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Message Publié : 18 Mai 2010 21:52 
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Polybe
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Quel travail de fourmi tu fais ! C'est à la fois très intéressant, déroutant et peut-être décourageant ce genre de recherche. D'un point intrigant on aboutit à une enquête longue :mrgreen: !

Je me posais une question. De quelle manière les souverains séleucide officialisaient des décisions d'État, les règlements. En Macédoine, on a droit à ces stèles épigraphiques comme les règlements de garnisons dont les indications sont riches. En Égypte c'est sur papyrii.

Je ne connais pas la situation des découvertes épigraphiques concernant l'organisation de l'armée séleucide. A vrai dire je ne crois pas en avoir rencontré.


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Message Publié : 19 Mai 2010 18:02 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Pour tout ce qui est épigraphie, je ne sais pas. Je compte d’ailleurs sur toi sur ce chapitre, pour nous transmettre toutes les inscriptions voire papyri sur lesquels tu tomberais. Autant les textes, j’en ai beaucoup et plus encore sont accessibles via le net, autant pour l’épigraphie je suis à la traine, surtout que c’est un support que je domine mal, difficile à appréhender : entre les parties illisibles, les abréviations, et les patois locaux...

Ionman a écrit :
C'est à la fois très intéressant, déroutant et peut-être décourageant ce genre de recherche.

Déroutant, je peux comprendre, la maitrise étant un premier travail de recherche, les réflexes ne sont pas encore en place. Mais pourquoi décourageant ? Certes, cela prends un peu de temps, et tu ne pourrais sans doute pas tout creuser. Cependant, il me semble que l’exercice est nécessaire, on ne peut pas toujours rester dans le superficiel, en particulier pour la soutenance. Malheureusement, je dois avouer avoir souvent rencontré des maitrises pour le moins désinvoltes avec ce genre de recherche. Un des exemples les plus étranges que j’ai rencontré était un camarade qui avait fait une maitrise sur le vocabulaire politique d’un de mes auteurs favoris. Il avait eu une excellente note. Lorsque j’ai appris son sujet, enthousiaste, bien entendu, j’engage la conversation. Cet ami m’interrompt au bout d'un moment, en me disant que j’avais lu davantage cet auteur que lui… Interloqué, après un petit blanc, je lui demande comment il a pu faire une maitrise sur le vocabulaire employé par un auteur sans l’avoir lu intégralement plusieurs fois. En fait, son travail avait été quasi exclusivement historiographique, ne se référant à la source qu’en cas de désaccords entre ses maitres… Il n’avait lu aucun de ses livres en entier, certains n’avaient même jamais été ouverts. Sa conclusion était qu’il n’avait rien de neuf à apporter au sujet par rapport à ces prédécesseurs. Evidemment, puisqu’il n’avait pas cherché, comment pouvait-il espérer trouver quelque chose ! Mais sa note était pourtant une des meilleures de l’année. Et de tels exemples, j’en ai souvent rencontré, entre ceux qui bossaient sur tel ou tel lieu mais ignorais certains textes qui me semblaient majeurs pour leur sujet, ou ceux (y compris sur ce forum) qui répondent simplement qu’ils n’ont pas envie de consulter les sources ni la littérature étrangère sur le sujet parce que c’est trop compliqué, ils n’ont pas le temps…
Je crois qu’il y a tout de même un problème… Dans mon optique, la maitrise est un travail de recherche, donc à faire sérieusement. Et en Antique, la base d’un tel travail est la relation directe et permanente avec les sources, et surtout l’exhaustivité. Par moment, j’ai l’impression que je ne suis pas sur la même longueur d’onde que certains candidats… ou certains directeurs.

Ces remarques sont générales bien sur, le prends pas pour toi au contraire. Tu t’intéresses au sujet, tu poses de bonnes questions, tu creuses… C’est ce qui faut. Et cela ne doit surtout pas te décourager, mais au contraire te motiver, car cela donne accès à un plaisir rare : celui de créer, de tracer ton propre chemin, d’être original. Bref, faire de la recherche, et non pas combiner des fiches de lectures, pour ne servir au final qu’un insipide réchauffage.


Pour revenir sur cette phrase d’Athénée (qui me turlupine depuis, dès que j’ai cinq minutes, je m’y replonge…), je suis dorénavant convaincu par la traduction « bis » que j’avais proposé : ils étaient suivis « de 20 000 hommes armés à la macédonienne et de 5 000 hommes armés certains avec des boucliers de bronze, d’autre avec des boucliers d’argents ». kai sépare les deux régiments, alloi de se rapporte au dernier, mettant en parallèle chalkaspides et argyraspides.
Je trouve ma solution à la fois élégante et justifiée :
  • Grammaticalement, ma proposition me semble viable, sans avoir besoin de toucher au texte tel qu’il est présenté (ce qui n’est pas le moindre des avantages). Pour exprimer cette idée, je ne vois pas trop comment ils auraient pu s’y prendre autrement. Néanmoins, je ne suis pas linguiste, et ma connaissance du grec est superficielle (je ne l’ai jamais appris, je suis autodidacte, et pas très consciencieux…). A confirmer donc par de plus callés que moi. Je suis tout de même surpris que personne n’ai proposé cette lecture.
  • Elle supprime l’incohérence qui a gêné les traducteurs, à savoir que les Argyraspides sont le seul groupe de tout le défilé qui ne soit pas numériquement défini. Ici, ils sont compris dans les 5000 en compagnie des chalcaspides.
  • Nous nous retrouvons avec un parallèle remarquable avec la composition de la phalange de Raphia. En 217 donc (Polybe V.79), les phalanges séleucides se décomposent en deux, d’un coté « l’élite de tout le royaume (ἐκ πάσης ἐκλελεγμένοι τῆς βασιλείας), armés à la macédonienne, une dizaine de milliers d’hommes, des argyraspides pour la plupart (τούτων οἱ πλείονες ἀργυράσπιδες) » commandés par Théodotos l’Aitolien, appelés épilectoi dans la suite du récit (et même ἐπίλεκτοι τῶν Συριακῶν en V.85, mais je doute qu’il faille prendre l’indication géographique au sens propre, mais au figuré, « l’élite du royaume de Syrie » et non uniquement « l’élite des Syriens » ; l’expression serait ainsi synonyme de celle de V.79, ἐκ πάσης ἐκλελεγμένοι τῆς βασιλείας) ; de l’autre la phalange proprement dite, commandée par Nicarchos et Théodotos surnommé Le Long, forte de « quelque vingt-mille hommes, πλῆθος ἦν εἰς δυσμυρίους ». Comme à Daphné, nous retrouvons deux régiments, une phalange de base forte de 20 000 hommes, et une phalange d’élite combinant Argyraspides et Chalcaspides, forte de 10 000 hommes à Raphia, moitié moins à Daphé 50 ans plus tard. A remarquer que réduit à 5000 hommes à Daphné, ils ont dorénavant les mêmes effectifs que les Peltastes macédoniens ou Egyptiens (en comptant l’Agéma dans les deux cas).

