et des boulangers qui sera à l'ordre du jour (C.N., tome 13, n° 10768). Mais c'est surtout pendant la campagne de Pologne en 1807 que se posera cruellement le problème de la nourriture; il suffit de parcourir la "Correspondance" de Napoléon à cette époque pour se rendre compte de l'importance du problème. Lors de la guerre d'Espagne et du Portugal, le problème de la nourriture prend une autre dimension pour le soldat; en effet, les régions sont pauvres, la population est hostile et souvent les armées espagnoles ou anglaises sont déjà passées par là; le soldat en est réduit à de maigres expédients et mange de l'âne, de la tortue, des glands da Portugal, etc... Pendant la campagne de 1809 en Bavière et en Autriche, le soldat français souffre moins car les régions sont riches et la population plus docile; aussi un ordre du jour, daté du 14 mai 1809, prévoit-il que les traîneurs qui déroberaient de la nourriture seront arrêtés, jugés et éxécutés sur l'heure. Pour éviter tout débordement, la ration allouée aux sous-officiers et aux soldats, indépendamment de celle du pain, est de 750 grammes par jour : au déjeuner, de la soupe et de l'eau-de-vie; au dîner, de la soupe, dix onces de viande, des légumes et un demi-pot de bière; au souper, des légumes, accompagnés du demi-pot de bière ou de vin. Mais c'est la campagne de Russie qui est sans conteste la plus pénible : l'éloignement des bases de ravitaillement, le manque de nourriture, l'importance des effectifs, l'attitude hostile des "moujiks" et le manque d'eau, entraînent d'immenses difficultés. Si l'armée trouve de la nourriture en abondance, et même à prufusion à Moscou, le manque de farine et de pain n'en demeure pas moins un handicap (pareillement pour la nourriture donnée aux chevaux et consistant principalement en avoine pas mûr une fois le Niémen franchi...Les pauvres bêtes mourraient alors de troubles intestinaux si je me souviens des "mémoires" du général Marbot... ). Quant à la retraite de Russie, elle se fera dans les pires conditions, les soldats les plus prudents ayant prévu quelques réserves; quant aux autres...Les difficultés seront également grandes lors des campagnes de Saxe en 1813 et de France en 1814.2) Vivres : Sous le nom générique de vivres, on comprend les farines, le pain manutentionné, le biscuit, les viandes sur pied ou abattues, les salaisons, le riz, les légumes secs, le sel, le vin et l'eau-de-vie. Ces diverses denrées sont partagées en trois classes : vivres-pain, vivres-viande et liquides. Le soldat est mieux traité sous le rapport des vivres au camp qu'à la caserne; malheureusement, les distributions ne se feront pas toujours avec exactitude, car la célérité des marches et la difficulté des routes retardent l'arrivée des fourgons, d'où de grandes carences dans les approvisionnements et les dérives qui en découlent. A partir de 1798, un pas vers la centralisation est réalisé en réunissant dans une seule administration les quatre grandes compagnies (lesquelles ???), plus une cinquième chargée des étapes. Mais après six mois, le système fait faillite et une seule entreprise gère l'ensemble. Commence alors une période de réorganisation qui repose cependant sur de mauvaises habitudes anciennes ; on débute par une régie interéssée qui donne des résultats peu satisfaisants et de ses ruines sort, en mars 1801, une entreprise générale, la compagnie Maurin. A la date du 10 novembre 1805, la ration de vivres accordée par l'Etat à la troupe est déterminée comme suit (par jour et par homme) : 1,5 livres de pain; 0,5 livres de viande; quelquefois 1/16 de pinte d'eau-de-vie, ou 1/2 bouteille de vin ou 1 bouteille de bière; l'habitant doit, en outre, fournir 1 once de riz ou 2 onces de légumes secs, le sel, le feu et la lumière. La ration de fourrages, pour toutes les armes, est alors fixée à 15 livres de foin et 3/4 de boisseau d'avoine. La chute de la comapgnie Maurin entraîne un changement de système. En octobre 1807, débute une régie dirigée par le comte Maret, conseiller d'Etat, tandis que la direction générale entre en exercice le 1er octobre 1807; le prix moyen des rations s'élève alors à 17,44 centimes par homme (contre 21,70 centimes à l'entreprise Maurin). En 1910, les récoltes sont mauvaises et le prix des grains augmente, le prix des rations monte à 20,50 centimes, et le mal s'accroît en 1811 pour atteindre 25,13 centimes; mais ce sera surtout en 1812 que les effets négatifs se feront ressentir, en faisant monter le prix à 32,12 centimes, puis retomber à 22,81 centimes en 1813. Ainsi, la direction générale des Vivres supportera pendant deux années la cherté des vivres, à une époque où les effectifs de l'armée n'ont jamais été aussi nombreux. D'une manière générale, le service des vivres, mal organisé au niveau supérieur, mal coordonné au niveau de l'armée par les commissaires des guerres, et mal réparti au niveau du soldat, fonctionnera toujours de façon approximative, d'où les carences et les inévitables débordements. Roguet écrit d'ailleurs dans ses "Mémoires" (tome 2, page 257) : "Pas un seul jour l'Empereur n'oublia que c'est du ventre d'une armée qu'il faut d'abord s'occuper".Cordialement.
_________________ "Vous êtes de la merde dans un bas de soie" (Napoléon à Talleyrand).
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