Avant de poursuivre, je vous propose quelques précisions qui viendront éclairer le sujet.
L'empire espagnol, à la fin du XVIIIème siècle s'étendait de la frontière sud-ouest des Etats-Unis à la Terre de Feu. ( exception faite du Brésil, portugais )
Il se partageait en quatre vice-royautés : Nouvelle Espagne ( Mexico ), Nouvelle Grenade ( Santa Fe de Bogota ), Pérou (Lima) et La Plata (Buenos Aires). Il y avait aussi quatre capitaineries générales : Cuba, Caracas, Guatemala et Chili.
La population de l'empire se compose en deux éléments rigoureusement cloisonnés : une aristocratie de grands propriétaires d'origine européenne, les créoles qui résident sur leurs terres ; les Noirs ( esclaves) formant une masse misérable avec les Indiens et les métis ( statut proche du servage ).
Les premiers mouvements révolutionnaires sont liés à l'intervention de la politique française dans les royaumes ibériques.
L'Angleterre a d'abord échoué dans sa tentative de soulever les colonies espagnoles contre Charles IV, allié de la France. Par contre, après 1808, les colonies espagnoles ont refusé de recevoir les envoyés de Joseph Bonaparte et se sont ouvertes aux navires britanniques, la rupture avec Madrid s'est donc présentés d'abord comme une manifestation de loyalisme à l'égard de Ferdinand VII.
A partir de 1810, il n'en est plus ainsi : c'est le principe même de la domination métropolitaine qui est remis en cause. A Caracas, une insurrection dépose le gouverneur ( 19 avril 1810 ) et institue une junte révolutionnaire qui proclame le 5 juillet 1811 l'indépendance du Vénézuela et confie la dictature à Miranda ; Buenos Aires, Santiago, Santa Fe de Bogota se soulèvent à leur tour : les créoles prennent partout le pouvoir. La domination espagnole s'effondre partout, seule Lima résiste.
Cette première révolution a pourtant échouée : les forces loyalistes étaient encore importantes et Ferdinand VII leur envoya en 1815 un renfort de 10 000 hommes. Les chefs locaux étaient divisés ( Bolivar n'hésita pas à livrer Miranda aux espagnols...), ils devaient s'avouer vaincus. Pour ceux qui n'étaient pas mort, c'était le début de la clandestinité.
Mais, la brutalité de la répression aveugle, ordonnée par Ferdinand VII allait à nouveau embraser les colonies.
San Martin et O'Higgins libérèrent le Chili, qui proclama son indépendance en février 1818. La république de La Plata fut aussitôt proclamée à Buenos Aires, vide de troupes espagnoles ( 1819 ).
Bolivar, rentrant de Jamaique, où il s'était mis en sûreté, délivra la Nouvelle-Grenade avec l'aide de volontaires recrutés en Angleterre et en France, et avec les Indiens
Llaneros. Il proclama la république de Colombie ( février 1819 )et en fut élu président. Son lieutenant Sucre y réunissait la région de Quito en 1822.
Le Mexique se souleva aussi et la république fut proclamée en 1824, après une sédition des troupes espagnoles qui fut renversée.
San Martin passa au Pérou et expulsait les Espagnols de Lima ; il devenait le "protecteur" du Pérou indépendant, mais il s'effaça devant Bolivar. Sucre, un des meilleurs généralissimes des indépendantistes, détruisait le dernier bastion espagnol ( Ayacucho ) et créait la république du Haut-Pérou qui se donnait le nom de Bolivie ( 1824 ).
Le congrès de Vérone ( 1822 ) fut agité par ces problèmes espagnols. Face à une France et à une Autriche plus ou moins indifférentes, des Britanniques complices dans un intérêt économique face aux richesses du Nouveau Monde, les Espagnols furent isolés. Par ailleurs, Monroe, établissait un partage strict entre les anciennes métropoles et les anciennes colonies ( approuvé par les Anglais ) : "chacun chez soi" et surtout plus d'interventionnisme de la part des Européens aux Amériques.
Là-dessus, les Espagnols, furent obligés d'abandonner.
En 1824, l'Amérique latine indépendante avait le choix : soit elle tentait une oeuvre d'unification en une sorte d'empire latino-américain qui aurait fourni un contre-poids à l'influence anglo-saxonne du nord, soit elle continuait sa route désunie.
Bolivar, partisan de cette grande union, convia tous ces jeunes pays à la conférence de Panama en 1826. Celle-ci fut un échec : seuls quatre pays étaient venus ( Colombie, Pérou, Mexique et l'Amérique centrale ) et face aux manoeuvres anglaises et américaines, hostiles à cette unification, Bolivar dut déclarer forfait.
Il eu encore le temps, avant sa mort ( en 1830 ), de voir tout ce bel édifice se désagréger : les chefs historiques s'affrontèrent dans le partage la "grande" Colombie, Sucre ne voulant pas du partage fut assassiné, du nord au sud tous ces nouveaux Etats explosèrent.
Une instabilité politique et militaire s'intaura ensuite pendant tout le XIXème siècle : guerres civiles, coups d'Etat, assassinats, massacres, corruption...
Tout le rêve de Bolivar fut mis en pièces !
Finalement n'est-ont pas forcé de conclure que, par la faute des anglo-américains, l'Amérique latine n'ait pas pu concevoir une route originale ?
Qu'en pensez-vous ?
duc de Raguse.