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Message Publié : 15 Avr 2007 11:13 
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Sujet stoppant au 13 mars...

Citer :
Dédé

"La ligne de partage" est le titre du dernier chapitre de L'Affaire, de Jean-Denis Bredin.
Il y analyse l'idée que l'affaire Dreyfus aurait été "révélatrice des conflits durables, essentiels à ce peuple, qui se renouvèleraient, sous d'autres formes, en d'autres occasions".
Citations extraites de ce chapitre:

"l'Affaire est au procès comme la mer au navire. Elle le déborde à l'infini" (Ernest Lavisse, 1899)
"l'affaire Dreyfus n'est qu'un épisode, mais le plus significatif, d'une guerre civile qui dure encore" (François Mauriac, 1962)
"Posant à chacun la question de conscience, elle oblige chacun à réagir, à se connaitre, à se reconnaitre" (Pierre Miquel, 1973)
Et Bredin se pose la question: "l'éternité de l'Affaire serait de "séparer" les hommes de la liberté et ceux de l'ordre, ceux de la justice et ceux de la chose jugée"
-------------------------
Mon point de vue est que la "ligne de partage" reste bien, plus d'un siècle après, définie dans cette dernière phrase, bien plus que dans des orientations économiques et sociales.
Peut-on dire que l'affaire Dreyfus a dessiné cette ligne de partage, rendant désuète l'ancienne, qui était plutôt entre monarchistes (de toutes obédiences, y compris bonapartistes) et républicains ?

Duc de Raguse
Afin de nuancer un peu cette affirmation :

Citer :
"l'éternité de l'Affaire serait de "séparer" les hommes de la liberté et ceux de l'ordre, ceux de la justice et ceux de la chose jugée"

J'ai envie de dire que l'on peut très bien être respectueux de l'ordre tout en souhaitant que justice soit rendue.
C'est pour cela que de nombreux hommes politiques de la "droite" de l'époque ont été dreyfusards : je pense plus particulièrement à Poincaré, Scheurer-Kestner ou encore aux chroniqueurs du Figaro.
Par ailleurs, ordre et liberté ne sont pas des valeurs fondamentalement antinomiques. D'autant plus, que si l'on veut que l'ordre et la loi soient respectés, il faut que ceux-ci se fondent sur des éléments indubitables et justes.

Citer :
Peut-on dire que l'affaire Dreyfus a dessiné cette ligne de partage, rendant désuète l'ancienne, qui était plutôt entre monarchistes (de toutes obédiences, y compris bonapartistes) et républicains ?

Je ne suis pas persuadé que cette fracture perdure toujours. Il ne faut pas réaliser le même amalgame que notre ancien premier ministre qui avait déclaré que toute la droite était antidreyfusarde et la gauche dreyfusarde. Non seulement c'est faux, mais en plus il y a un problème de définition important.
Car qu'est-ce que la gauche et la droite à l'époque ? Les premiers regroupent les socialistes (fort minoritaires en 1894 !), les radicaux-socialistes, les radicaux. Le "centre" serait formé des Républicains "opportunistes". La droite de Républicains conservateurs et d'une nébuleuse composée de bonapartistes et de monarchistes.
Le troisième groupe a pratiquement disparu aujourd'hui de la vie politique, tout comme leurs idées, le second est à droite et le troisième s'est déplacé au centre et à gauche de l'échiquier politique.

Les idées politiques, économiques et sociales sont foncièrement différentes et je trouve que cette ligne de fracture, ou de partage, est un peu réductrice. D'autres éléments sont venus se greffer depuis...

Bien à vous,

duc de Raguse.

Dédé

Je suis bien d'accord avec vous, et c'est bien pour ça que je n'ai pas écrit "droite-gauche". Je ne parlais pas de l'ordre et justice en général, mais dans un cas bien précis et néanmoins assez fréquent.
La ligne de partage qui se dessine, me semble-t-il, avec cette affaire, est la suivante:
"dans le cas (en général hypothétique, mais bien réel en l'occurrence) où le "collectif" (la République, la chose jugée, l'administration, etc.) se trouve avoir tort contre un individu (ou porter tort à un individu), est-ce qu'on accepte l'idée d'éventuellement "rejuger la chose", ou est-ce qu'on décide que le groupe prime toujours, même s'il a tort ?".
Dit autrement: "dans le doute, prend-on le risque de condamner un innocent ou de laisser courir un coupable (éventuellement dangereux) ?". Et je vous assure qu'à cette dernière question, les échos du café du coin ne répondent pas la même chose que moi ... sauf pour les délits routiers .
Et cette ligne, à l'époque comme par la suite, traverse tous les partis, de la droite à la gauche, effectivement.
Et les idéologies nées à l'époque, et qui on pourri tout le XXe siècle, étaient bien celles qui prétendaient sacrifier l'individu au groupe (pour des raisons différentes, certes, mais elles avaient ça en commun)