Ce qui m’amène à une autre proposition concernant ces Argyraspides : et si nous faisions fausse route depuis le début, en voulant y voir absolument une unité séparée, rangée à part des autres épilectoi, comme l’Agema l’est des Peltastes chez les Macédoniens et les Lagides, comme l’Agema l’était des Hypaspistes d’Alexandre ? Or, mentionnés deux fois par Polybe, ils ne sont pourtant jamais chez lui signalés seuls mais associés à des chalcaspides (Daphné) ou à des troupes non identifiées mais différentes du reste de la phalange (Raphia). Par conséquent, on pourrait peut-être envisager qu’au sein d’une même unité, certains soient équipés de boucliers d’argent, et d’autres de boucliers de bronze, selon leur grade ou leur rang dans la phalange. D’où le fait que Polybe ne les sépare pas, et d’où l’étrange expression « oi pleiones », qui s’explique très bien s’ils forment par exemple les premiers rangs. Les immortels perses appliquaient ainsi une différence entre 9000 Immortels à grenade d’argent, et 1000 à grenade d’or (mais indépendants des mélophores), et lors du défilé d’Abydos en 480, nous voyons ces 1000 hommes à grenade d’or encadrer les 9000 autres à grenade d’argent ; d’ailleurs les Immortels perses sont eux aussi qualifiés de « eklelegmenoi », les meilleurs au sens aristocratique, l’élite sociale. Or les Séleucides combinaient héritage militaire perse et héritage macédonien, comme on l’a vu pour la cavalerie, que ce soit dans son recrutement ou dans son armement, ce qui fait son originalité.
Dans ce cas, le vocable d’épilectoi serait préférable, et il ne faudrait plus parler d’Argyraspides pour définir de l’unité militaire, puisqu’elle ne lui correspondrait pas, n’étant qu’une distinction honorifique individuelle parmi certains épilectoi.

Reste le problème de Magnésie, à traiter à part selon moi puisque selon toute vraisemblance, les Epilektoi se sont fait annihiler l’année précédente aux Thermopyles, il n’ont donc pas pu être reconstitué en un laps de temps aussi court ; joints au problème que notre unique source est Tite Live (Appien ne les mentionne pas), qui simplifie toujours beaucoup et ne comprends pas toujours grand chose au vocabulaire et aux manœuvres militaires qu’il est censé décrire, en plus de sa mauvaise habitude des anachronismes.

Bref, comme toujours, plus de problèmes que de solutions !
Et maintenant je n’y touche plus jusqu’à dimanche, sinon je ne m’en sortirais jamais…


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Message Publié : 20 Mai 2010 9:01 
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Polybe
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Oh j'ai dis cette phrase non pas dans le cadre de mon mémoire mais dans un cadre général !

Il est clair qu'un tel travail est primordial. Si j'ai dis décourageant, c'est dans l'exemple que l'on vient de voir : une information renvoyée à un auteur qui la renvoi à un autre qui la renvoi au même. C'est assez cocasse mais du coup je me dis que des erreurs peuvent s'imiscer et contaminer un travail, même si Foulon, pour ne prendre que lui, s'est fourvoyé de lui-même.

Pour ton hypothèse, elle est intéressante. Mais en regardant l'évolution des troupes d'élite à partir d'Alexandre, j'ai du mal à voir comment les argyraspides succédant aux hypaspistes, puisse être injectés dans une troupe plus nombreuse et plus mixte dans le 'standing'.

Si Tite-Live et Appien reprenne Polybe, il est étonnant qu'ils ne soient pas plus précis concernant la phalange des Thermopyles. Alors sont-ils vraiment la troupe d'élite séleucide ? Si comme M. Holleaux on doit admettre la très dommageable administration séleucide qui ne put réunir une troupe d'expédition plus nombreuse, et des renforts en temps et en heure au Roi, on doit se demander avec quelle troupe il put débarquer en Grèce. Quelle troupe pouvait-être prête au combat rapidement sinon une troupe professionnelle...

Les souverains séleucides avaient bien une agéma comme gardes-du-corps ? Les quelques argyraspides de Magnésie sont-ils alors cette crème de l'élite qui n'aurait pas débarqué en Grèce... C'est de la spéculation :)


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Message Publié : 20 Mai 2010 10:10 
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Polybe
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Sur cette agéma des hypaspistes, Bar-Kochva dit :

"De toutes les unités connues des forces d'Alexandre et des Diadoques, la plus grande absente dans l'armée séleucide est l'agéma, ou dans son nom complet, "l'agéma des hyaspistes", la garde-royale à pied, ou plutôt la crème de l'infanterie de la garde. Son absence de tout récit détaillé de la disposition séleucide dans les grandes campagnes, mis en parallèle avec la fréquente allusion à la cavalerie de l'agéma suggère que cette omission n'est pas accidentelle. Il apparait qu'ils ne retinrent que la seconde partie de leur nom complet et furent renomé hypaspistes. Je pense alors que les hypaspistes séleucides n'étaient pas synonyme d'argyraspides, ce que suggèrent certains, mais forment l'élite dans l'infanterie de la garde. Les hypaspistes sont mentionnés en premier en Cyrrhestique. Les plus braves accompagnèrent le roi dans son courageux et surprenant enveloppement raconté par Polyen (4, 9, 3). Dionysius, le commandant des hypaspistes, est décrit par Polybe comme l'un des trois officiers les plus capables dans l'armée qui assiège Sardes en 214 (7, 16, 2). Au Panion, les hypaspistes, définis par Polybe comme 'la meilleure unité', étaient postés autour du roi, avec les Compagnons, la cavalerie de la garde-royale, un des deux corps de 1.000 cavaliers formant l'élite de la cavalerie séleucide. Cette dernière référence suggère qu'ils n'étaient pas une grande force comme les argyraspides, et, avec la référence précédente, réfute l'alternative les donnant pour Gardes personnels. [...]"

