Merci cher duc de Raguse d'avoir lancé ce fil. Je dois avouer éprouver du plaisir à y avoir engagé la conversation
. Aaah, passion-histoire porte bien son nom
!
Maintenant, pour plus de précisions, je voudrais revenir aux conséquences de la guerre. C'est à dire le traité de Portsmouth.
Encore dans son mémoire, le Mouli a écrit :
A Portsmouth, les Japonais font une fois encore des concessions et se trouvent dans l’impossibilité d’exploiter pleinement leur avantage au grand dam des milieux ultranationalistes dont les exigences extrêmes se fondent sur l’illusion de l’ampleur de la victoire : contrôle de la Corée, de la Mandchourie, du Liaodong, de Sakhaline et des provinces maritimes de Sibérie ; cession de toutes les concessions ferroviaires de Mandchourie ; indemnité de guerre de 3 milliards de yen pour rembourser l’argent emprunté -1,6 milliards de yen –et juguler l’inflation (le prix du riz a augmenté de 23% entre 1903 et 1905) qui a provoqué une chute des salaires réels d’environ 13%. Il faut flatter une population qui a consenti à beaucoup de sacrifices.
La position du gouvernement, bien plus modérée, s’en tient à la reconnaissance de la liberté d’action du Japon en Corée et le retrait immédiat des troupes russes de Mandchourie, à l’exception des zones de concession ferroviaire, cession du bail de location sur le Liaodong et des droits sur la ligne de chemin de fer Harbin Port-Arthur. De ce point de vue, et en dépit de négociations difficiles, les résultats sont honorables pour les Japonais. A l’exception de l’indemnité, ces demandes sont acceptées.
Le traité de Portsmouth consacre le Japon puissance impériale et fait de lui la première nation d’Asie orientale même si ses conclusions indigent le sentiment national et provoquent, comme on l’a vu, des révoltes importantes. Il faut dire que le conflit a mobilisé un million d’hommes, que 80 000 sont morts et que 30 000 ont été blessés.
La Chine concède des droits complémentaires dans la Société du chemin de fer Sud-mandchourien. Inquiets de la sécurité de l’Inde et craignant une expansion russe en Turkestan et en Afghanistan, les Anglais accordent au traité de 1902 une clause supplémentaire reconnaissant les droits spéciaux en Corée. Ici, le processus d’annexion s’est engagé : Ito, que l’empereur a nommé résident général en 1906, impose l’abdication de l’empereur de Corée en faveur de son fils et le droit d’ingérence dans les affaires du pays. La révolte née de cette mise en coupe réglée est durement réprimée entre juillet 1907 et juillet 1908. L’assassinat d’Ito en 1909 accélère les événements : en août 1910, la Corée perd son indépendance. Le japonais devient la langue officielle. Toutes les libertés sont supprimées.
Les Américains ferment les yeux et accélèrent leur contrôle des Philippines. Leur capacité d’intervention est réduite car l’isthme de Panama n’est pas encore percé (il ne le sera qu’en 1914). Pour freiner l’expansion japonaise en Extrême-Orient, un accord est passée en 1908, qui maintient le statu quo, déclare le respect de l’intégrité et de l’indépendance de la Chine et celui des positions respectives des deux pays dans le Pacifique. Washington signe même un traité de commerce en 1911 dans lequel, en échange de l’arrêt de l’immigration japonaise en Californie, les Américains renoncent à toute ambition en Mandchourie.
Cette même année 1911, la situation diplomatique entre le Japon et la Grande-Bretagne évolue. Cette dernière règle avec la Russie la question de l’Afghanistan, du Tibet et de la Perse. Moins menacée pour la défense de l’Inde, elle subit les pressions américaine et australienne. Le 13 juillet, le traité de 1905 est modifié. L’alliance militaire ne peut jouer contre un pays avec lequel la Grande-Bretagne a signé un traité d’arbitrage (traité signé avec les Etats-Unis le 3 août suivant).
A nouveau isolé, le Japon se rapproche de l’ennemi de 1905. Par le traité du 8 juillet 1912, Russes et Japonais se partagent purement et simplement la Mandchourie : les premiers contrôlent le nord (Mongolie extérieure), les seconds le sud (Mongolie intérieure, Jehol et une partie du Chahar). En Chine, proprement dite, la révolution de 1911 jette le pays dans une anarchie qui renforce l’influence étrangère.
Le Japon, euphorique, doit redevenir réaliste. Cette guerre a été dure pour les deux partis. Le gouvernement accepte des concessions, au désarrois des nationalistes (cf. ces trop grandes exigences! quels gourmands!). Mais d'une manière générale, le Japon est "récompensé" pour sa victoire. Victoire, oui, mais dans la douleur. Le pays est à bout de souffle. Qu'en serait-il si la guerre avait continué. Aurait-il eu victoire? Nous ne savons pas... Soit. Toujours est il que le Japon doit son salut, bien sûr, de son combat mais aussi de l'allié anglais et de sa non-intervention. Une perte de cette assurance et le Japon doit revoir sa stratégie. Plus tard (en 1912), il doit s'allier avec la Russie, à qui il vient de faire la guerre.
En apparthée, on peut noter ici le comportement japonais avec les populations dominées. Les Coréens opposeront une résistance à la présence japonaise. Résistance vaine : en représaille, le Japon annihile complétement leur nation en 1910... Punition d'une extrême dureté
!