calame a écrit :
J'ai juste une réserve sur cette "condamnation" dès 1031 : certes, l'Espagne éclate en taifas, mais les deux dynasties berbères en recomposent l'unité, et gagnent des batailles, notamment à Alarcos (1195). On n'a pas, comme c'est le cas pour l'Empire ottoman plus tard, un déclin irrémédiable ; avant Las Navas de Tolosa, rien n'est joué pour le sort de la partie islamique de l'Espagne.
De plus, la frontière n'est nullement étanche entre les deux mondes, mais il existe une circulation. Par exemple, des potiers de Malaga, au XIVe - XVe s., partent vers Valence où ils poursuivent un art de type islamique, au moins jusqu'au début du XVIe s. Les objets, les idées et les hommes voyagent de part et d'autre de la frontière.
On peut effectivement discuter sur le tournant de la Reconquista. J'ai repris 1031 de deux auteurs, car la ruine du califat symbolise bien la décomposition de l'espagne andalouse par la Fitna, la guerre entre musulmans qui fait alors rage, les berbères mettent à sac Cordoue en 1013 par exemple.
Certes il y a ensuite l'arrivée successive des berbères almoravides puis des berbères almohades, tous deux venant du Maroc, qui viennent en Espagne pour mener la guerre sainte et sauver l'espagne musulmane d'une reconquête définitive. Ils ont des succès, reprennent des villes perdues, c'est exact, mais les chrétiens ont désormais le vent en poupe. Ils ont même réussi à venir devant Grenade en 1126 grace au concours des chrétiens révoltés, des mozarabes qui retournent au nord chrétien ou sont déportés en Afrique. De nombreuses révoltes anti-almohades éclatent.
Puis, c'est la défaite des almohades à las Navas en 1212. On a pu parler de débandade. Les almohades sont de plus contestés dans leur camp, rejetés même parfois. Là, c'est la fin, Cordoue et Séville tombent ensuite, des milliers de musulmans regagnent le Maroc.
Certes, il y a des échanges commerciaux et même des alliances curieuses, mais on peut aussi remarquer la lutte incessante, avec une frontière qui bouge sans cesse, des révoltes suivies d'esclavage pour les prisonniers. Il y a sans cesse des révoltes, ce qui empeche de parler d'une Espagne des trois cultures mêlées.
Ce qui peut tromper, c'est que quand un camp gagne un secteur, il prêche la tolérance par opportunité, pour que la vie économique continue, mais en fait, la réalité est bien la soumission. C'est pour cette raison économique qu'un roi de Tolède auto-proclamé empereur chrétien des deux religions, chrétiens et musulmans, créée une collaboration qui ne durera pas mais prolonge l'influence arabe en terre chrétienne.
Au début quand on conquiert, il est important de ne pas arrêter la vie économique et de percevoir des impôts. Il y a toujours tolérance. les chrétiens pratiquent cette tolérance car ils ont un grave problème de main d'oeuvre. Mais le facteur religieux l'emportera; des deux côtés les populations ne se résigneront pas, en général et dans le temps, à être soumises même après conversion de musulmans comme de chrétiens. Entre 800 et 1492, les populations ne cessent de se déplacer pour échapper à la soumission. Les révoltes sont continuelles.