Ainsi ne les compte-t-il pas à part des argyraspides, et donne le chiffre qu'a repris Foulon : 8.000 argyraspides (2 stratégies) + 2.000 hypaspistes (2 chiliarquies).

Il est bizarre que ces hypaspistes ne sont pas mentionnés en tant que tels à Daphné...


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Message Publié : 20 Mai 2010 16:42 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Ionman a écrit :
Pour ton hypothèse, elle est intéressante. Mais en regardant l'évolution des troupes d'élite à partir d'Alexandre, j'ai du mal à voir comment les argyraspides succédant aux hypaspistes, puisse être injectés dans une troupe plus nombreuse et plus mixte dans le 'standing'.

L’héritage n’est pas direct : dès 323, les Argyraspides ont été remplacé dans leur tache par 3000 nouveaux Hypaspistes et eux placé en pré-retraite, en route vers leurs foyers de Macédoine. Ils disparaissent définitivement en 317, mieux : ils sont dispersés. L’unité est dissoute, mais les hommes maintenus dans l’armée, cantonné à un role de garnisaires, mais conservent sans doute leur statut glorieux individuel hérité d’Alexandre, et donc leur bouclier argenté. De fait, les Argyraspides ont été mêlés à cette date aux Chalcaspides et dispersés dans tout l’empire.
De plus, entre 317 et 217, leur évolution est inconnue. Officiellement, il n’existe plus d’unité appelée argyraspides lorsque apparait tout à coup ce nom à Raphia.
Donc, deux possibilités : soit ils sont les héritiers des Hypaspistes (et donc nom des Argyraspides de la première génération), rebaptisés à une date indéterminée, et dans ce cas, l’imitation n’a peut-être pas été fidèle (la cavalerie a ainsi été réorganisée sur le mode perse, sur la base des chiliarquies, et Alexandre avait déjà intégré 1000 Perses parmi les Hypaspistes (soit une chiliarchie sur trois)) ; soit ils sont les héritiers des Argyraspides qui n’auraient donc jamais disparus, mais sont alors issus de la fusion de 217, donc argyraspides mêlés aux chalcaspides.
Ceci dit, je ne suis pas convaincu par cette hypothèse qui va à l’encontre de ce qui se fait dans les autres monarchies hellénistiques, c’est surtout une piste de réflexion à creuser. Je reste pour le moment favorable à deux unité cote à cote, argyraspides d’un coté et chalcaspides de l’autre, unis sous le nom d’épilectoi. Comme l’Agema des Hypaspistes et les Hypaspistes de l’époque d’Alexandre, l’Agema et les Peltastes dans les armées antigonides et lagides. Cependant si cette variante serait inattendue et inédite, elle n’est pas forcément à écarter sans examen, du fait de l’originalité de l’armée séleucide par rapport aux autres monarchies hellénistiques ; cela expliquerait une partie des nombreuses imprécisions les concernant et rendrait cohérent les divers noms qui les décorent.

Ionman a écrit :
Si Tite-Live et Appien reprenne Polybe, il est étonnant qu'ils ne soient pas plus précis concernant la phalange des Thermopyles. Alors sont-ils vraiment la troupe d'élite séleucide ? Si comme M. Holleaux on doit admettre la très dommageable administration séleucide qui ne put réunir une troupe d'expédition plus nombreuse, et des renforts en temps et en heure au Roi, on doit se demander avec quelle troupe il put débarquer en Grèce. Quelle troupe pouvait-être prête au combat rapidement sinon une troupe professionnelle...

On ne peut que soupeser la valeur de supposition en l’absence de témoignage clair. Mais effectivement, je suis de ton avis, seule une troupe professionnelle était apte à mener cette campagne. De plus, le roi en personne y participe, c’est donc le rôle de la « cohorte royale » de l’accompagner, or nous savons qu’ils étaient 10 000 en 217. Il est difficile d’imaginer, alors qu’il dispose sous sa main d’une armée d’élite de 10 000 hommes prête au combat, qu’Antiochos les laisse on ne sais où à faire on ne sait quoi, perd du temps à lever une phalange d’amateurs, pour enfin débarquer personnellement avec une armée finalement réduite et amputée de ses meilleurs éléments laissés inemployés…

Ionman a écrit :
Les souverains séleucides avaient bien une agéma comme gardes-du-corps ? Les quelques argyraspides de Magnésie sont-ils alors cette crème de l'élite qui n'aurait pas débarqué en Grèce... C'est de la spéculation

Pas comme « garde du corps », charge individuelle, mais comme garde plus générale (Athénée XII.539e par exemple établit nettement la différence entre les gardes (phulaces) et les gardes du corps (somatophulaces) ; je le précise, car la nuance est importante, j’y reviens concernant les hypaspistes).
C’est Tite-Live qui nous le fait penser en tout cas. L’expression « cohorte royale » désigne chez Tite-Live (XLIII.13.11-12) l’Agema macédonienne, tout comme chez Quinte-Curce (IX.10.26 et X.8.3-4). Mais si effectivement il s’agissait d’une agema, l’agema devait débarquer en Grèce en compagnie de son roi, puisqu’elle est censée l’accompagner en tout lieu. Qui sont ces Argyraspides de Magnésie ? Une nouvelle unité hâtivement levée parmi les troupes expérimentée restante ou bien les 500 hommes qui s’échappèrent du désastre des Thermopyles en compagnie du roi (comme par hasard : ce sont ces seules unités qui l’accompagnent, les autres survivants se dispersent ou sont abandonnés sur place). Je suis largement favorable à la seconde solution.
A remarquer aussi que si les Argyraspides et les Chalcaspides sont unis au sein de l’unité des épilectoi, mais sous forme de bataillons séparés, il est normal que le vocable d’Agema ne soit pas utilisé, les Argyraspides remplissent ce rôle, à l’exclusion des autres épilectoi, chalcaspides.