Et, (s'il était permis de sortir très brièvement de l'histoire ), je parlerais bien d'aujourd'hui ... mais non, je respecte la charte, et j'ai effacé ou réduit ce que j'avais écrit

Duc de Raguse

Citer :
"dans le cas (en général hypothétique, mais bien réel en l'occurrence) où le "collectif" (la République, la chose jugée, l'administration, etc.) se trouve avoir tort contre un individu (ou porter tort à un individu), est-ce qu'on accepte l'idée d'éventuellement "rejuger la chose", ou est-ce qu'on décide que le groupe prime toujours, même s'il a tort ?".

Posé en ces termes cela est différent...
C'est le principe de la raison d'Etat qui est en jeu alors, comme au moment de l'"Affaire".
Encore que, un tribunal militaire qui se trompe et falsifie des preuves n'engage cette même raison d'Etat que si sa hiérarchie et les pouvoirs publics le couvrent. Ce qu'ils ont malheureusement fait, au lieu de juger les vrais coupables et responsables : le régime, l'armée et les politiques en seraient ressortis grandis et non contestés.
Mais, vous avez raison, le problème se pose toujours dans nos sociétés actuelles.
Même, si je pense que l'Histoire regorge d'autres exemples de ce type : que dire de la raison d'Etat sous Richelieu, Colbert ou Mazarin ?
C'est la minorité ou les individus (nobles, protestants, libertins, libres entrepreneurs...) qui ont fait les frais de leurs politiques, face à la toute puissance des intérêts collectifs (présentés comme tels en tout cas...)

JEAN VALJEAN

Citer :
Et cette ligne, à l'époque comme par la suite, traverse tous les partis, de la droite à la gauche, effectivement.


Comme le dit jean-Denis Bredin, cette ligne de partage traverse aussi les personnes. Il y a du dreyfusard et de l'antidreyfusard en nous tous.

Autrement, comment expliquer qu'un Péguy, dreyfusard viscéral en 1898, ait appelé à l'assassinat de Jaurès en 1914 ?

Duc de Raguse

Citer :
Autrement, comment expliquer qu'un Péguy, dreyfusard viscéral en 1898, ait appelé à l'assassinat de Jaurès en 1914 ?

Ne pensez-vous pas que les deux faits soient différents ?
Quant à l'appel à l'assassinat, êtes-vous certain ? Ne confondez-vous pas avec Maurras ?

JEAN VALJEAN

Citer :
Ne pensez-vous pas que les deux faits soient différents ?
Quant à l'appel à l'assassinat, êtes-vous certain ? Ne confondez-vous pas avec Maurras ?


Max Gallo, Le Grand Jaurès, page 542 : "Il y a Péguy qui, à la lecture des comptes rendus du débat à la Chambre des députés, déclare que nous sommes très capables de supprimer en temps utile quelques mauvais bergers". Et il ajoute en se donnant des airs héroïques : "en temps de guerre, il n'y a qu'une politique et c'est la politique de la Convention Nationale. Mais il ne faut pas se dissimuler que la politique de la Convention nationale, c'est Jaurès dans une charette et un roulement de tambour pour couvrir cette grande voix".[/i]

Duc de Raguse

Merci pour cette référence. Je ne pensais pas que Péguy fut aussi radical dans ses propos.
Pour autant, peut-on opposer les faits qu'il fut dreyfusard après 1894 et qu'il était partisan du silence de Jaurès, lors de cet été fatal ? En quoi est-ce contradictoire pour vous.

