Voici un extrait de la courte biographie de Bernadotte qu'a rédigé Arthur Conte,
in "Soldats de France, les grandes heures de notre histoire", publié aux éditions Plon, en 2001, pages 251-4. Elle est très explicite sur la façon dont Bernadotte réussit, comme vous dites, à "tirer son épingle" du jeu en devenant roi de Suède après la défaite de Napoléon.
J'ai aussi rajouté entre crochets quelques lignes sur certains passages afin d'en éclaircir le sens. Je remarque aussi que le site ne prend pas en compte les alinéas...
Arthur Conte a écrit :
[En 1806, Charles Jean-Baptiste Bernadotte, né le 26 janvier 1763 à Pau,] prend Lübeck, que défend Blücher. C'est d'ailleurs là qu'il a le premier rendez-vous avec la Suède. Avant qu'il n'intervienne personnellement, la ville est sourmise à un pilage éhonté. De malheureuses jeunes filles sont violentées, jetées encore vivantes dans les marais de la ville. C'est encore pire quand les soldats de Soult se joignent aux vainqueurs. Les prisonniers – toute une masse – ont tout à redouter. Précisément, sur la rade, Bernadotte découvre les corps de 1 600 Suédois accourus pour porter secours aux Prussiens. Il les force à se rendre en les menaçant de les couper en morceaux puis, les ayant à sa merci, les traite avec une magnanimité qui les laisse tout ahuris. Mieux encore : il traite en gentilhomme leur chef, le colonel Mörner, grand seigneur scandinave, qui ne tarit pas d'éloge sur le grand cœur de Portecorvo, lequel l'accueille dans sa propre demeure, l'invite chaque jour à sa table.
De plus, il est simple, toujours correct. Il mange avec ses aides de camp. En bon Palois [(il est né à Pau le 26 janvier 1763)], il lui plaît de se faire aimer. À une Prussienne de Lübeckqui se dit touchée de sa gentillesse, comprenant-nous, dit-il, madame, je ne viens pas ici pour vous faire du bien, mais le moins de mal que je pourrai".
Pour autant, il accumule les actes héroïques. Blessé dans le combar pour le pont de Spanden sur la côte balte, au cou, très près de la colonne vertébrale,il reste à cheval jusqu'à la prise du pont.
A plusieurs reprises, il manque de peu d'être roi – du Danemark (on verra plus tard) – d'Espagne (on lui préfère Joseph) – de Naples (on lui préfère Murat).
Mais le destin n'a-t-il pas décidé qu'il serait roi de Suède ? On va entrer dans l'été 1810 lorsque, par une belle journée de juin, il reçoit la visite d'un jeune officier suédois, le baron Otto Mörner, neveu de ce colonel qui fut son prisonnier Lübecket qui a gardé de sa générosité un impérissable suvenir. On lui offre tout bonnement la couronne de Suède.
La Suède eut naguère une importance majeure. Sous Gustave Adolphe, elle domina toute l'Allemagne. Sous Charles Gustave, elle eut la Pologne. Charles XII fit ensuite de la Baltique un lac suédois. Mais depuis un an, elle périclite. Un pays agonisant, déclare le chancellier russe Romantzoff. On peut lui prédire le sort de la Pologne. Elle est vouée à être partagée entre Russes, Prussiens et Danois. Elle n'a plus qu'une indépendance théorique. Elle vient de perdre la Finlande. Elle a un vieux roi, Charles XIII, qui n'est à coup sûr pas de taille à redresser la barre : il est frappé de somnolence; il dort aux séances de Conseil royal. Et les minerais, principale richesse du pays, ne se vendent plus. Et la dette publique est énorme. Et surtout, comme le roi n'a pas d'enfants, des ambitions voraces se font jour de toutes parts. Des vautours rôdent. D'évidence, seul un homme énergique peut redonner une chance de salut, si possible un soldat. Ainsi vient-on proposer à Bernadotte d'accepter d'être désigné comme prince héritier, ave assurance d'être roi à la mort de Charles XIII. Celui-ci en est d'accord.
On sait avec quel talent Bernadotte a gouverné le Hanovre. On sait qu'il a évité en 1807 à la Suède une invasion française combinée avec l'invasion de la Finlande par les Russes.
Un obstacle: la religion. Bernadotte explique qu'il ne pratique nullement la religion catholique. Il dit: "Henri IV, pour le bien de son peuple, consenstit bien à changer de culte. pourquoi n'adopterais-je pas la religion protestante à laquelle tant de gens de mon Béarn et de ma Navarre sont restés attachés ? Et la famille de ma mère était huguenote."
Bonaparte – qui ne l'aura jamais aimé – ne combat pas sa condidature parce qu'il la tient pour perdue d'avance. Lui-même n'a pu faire accepter ni Murat, ni Berthier, ni Masséna, ni Davout. Alors, Bernadotte promet d'apprendre au plus vite le suédois, et l'affaire – après de fastidieuses négociations compliquées – peut être conclue.
Va-t-on voir un ancien caporal pyrénéen hériter de la couronne prestigieuse des Vasa ? Eh bien, oui.