Concernant la place des Hypaspistes dans l’armée séleucide, il faut se méfier je crois, c’est un faux ami interprété anachroniquement par Bar-Kochva, et à tort, en transposant une réalité provisoire à la fin du IV au IIIe-IIe.
Le mot a trois sens.
  1. Au niveau basique, le moins honorable, les Hypaspistes sont des valets d’armes, des hommes qui accompagnent les combattants et s’occupent d’eux en campagne, mais sans combattre. Dans ce sens, le mot peut très bien s’appliquer à des esclaves : ainsi les hilotes qui accompagnent l’armée lacédémoniennes sont qualifiés à l’occasion d’hypaspistes. Dans notre contexte, à Gaugamélès, les hypaspistes-valets d’armes sont mentionnés, ils désarment les chars perses derrière la ligne de front. Comme les autres hypaspistes, les hommes de Nicanor apparaissent dans le même texte, certains commentateurs ont un peu perdu leur latin…
  2. Dans son sens le plus courant, il s’agit de gardes du corps, littéralement des combattants chargés de porter un bouclier devant l’homme qu’ils défendent au cœur de la mêlée, comme par exemple dans Xénophon,Anabase, IV.2.20. Elargit, il englobe plus généralement tous les gardes du corps, équivalent à somatophylaque (mais dans son sens normal, pas la dignité macédonienne sous Philippe et Alexandre). La plupart des emplois de ce mot sont dans ce cens là, et s’applique à tout le monde, y compris des Romains ou des Byzantins. Pour le IIIe siècle, Pyrrhus, Agathocle, Hannibal, Scipion l’Africain sont tous accompagnés d’Hypaspistes, dans le sens de garde du corps. Une troupe très peu nombreuse d’hommes de confiance, chargés d’accompagner et de protéger leur client où qu’il soit, que ce soit à pied ou à cheval. Il peut y en avoir qu’un seul ou quelques uns, mais guère plus de quelques dizaines grand maximum.
  3. Enfin, sous Philippe II, Alexandre III et les premiers diadoques (Perdiccas, Séleucos Ier), « Hypaspistes » désigne une troupe d’élite de l’armée régulière, forte de plusieurs milliers d’hommes et allignés au combat. Les simples hypaspistes forment une armée d’élite classique, et peuvent être détachés pour des missions militaires ponctuelles. Un des bataillons porte le nom d’Agema des Hypaspistes et sont role est de former la garde rapprochée du roi au quotidien (surveillance du palais, etc.). Ils sont à la fois plus nombreux, et ont des taches plus variés que celle des gardes du corps proprement dit. Cet emploi n’est plus attesté au IIIe siècle, où ils sont remplacés par les Peltastes (et sans doute les épilectoi/Argyraspides/Chalcaspides des armées Séleucides).

Mais si l’unité militaire n’existe plus sous ce nom, des Hypaspistes restent mentionnés sporadiquement que ce soit sous Philippe V en Macédoine (Polybe V.27 ; XVIII.33), sous les Lagides (Polybe, XV.25a ; XVIII.53) ou sous les Séleucides (Polybe, VII.16 ; XVI.17 ; Macchabées, IV.9.11). Mais ils n’apparaissent alors jamais comme un corps d’armée, mais simplement en tant que gardes du corps, des hommes proches du roi, peu nombreux, dévoués, qui l’accompagnent où qu’il aille, tantôt à pied tantôt à cheval. Bref, la définition numéro 2, banale. Autrement dit, inutile de chercher leur trace dans un organigramme des armées hellénistiques, ils n’y apparaitront jamais. Pour donner une échelle, les gardes du corps d’Alexandre ne sont que sept.

Tant pis, je ne m'en sortirai pas cette semaine... lol


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Message Publié : 20 Mai 2010 17:47 
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Polybe
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J'arrive bien mieux à éclaircir le tableau maintenant.

Désolé de détourner du droit chemin >:)


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Message Publié : 17 Août 2010 16:07 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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Je reviens sur la parenthèse ouverte les 26-28 février sur les Leucaspides tarentins qui combattent aux côtés de Pyrrhus. Nous nous interrogions sur leur armement, et s'il était pertinent de les assimiler aux leucaspides macédoniens de Philippe V et Persée. Nous nous demandions aussi si la blanc avait une quelconque signification particulière en Italie du Sud, et Genava avait signalé la "légion de lin" samnite, équipée entre autre de boucliers blancs.

A la réflexion, le cas tarentin me semble finalement beaucoup plus simple...
Tarente est sise en Lucanie, peuplée de Lucaniens, en grec Leukanoi.... Par conséquent, quoi de plus naturel que la principale cité de Lucanie porte comme insigne des boucliers blancs ? Un jeu de mot, un jeu de couleur pour rappeler leur ethnique. Par là, deux possibilités soit, les leucaspides sont une unité tarentine, donc grecque, mais dans un tel cas, pourquoi les individualiser ainsi, exception au sein de la liste de Denys d'Halicarnasse ? Soit il s'agit des indigènes soumis aux Tarentins, donc des Leukanoi, et alors s'explique que soient mentionnés les leucaspides des Tarentins et non les Tarentins tout simplement. Ce qui établit un parallèle avec les leucaspides macédoniens, dont je proposais de voir des indigènes (Thraces, etc) sujets du roi de Macédoine et armés et entrainés à la macédonienne, afin de gonfler les effectifs. Mais si le recrutement obéit à la même logique, cela ne préjuge pas d'un armement macédonien des leucaspides tarentins, antérieurs, bien que ces derniers soient de l'infanterie lourde. Mais éventuellement, on pourrait proposer (sans l'ombre d'une preuve), que les rois de Macédoine se sont inspirés du système de recrutement indigène tarentin, introduit par Pyrrhus à son retour en Grèce, donnant naissance à un nouveau corps de phalange, les leucaspides (dont je ne m'explique pas l'origine du nom dans le cas macédonien).
Autrement dit, si relation il y a (ce qui est loin d'être évident), elle ne s'est pas faite de la Macédoine vers la Lucanie, mais de la Lucanie vers la Macédoine.


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Message Publié : 07 Oct 2010 22:13 
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Polybe
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Peut-être que, comme tu l'avais dis, étant donné que les leucaspides macédoniens pourraient être un contingent d'étrangers intégrés dans un corps de phalangites spécifique au bouclier de blanc, l'idée viendrait de Pyrrhus qui utilisa ces leucaspides tarentins en Italie dans son armée 'nationale' épirote.

Pas beaucoup de matière pour s'accrocher aux branches mais l'hypothèse mérite d'être évoquée !