JEAN VALJEAN

Citer :
Merci pour cette référence. Je ne pensais pas que Péguy fut aussi radical dans ses propos.
Pour autant, peut-on opposer les faits qu'il fut dreyfusard après 1894 et qu'il était partisan du silence de Jaurès, lors de cet été fatal ? En quoi est-ce contradictoire pour vous.

Disons que, quand on sait combien les diplomaties allemande et italienne ont soutenu Dreyfus pendant l'Affaire, on se dit que, pour être dreyfusard en 1898, il ne fallait pas penser que tout ce qui était allemand était forcément bon à jeter...

Quand on sait que le dreyfusisme signifiait la critique de l'armée et que les nationalistes reprochaient à cette critique de sacrifier la défense nationale au profit des droits d'un idividu, on est obligé d'admettre que la logique même du dreyfusisme était de placer les droits d'un individu plus haut que le nationalisme, ce qui condamne, en germe, toute guerre non défensive. Et, de ce point de vue là, on peut dire que, en 1914, c'est Jaurès et non Péguy qui va jusqu'au bout de son engagement dreyfusard.

Si vous ajoutez cela le cléricalisme du Péguy de 1914, son militarisme, son refus de toute critique de la politique nationaliste, vous verrez bien qu'il y a des oppositions entre le Péguy de 1914 et celui de 1898.

Duc de Raguse

Citer :
Quand on sait que le dreyfusisme signifiait la critique de l'armée et que les nationalistes reprochaient à cette critique de sacrifier la défense nationale au profit des droits d'un idividu, on est obligé d'admettre que la logique même du dreyfusisme était de placer les droits d'un individu plus haut que le nationalisme, ce qui condamne, en germe, toute guerre non défensive.

Que faites-vous des "nationalistes'' qui ont soutenu Dreyfus dans l'optique de rehausser le prestige de l'armée et de la "laver" d'éléments la déshonorant ?

Narduccio

Citer :
Quand on sait que le dreyfusisme signifiait la critique de l'armée et que les nationalistes reprochaient à cette critique de sacrifier la défense nationale au profit des droits d'un idividu, on est obligé d'admettre que la logique même du dreyfusisme était de placer les droits d'un individu plus haut que le nationalisme, ce qui condamne, en germe, toute guerre non défensive.


Si vous faites bien attention, les "dreyfussards" sont plus "nationalistes" que leurs adversaires, puisque pour eux, la nationalité d'une personne l'emporte sur l'appartenance religieuse ou ethnique. Dreyfuss étant français, il devait être traité comme n'importe quel français et avoir les mêmes droits et devoirs que n'importe quel autre français. Si ça ce n'est pas du nationalisme, je me demande ce qu'il vous faut.

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


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Message Publié : 21 Déc 2010 20:41 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
Message(s) : 2087
quelques communications interessantes

http://www.diffusion.ens.fr/index.php?r ... dconf=1069

_________________
et tout le reste n'est que littérature


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Message Publié : 28 Jan 2011 23:18 
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Hérodote
Hérodote
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Inscription : 21 Jan 2011 21:36
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Message Publié : 02 Fév 2011 11:43 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 17 Mars 2008 11:47
Message(s) : 401
hémicycliste a écrit :


Des émissions datées quand même, enregistrées il y a 45 ans !
La recherche sur le sujet a progressé depuis 1965 avec les travaux de Vincent Duclert, Michel Drouin, Philippe Oriol sans parler de la somme écrite par Jean-Denis Bredin.

La première partie est un récit chronologique comptant plusieurs erreurs, parfois importantes, souvent de détail.
La seconde partie est un retour sur quelques points restés obscurs. C'est une partie intéressante car ces points sont justement peu débattus par l'historiographie contemporaine (comment le bordereau est-il arrivé entre les mains de la des services français ? La dépêche du 2 novembre 1894, etc.)
La dernière partie est la plus contestable évidemment, puisqu'il s'agit pour Guillemin d'exposer sa propre explication des "dessous" de l'affaire Dreyfus. Une hypothèse développée avec plus de conviction que d'arguments. Curieusement reprise récemment dans l'ouvrage best seller de Franck Ferrand paru il y a deux ans.

En somme, c'est à voir surtout pour les incontestables talents de conteur de l'historien.
Pour ce qui concerne la valeur historique, elle est moyenne et doit être absolument complétée par la lecture d'un ou plusieurs ouvrages écrits par les auteurs ci-dessus cités.


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