Il est reçu en Suède triomphalement dès octobre 1810. Dès janvier 1811, il est rejoint par Désirée [(Désirée Clary, née en 1777, est la dernière et plus jolie fille d'un riche marmateur ayant eu 13 enfants. Après avoir failli épouser Napoléon, elle se marie avec Bernadotte en 1798, et s'installe avec lui rue Cisalpine)] et Oscar [(leur fils, né le 4 juillet 1799)] – peu importe si Désirée s'ennuie et repart dès après trois mois, laissant sur place son fils (elle ne reviendra pas avant 12 ans).
Il ne garde d'intime avec lui que son frère de lait, Camps, qu'il a amené avec lui, illico nommé baron suédois et général – pour l'unique plaisir de parler béarnais.
Il n'arrive pas à apprendre le suédois. Les Suédois n'en apprennent qu'avec plus de zèle le français. Il est même fort élégant de prendre l'accent gascon.
Il recherche la paix. C'est Napoléon qui va provoquer la rupture. Sur ultimatum, il enjoint à la Suède à déclarer la guerre à l'Angleterre. Puis, en février 1812, jugeant que la Suède n'applique pas avec assez de rigueur le blocus continental, il fait envahit la Poméranie suédoise, dernier vestige en Allemagne de la grandeur du pays de Gustave Adolphe. Il confie l'invasion à l'un des pires adversaires de Bernadotte, Davout, qui n'en aura que la poigne plus lourde. Les régiments suédois, surpris dans leurs garnisons, sont envoyés prisonniers en France dans les pires conditions. Les navires suédois se trouvant dans les ports français sont confisqués.
Fatalement, Bernadotte cherche appui du côté de la Russie et de la Grande-Bretagne. Il dit : "Il y a trop longtemps que cet homme règne en tyran sur toutes les nations. Il y a trop longtemps aussi que je meurs à coups d'épingles."
Il rencontre le tsar durant trois jours. Alexandre offre même à Bernadotte le commandement en chef de ses armées contre Napoléon, qui enteprend de se porter en Russie.
"Il est perdu; il est devenu fou" dit-il au tsar.
La suite ?
Bernadotte joue un rôle majeur dans les bataille contre Napoléon.
L'Empire napoléonien s'écroule.
Bernadotte surgot sur les frontières danoises. Désirant éviter entre la Suède et le Danemark, qui a la Norvège, une "guerre fratricide", il propose à Copenhague un arrangement. Frédéric VI ayant follement refusé, il réduit à sa merci le Danemark en quinze jours.
Il occupe le Hanovre.
À Kiehl, le 14 janvier 1814, le Danemark cède la Norvège à la Suède.
Bernadotte revoit Paris, où il arrive avec les souverains alliés.
Rêve-t-il de succéder à Napoléon ? Sûrement. La tentation est trop grande. Sauf à ne pas prendre le titre d'empereur : balayer l'Empire est plus important que tout. Mais les Coalisés préfèrent rétablir les Bourbons.
Il fait dès lors à Paris un séjour plustôt mélancolique.
Il en repart fin avril 1814.
Il a cinquante et un ans et trente à vivre.
Il négocie la vente de la Pomérnie – et celle de la Guadeloupe, que lui offre l'Angleterre.
Il occupe la Norvège en quelques semaines.
Il s'emploie désormais à être un "prince de la paix", universellement respecté.
Il est roi le 8 février 1818, quand meurt Charles XIII.
Le voici donc "par la grâce de Dieu, roi de Suède, de Norvège, des Goths et des Vandales". Tels sont les titres officiels de Charles XIV.
Il accomplit, pour rééquilibrer et rééquiper la Suède, une oeuvre de titan.
Seul parvenu à être resté sur son trône, il ne s'étonne pas quand il n'arrive pas à marier son fils dans les familles royales de Prusse, du Danemark, du Württemberg et du Mecklembourg; il n'en est que plus heureux et fier quand, en 1822, il le voit épouser une fille de l'illustre maison des Wittelsbach, la princesse Joséphine, petite-fille du roi Maximilien de Bavière, seize ans, non moins innocente que Désirée jeune, et qui ne manque pas d'apporter à Stockholm ses plus jolies poupées.
A quatre-vingts ans, en 1843, il passe encore à cheval la revue des troupes. Lorsque le tocsin réveille les habitants de la capitale pour lutter contre un incendie, on peut découvrir le vieux roi, aussi vif qu'un jeune Basque, dirigeant et encourageant les sauveteurs.
Il meurt le 8 mars 1844 – gangrène à un pied qui gagne la cheville.
La désolation de la Suède est générale.
Il est porté dormir de son dernier sommeil dans l'église de Riddarholmen, au tombeau des rois de Suède, aux côtés de Gustave Adolphe et de Charles XII.
Son fils oscar lui succède sous le nom d'Oscar Ier.
Quant à l'ancienne fiancée de Napoléon, elle survit de plus de seize ans à son mari. Elle voit mourir son fils. Elle voit aussi naître plusieurs générations de Bernadotte. Elle meurt sous le règne de son petit-fils, Charles XV, en décembre 1860, alors que Napoléon III règne depuis déjà huit ans.
Voilà ! J'espère que ce texte vous a plu !
P.S. : Sachant que j'ai écrit (ou plutôt recopié) ce texte cela à la va-vite, soyez indulgent concernant les hypothétiques fautes d'orthographes parsement (sûrement) le texte...
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"Candida pro causa ense candido"
Carl Gustav Emil Mannerheim, héros national finlandais (1867-1951)