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Message Publié : 08 Oct 2010 8:28 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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C'est le scénario que j'imaginais, avec Pyrrhus qui introduit cette terminologie nouvelle en Macédoine lors de son bref retour entre 274 et 272, en particulier à l'occasion de sa campagne victorieuse contre Gonatas en 273 où il reprend une nouvelle fois possession du trône de Macédoine.
Mais comme tu dis, cela tiens plus de la littérature que de l'histoire !


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Message Publié : 14 Déc 2010 19:54 
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Hérodote
Hérodote

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extrêmement intéressant tout ceci…

donc, si je comprends bien, les 2x1.500 cavaliers galates et les 2.000 cavaliers cappadociens snt en fait de l'infanterie ?
Ça se tient; en cas de victoire de la cavalerie ils pouvaient la suivre et exploiter son succès en attaquant les romains/alliés de flanc, en cas de défaite ils pouvaient protéger le flanc de la phalange… bon apparemment ils n'ont fait ni l'un ni l'autre…

sinon,
1/ quand on entend Macédoniens on pense "phalange"; cependant le fait qu'ils aient été mis à la garde du camp et mêlés à des thraces doit indiquer une infanterie pus légère ?
2/ quel genre de troupes étaient les Tarentins ?


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Message Publié : 15 Déc 2010 16:36 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Nos sources principales pour cet échange sont Tite-Live, livre XXXVII, et en particulier les §§ 37-44 consacrés à la bataille de Magnésie, et Appien, La guerre Syriaque, §§ 30-36, complété par les quelques fragments survivants du livre XXI de Polybe, perdu en grande partie (et tout particulièrement son récit de la bataille) mais qui a servi de base aux deux autres, leur source originelle commune, selon toute vraisemblance.

Le problème galate n'est pas évident, car Tite-Live comme Appien, d'accord sur ce point, en font des cavaliers ; autrement dit, Polybe en fait des cavaliers. Tite-Live est plus précis pour leur nombre et leur placement: 40: "À l'aile droite de cette phalange étaient placés quinze cents cavaliers Gallo-Grecs, soutenus par trois mille cuirassiers, nommés cataphractes, et par un escadron de mille chevaux, appelé agéma. (...) À l'aile gauche la phalange était soutenue par quinze cents cavaliers Gallo-Grecs, et deux mille Cappadociens de la même arme, envoyés au roi par Ariarathe. Puis venaient deux mille sept cents auxiliaires de diverses nations, trois mille cavaliers cataphractes et mille autres cavaliers couverts, eux et leurs chevaux, d'une armure un peu plus légère, ayant du reste la même tenue : ce corps, qu'en appelait l'escadron du roi, était un mélange de Syriens, de Phrygiens et de Lydiens. En avant de cette cavalerie étaient rangés les quadriges armés de faux, et les chameaux, appelés dromadaires, montés par des archers arabes, qui portaient des épées à lames étroites mais longues de quatre coudées, afin de pouvoir atteindre l'ennemi du haut de leurs montures. Puis la foule des auxiliaires, à peu près comme à l'aile droite : d'abord les Tarentins, ensuite deux mille cinq cents cavaliers Gallo-Grecs, mille Néocrétois et quinze cents Cariens et Ciliciens de la même arme, autant de Tralles; enfin quatre mille cétrats, Pisidiens, Pamphyliens et Lyciens."
Appien, Syr.32: His horse were stationed on either wing, consisting of the mail-clad Galatians and the Macedonian corps called the agema, so named because they were picked horsemen. An equal number of these were stationed on either side of the phalanx. Besides these the right wing had certain light-armed troops, and other horsemen with silver shields, and 200 mounted archers. On the left were the Galatian bands of the Tectosagi, the Trocmi, the Tolistoboii, and certain Cappadocians furnished by king Ariarathes [IV Eusebes], and a mingling of other tribes. There was another body of horse, mail-clad but light-armed, called the Companion cavalry. In this way Antiochus drew up his forces.

En tout et pour tout, Tite Live dénombre donc 1500 galates à droite, et 1500+2500 soit 4000 galates à gauche. Or ces données, prises déjà seules sont suspectes, puisque l'aile gauche présente étrangement deux groupes distinctes, un de 1500 et un autre de 2500. Le texte d'Apein explique en partie la confusion de Tite-Live : il est assez évident que Tite Live s'est mélangé les pinceaux, et a dédoublé le corps de l'aile froite, 1500h, en en plaçant un symétrique à droite, 1500 autres qui en fait font double emploi avec les 2500, mais qu'il a supposé de l'expression "an equal number of these were stationed on the either side", sans que ceci fasse référence aux Galates en particuliers. Donc dans les faits, ils ne sont vraisemblablement que 4000, 1500 à droite et 2500 à gauche.
Mais le problème des cavaliers reste entier, puisque Tite Live comme Appien sont très clair là dessus. Néanmoins, les doutes sont permis, pour deux raisons.
- la première, c'est tout simplement le total fournit par nos auteurs. TL, §37: "Antiochus avait soixante-deux mille hommes d'infanterie et plus de douze mille chevaux"; Appien, §32: The total force of Antiochus was 70,000. Comme Appien ne précise pas la proportion ni ne détaille les différents corps, restons sur Tite-Live: un peu plus de 12 000 cavaliers donc. Or, dans son décompte total, il dépasse largement ce chiffre (§40): 1500 Galates, 3000 cataphractes, 1000 Agêma, 1200 Dahae, soit 5700 cavaliers à l'aile droite ; 1500 Galates, 2000 Cappadociens, 2700 cavaliers d'origine diverse, 3000 cataphractes, 1000h de l'escadron royal, les Tarentins (nombre non précisés), 2500 Galates. Soit pour l'aile gauche, 12700 cavaliers. En tout et pour tout, 18400 cavaliers, sans compter les Tarentins oubliés dans le décompte.... Il y a donc un sérieux problème. 12 000, c'est déjà énorme; à Raphia, Antiochos aligne le même nombre de fantassins (62 000) mais seulement 6000 cavaliers. 18400 plus les Tarentins, c'est inimaginable...
Ce soucis, je le résoud pour ma part de trois manière:
- d'abord, on l'a vu, j'élimine le doublon de 1500 galates de l'aile gauche, ce qui nous fait 1500h de gagnés assez logiquement (reste encore 4000...)
- ensuite deux pistes. D'une part il est possible que les cavaliers Cappadociens aient été comptabilisés deux fois, d'abord seuls "deux mille Cappadociens de la même arme, envoyés au roi par Ariarathe" puis dans la foulée mélangés aux autres : "Puis venaient deux mille sept cents auxiliaires de diverses nations" Evidemment, c'est improuvable, ce n'est qu'une piste.
- d'autre part, que les Galates ne soient pas de la cavalerie. En effet, ils combattent au côté d'infanterie légère, "trois mille hommes de troupes légères, composés de Tralles et de Crétois à peu près en nombre égal, et de deux mille cinq cents archers Mysiens" à droite soutenus par la cavalerie légère Dahae, et "mille Néocrétois et quinze cents Cariens et Ciliciens de la même arme, autant de Tralles" à gauche soutenus par les Tarentins, donc une une autre unité de cavalerie légère. Or cette formation, nous la retrouvons à Raphia, bien connue grâce à la description précise de Polybe (directe cette fois) ; et dans ce combat, les Galates participent au sein de l'armée séleucide, en compagnie des Néocrétois et autres psiloi, et sont définis comme des acontistes (V.82), c'est à dire des lanceurs de javelot, des troupes légères. Logiquement, s'ils combattent à la même place en compagnie des mêmes gugus, c'est que leur armement est identique. Donc qu'il ne s'agit pas de cavalerie, mais d'infanterie légère. Et hop, 4000 cavaliers en moins.
Si on refait les comptes, j'ai donc "effacé" 7500 cavaliers, il n'en reste donc que 10 900. Zut me direz vous, j'en ai trop fait par excès de zèle, il m'en manque maintenant au moins 1100... Et non ! Et les Tarentins ? Faut pas les oublier ! Ils sont placés à l'aile gauche, symétriquement aux Dahae, ils ont la même mission (celle de cavaliers légers), et soutiennent le même nombre d'hommes. Il serait logique qu'ils aient à peu près le même effectif, soit environ 1200 hommes.
Au final, mes corrections m'apportent bien à un peu plus de 12 000 cavaliers, sans avoir fait faire le grand écart au texte.

Ceci dit, le cas Galate reste problématique, puisque nos deux sources les mentionnent comme cavaliers, et que leur rôle comme cavaliers est encore mis en valeur dans les accrochages préliminaires en XXXVII.38 : "Alors, un corps de mille cavaliers, Gallo-Grecs pour la plupart, avec quelques Dahes et des archers de différentes nations, traversant à grand bruit le fleuve, fondirent sur les postes romains. La surprise causa d'abord quelque confusion (...) la cavalerie du roi, épuisée de fatigue et cédant au nombre, tourna bride ; mais elle fut atteinte sur les bords du fleuve par l'ennemi qui la poursuivait et perdit plusieurs hommes avant d'avoir pu tenter le passage." Remarquons cependant qu'une fois de plus, les Galates combattent avec des troupes légères, les Dahae et les "archers de différentes nations", et que dans le déploiement, les Dahae sont destinés à couvrir les Tralles, les Crétois et les archers Mysiens, autrement dit des psiloi. Si les Galates sont bien les accontistes que je soupçonne, il est logique qu'ils escarmouchent en compagnie des Dahae. Mais on peut évidemment s'appuyer sur ce texte pour soutenir le contraire et démontrer que les Galates sont bien cavaliers dans cette bataille, au moins certains d'entre eux. Bref, rien d'assuré, du bricolage visant essentiellement à conserver les données concordantes d'Appien et de Tite Live, donc les chiffres de Polybe souvent très attentif à la question (même si parfois il se gourre lamentablement, comblant par de savants et audacieux calculs l'absence de données précises de ses sources ; en l'occurrence, ce ne doit pas être le cas, la famille Scipio a pu lui fournir nombre de détails).

Mr-Ionman aura sans doute des choses à dire là-dessus, il y a bossé plus longtemps que moi. :mrgreen:

Ashimbabbar a écrit :
1/ quand on entend Macédoniens on pense "phalange"; cependant le fait qu'ils aient été mis à la garde du camp et mêlés à des thraces doit indiquer une infanterie pus légère

Ce n'est assurément pas une phalange, puisqu'il ne s'agit pas d'une unité officielle prêtée par Philippe V, mais un corps de volontaire (même pas qualifiés de mercenaires) recrutés on ne sait trop où ni comment. L'armement doit donc être soit improvisé, soit dans le meilleur des cas fourni par les Romains, donc plus ou moins armés comme les alliés latins.

Ashimbabbar a écrit :
2/ quel genre de troupes étaient les Tarentins ?

Ce sont des corps de cavalerie légère, en général bien équipée mais spécialisées dans le combat à distance, en jetant des javelots tout en évitant le combat. On les trouve à partir du milieu du IVe (autant que je m'en souvienne, ils apparaissent en tant que type de cavalerie, donc sans lien avec la ville de Tarente, sous Philippe II) et connaitront un grand essor à l'époque hellénistique, on les retrouve dans toutes les armées des diadoques et des ligues du IIIe. Les tacticiens antiques comme Asclépiodote les cataloguent au sein de la cavalerie intermédiaire, alliant l'armement et les tactiques à la fois de la cavalerie de choc et de la cavalerie de harcèlement. Asclépiodote, Traité de Tactique, 1.3 : "Le type intermédiaire se compose de soldats appelés tirailleurs (acrobolistes) qui, en contact avec les flancs, combattent à l’aide d’arcs ou de javelots et ressemblent pour le reste de leur équipement aux uns et aux autres. Certains, après avoir lancés leurs javelots, combattent de près : ce sont eux qui l’on qualifie, tout particulièrement, de cavaliers légers ; mais, quand ils se contentent de lancer leurs javelots de loin, on les nomme Tarentins."
Des historiens comme Polybe ou Diodore les décrivent très souvent.
Il est probable qu'à l'origine, cette tactique s'est développé en Italie du Sud, mais à l'époque hellénistique, cela n'a plus aucun sens ethnique, un peu comme "Macédonien" au IIIe définit un armement (phalangite) et non plus l'origine du combattant, qui peut aussi bien être égyptien, syrien, libyen...
En général ce sont des troupes de qualité, mercenaires, hautement spécialisés.


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Message Publié : 15 Déc 2010 16:58 
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Hérodote
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Merci beaucoup Thersite !

Autre chose: l'organisation de la phalange d'Antiochos.
On nous dit qu'elle comptait 16.000 hommes en 10 bataillons séparés les un des autres à chaque fois par une paire d'éléphants; et que ces bataillons étaient de 32 hommes de profondeur.
Cela nous fait donc 50 hommes de front x 32 de profondeur pour chaque: en d'autres termes, presque des carrés.

Il me semble que cette disposition devait résulter d'un choix d'améliorer la mobilité des troupes. Des petits groupes compacts devaient pouvoir manœuvrer plus facilement que de longues lignes attentives à ne pas se rompre; et les éléphants permettaient cette articulation en défendant les flancs de chaque 'bloc'. Peut-être une leçon tirée de la défaite de Philippe V et de la défaite des Thermopyles ?

J'ai lu quelque part que Pyrrhus avait aussi tenté d'assouplir sa phalange contre les Romains en la mêlant d'infanterie italique, mais la source était loin d'être fiable…

Il est intéressant de que les argyraspides n'aient apparemment pas bénéficié d'une pareille réorganisation, mais aient combattu en un seul bloc


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Message Publié : 15 Déc 2010 17:45 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Pour les carrés, je suis d'accord, cela assoupli le schmiblick et permet d'intégrer à la ligne les éléphants (et leur escorte d'infanterie légère), donc d'étendre le front, sachant que les Romains ont une écrasante supériorité en infanterie lourde (le Séleucide n'en a que 16000, alors que les Romains cumulent leurs deux légions, leurs alliés romains, les Peltastes achéens et peut-être les troupes royales d'Eumène. Il lui fallait donc mettre à profit ses très nombreuses troupes légères, et étendre sa ligne, sans la fragiliser pour autant. Par contre pour les Argyraspides, il n'est nulle pas indiqué qu'ils suivent une formation différente ! Ils font parti des 16 000 phalangites, donc soit composent un des carrés soit sont intégré à un de ces carrés, complété par d'autres. Mais leur formation est identique à vu de nez.

Par rapport au précédent de Pyrrhus, pour moi l'anecdote est tout à fait fiable puisque mentionnée par deux sources indépendantes, et confirmée par un parallèle exacte dans la seconde moitié du IIIe.
  • d'abord Polybe qui mentionne explicitement que Pyrrhus s'est adapté contre les Romains en alternant les unités macédoniennes et italiennes. Or Polybe est lui-même lecteur des traités militaires de Pyrrhus. XVIII.28: "Quant à Pyrrhos, il employa non seulement des armes mais aussi des troupes italiennes. Dans les batailles livrées par lui aux Romains, il rangeait alternativement les manipules et les compagnies de phalangites". Là où je le critiquerais, c'est que Polybe, fier de vanter les mérites de la légion romaine, sous-entends que ces manipules sont armés comme des légionnaires, ce qui n'est pas le cas, voir ci-dessous. Pyrrhus ne cherche pas à alterner Italiques et Hellènes, mais infanterie lourde et infanterie légère.
  • ensuite Denys d'Halicarnasse dans sa description de la ligne de bataille épirote à Héraclée (XX.2). Et effectivement, nous constatons une alternance entre troupes lourdes, phalanges de type macédoniennes ou hoplitiques, et troupes plus légères, italiques ou grecques. Il confirme donc en détail la phrase générale de Polybe : Macédoniens (Lourds) / les mercenaires italiotes de Tarente (légers) / Tarentins et Ambraciens (lourds) / Bruttiens et Lucaniens (légers) / Epirotes (lourds) / mercenaires aitoliens, acarnaniens et athamans (légers) / Samnites (lourds).
  • enfin, éventuellement, j'aime à mettre en valeur la tactique macédonienne à Sellasia, qui prouve que Pyrrhus fut imité, ou du moins n'a pas le monopole de cette tactique au IIIe. Sur l'une des ailes, Antigonos Doson alterne alors ses phalangites, avec des troupes plus légères, en l'occurrence les Illyriens. Cf. Polybe II.66-68: "Antigonos aligna ses chalcaspides macédoniens ainsi que les Illyriens, dont les unités furent disposées de façon à alterner avec celles des premiers, etc." La manoeuvre fut un succès complet, les Illyriens occupant en cas de succès chaque espace cédé par les Lacédémoniens, tandis qu'en cas de pépin ils bénéficiaient de l'appuis solide de la phalange. Tant et si bien que les Laconiens furent très rapidement et relativement facilement chassé de leur position pourtant très avantageuse à l'origine, sans que leur courage ou leur armement (ils étaient alors équipés à la macédonienne) ne soit mise en cause. C'est bel et bien la souplesse de la formation macédonienne qui permit de l'emporter, alliant réactivité et solidité.


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Message Publié : 15 Déc 2010 20:54 
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Hérodote
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Inscription : 14 Déc 2010 2:17
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Merci pour cette information sur Pyrrhos, qui montre tout le potentiel que gardait la phalange !

En revanche, pour le texte de Tite-Live, je ne sais si je peux être de ton avis; il écrit,
" L'armée du roi, mélange confus de diverses nations, offrait un coup d'oeil plus varié par la diversité des armes et des corps auxiliaires. L'infanterie, forte de seize mille hommes, était armée à la macédonienne et portait le nom de phalange. Elle occupait le centre de l'armée sur la première ligne, et était divisée en dix corps, (2) séparés chacun par deux éléphants. La profondeur était de trente-deux hommes. (3) Cette infanterie était la principale force du roi, et présentait un aspect formidable, autant par sa fière contenance que par ses éléphants qui dominaient toute la ligne. (4) Ces animaux étaient d'une grosseur prodigieuse, qui semblait encore rehaussée par leurs panaches flottants; leur dos était surmonté d'une tour dont chacune portait quatre combattants, sans compter le conducteur. (5) À l'aile droite de cette phalange étaient placés quinze cents cavaliers Gallo-Grecs, soutenus par trois mille cuirassiers, nommés cataphractes, et par un escadron de mille chevaux, appelé agéma. (6) C'était l'élite des Mèdes et des différentes peuplades de cette contrée. À leur côté se trouvait immédiatement un corps de seize éléphants formant la réserve. (7) Plus à droite, et sur le prolongement de cette aile, était la cohorte royale, qui portait le nom d'argyraspides à cause de ses boucliers d'argent. Venaient ensuite douze cents archers à cheval, de la nation des Dahes; puis trois mille hommes de troupes légères" etc etc

Il me semble donc bien qu'on ait eu un centre de phalange puis des galates ( qu'ils soient cavaliers ou non ), des cavaliers et des éléphants, puis les argyraspides.
Malgré l'absence de détails, on peut présumer que, alors que les cataphractes et l'agema ( et les éléphants ? ) enfonçaient la légion qui leur faisait face, les argyraspides engageaient celle d'à côté.


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Message Publié : 16 Déc 2010 0:09 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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Ce n'est pas possible, on isole pas une unité d'infanterie lourde toute seule au milieu de troupes de cavalerie, au loin du reste de la phalange et sans la moindre possibilité de manoeuvre (ils feraient quoi là bas ? ramasser les restes laissés par les cavaliers ? trainer derrières les troupes légères en espérant qu'ils leur laissent quelque chose à se mettre sous la sarisse ? Et en cas de pépin, ils se retrouveraient tout seuls, isolés, prêts à se faire massacrer... joli gâchis, pou une troupe d'élite...).
De plus la place manque, Appien en particulier insiste sur ce point, et c'est très net à l'aile gauche, qui s'appuie sur le relief au point que les Romains l'ont complètement négligée; ils ne peuvent donc pas s'étendre à l'infini. Enfin, surtout, le déroulement de la bataille chez l'un et l'autre historien décrit des lignes de cavalerie successives ; c'est surtout nette à l'aile gauche : devant, les chars et les chameaux, qui engagent le combat, le perdent et refluent en désordre sur la seconde ligne composée par la cavalerie cataphracte, qui à son tour s'effondre et refluent sur les masses de troupes légères, les éléphants, les Galates et les Cappadociens. Confronté au manque de place, Antiochos a misé pour une stratégie offensive, les chars et les chameaux sont censés mettre le bazar parmi la cavalerie romaine, alors interviendraient les cataphractes qui bousculent tout le monde, puis le reste, infanterie légère, éléphants et cavalerie légère qui exploitera le succès des bourrins. Mais comme les chars ont complètement foirés, c'est l'inverse qui s'est passé. L'élite, les cataphractes, se sont retrouvés coincés entre les chameaux en déroute et les éléphants sur leurs arrières, provocant la panique des chevaux, habilement exploitée par Eumène, ce qui amène l'effondrement rapide de toute l'aile.
Par conséquent, à l'aile gauche, les Argyraspides forment bien l'extrémité de l'aile gauche de la phalange, leur mention en plein milieu est une maladresse de TL qui place bout à bout ce qui était l'un derrière l'autre. C'est justement leur mention qui permet de repérer la césure, en complément du récit de la bataille qui décrit un placement identique (chars et chameaux en plus) de l'autre côté.

Ceci dit, en relisant les textes à froid, je me rend compte de plusieurs problèmes qui n'avaient pas vraiment attirés mon attention. D'abord il va falloir que je me trouve des éditions correctes, aussi bien d'Appien que de Tite Live ; pour l'instant j'utilise la Loeb pour les deux, et Nisard en prime pour TL. Or non seulement leur traduction est bizarre sur plusieurs points, mais en plus leur texte diffère (en particulier, Nisard qualifie les Gallogrecs de "equites", et la Loeb de "pedites"... Comme ni l'un ni l'autre ne sont des éditions critiques, je ne sais pas s'il s'agit d'une correction de l'un ou de l'autre (pour faire concorder Livius avec la version d'Appien par exemple) ou de divergences de manuscrits... En plus, Loeb comme Nisard ne sont pas franchement des références parmi les éditions (pour Nisard, je songe en particulier à son édition de Pline, calamiteuse, pour ne pas dire inutilisable... Quand aux Loeb, ils prennent souvent beaucoup de liberté dans l'édition du texte et les traductions sont parfois assez libres). Bref, avant de reprendre tout ça, il va falloir que je me trouve une bonne vieille Teubner... En plus, selon le texte, cela change l'armement des Cappadociens...
Ensuite, il y a quelques points amusants à creuser. En particulier, comparer plus attentivement Appien et Tite-Live, dans leurs parties communes, et comparer leurs expressions respectives, ou comment notre latin a traduit le grec originel... J'ai l'impression qu'il va y avoir des surprises (eh Ionman: et si les argyraspides... n'étaient pas des argyraspides ? TL une fois de plus mélangeant tout ? En l'occurrence, Appien mentionne bien des argyraspides... mais il s'agit de cavaliers ! hippeis arguraspides ! lol Ce qui rappèle bougrement le défilé de Daphné avec sa cavalerie rutilante d'or et d'argent... Si ça se trouve, on s'est cassé la tête pour des clopinettes ! Mais je ne crois pas, je pense pour l'instant que les vrais Argyraspides étaient présent, mais que l'un ou l'autre, voire les deux, ont pu confondre dans placement par exemple ou leur définition, les cavaliers aux boucliers d'argent avec les fantassins aux boucliers d'argent. En tout cas, il va falloir reprendre ça attentivement...)
Dernier point: jusque là j'essayais de sauver le maximum du récit de TL, essayant de retrouver malgré tout ces 12 000 cavaliers. Sauf que... en juin 190, Antiochos ne dispose que de 6000 cavaliers (XXXVII.18), soit autant qu'à Raphia. Ils sortent d'où les 6000 autres ? Même en admettant que les Cappadociens d'Ariarathe se sont ajoutés entre temps, il y a là un tour de passe-passe mystérieux. A creuser aussi : si ça se trouve, ils sont bien moins nombreux (et j'ai comme un doute tout à coup sur ces 3000 cataphractes à droite et 3000 cataphractes à gauche... ça ferait pas un peu beaucoup, en plus de l'Agêma ? Enfin bref, il va falloir décortiquer l'année 190... Sans oublier que pour Appien, Antiochos dispose de 70000 hommes en tout. Or pour Tite-Live, on arrive tout de même à 74 000. C'est rare que les anciens arrondissent vers le bas, sabrant pas moins de 4000 hommes... Et pour les détails, Appien ne donne pas beaucoup de chiffre, mais signale celui des archers à cheval Dahae: 200, contre 1200 pour le latin. Mais sur ce point, je dois vérifier le texte

Comme quoi, on est loin d'avoir fait le tour ! Mais avant toute chose, retrouver des éditions correctes. Avec les fêtes qui se profilent, ça va va pas être évident...


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