sélénée a écrit :
Est-ce d'ailleurs une erreur de penser par conséquent que Bismarck était prêt à tout pour unifier l'Allemagne,tant et si bien qu'il a réussi à convaincre dans son sillon des généraux tels que Moltke,qui ont fini par perpétré des horreurs au nom de l'unité allemande (et que Bismarck ,lui, gérait plutôt le coté diplomatique) ?
Oui, c'est une erreur. Il y a un très fort courant pangermaniste à cette époque. Bismarck va se servir de ce courant pour réaliser l'union germanique au profit de son roi. Tout le monde ou presque voulait unifier l'Allemagne à cette époque. C'était aller dans le sens de l'histoire pour pas mal de gens. Mais personne n'était d'accord sur le mode opératoire : Empire ? Union démocratique ? Cogérance des 2 puissances que sont la Prusse et l'Autriche ?
De plus, dans le cas de la France, il y a un très fort ressentiment des populations civiles germaniques face à l'occupation napoléonienne qu'ils ont eu à subir. Puis, à l'époque, faire la guerre pour agrandir son territoire n'est pas perçu comme une horreur. Moltke n'a pas fait plus d'horreurs que n'en a fait Napoléon et ses généraux, ou que n'en ont fait les alliés en France en 1814. A l'époque, un général à pleine autorité sur les terres qu'il est amené à administrer. Lisez l'une de mes premières interventions, c'est le principe de Maertens qui va modifier cela.
Bismarck va accompagner le mouvement pangermaniste et le détourner à son avantage, il va prussifier l'Allemagne a tel point que dans certaines régions d'Allemagne, le terme "prussiens" va désigner pendant longtemps toutes les autorités qui gouvernent au nom de l'Empire Allemand. Et qu'un Bavarois va se sentir fortement insulté si on le traite de prussien.
La force de Bismarck c'est de chaque fois réussir à isoler diplomatiquement sa future proie. Pour diverses raisons, les "grands" n'avaient pas forcement envie de voir un autre état fort apparaitre au cœur de l'Europe. C'est le cas de l'Autriche qui va se retrouver éjectée et balkanisée. Mais, c'est aussi le cas de la Russie, de la France, de l'Angleterre. Or, à chaque fois, Bismarck s'arrange pour que d'autres ne s'immiscent pas dans le jeu.
Par exemple, suite à la guerre Austro-prussienne, il dépose le cousin de la reine Victoria :
Guillaume V de Hanovre, sans que les grandes puissances n'interviennent en sa faveur.
Quant à la
question allemande que Bismarck résout à l'avantage de la Prusse, elle se développe suite à l'occupation de divers états allemands par les troupes françaises de Napoléon. La Prusse apparait très vite comme le moteur de l'unité allemande, et cela bien avant l'arrivée de Bismarck au poste de chancelier, sur ce point, il continue une politique qui est initiée dès 1815 par le roi de Prusse de l'époque. Si vous cherchez un responsable, ce n'est pas Bismarck, il est un brillant outil, mais la politique de regrouper les états allemands autour de la Prusse (et sous l'aile dominatrice de la Prusse) n'est pas de lui. Mais, le roi de Prusse ne veut pas de n'importe quelle Allemagne est c'est ainsi que Frédéric-
Guillaume IV de Prusse va refuser la couronne que lui offrent les députés de la diète de Francfort en 1849. Car il ne veut pas être l'Empereur désigné par le peuple, il ne veut tenir la couronne que par la guerre ou par lui-même :
Citer :
« Cette couronne n’est pas une couronne. La couronne que pourrait prendre un Hohenzollern, ce n’est pas (…) la couronne fabriquée par une assemblée d’un germe révolutionnaire, (…) c’est la couronne qui porte l’empreinte de Dieu, la couronne qui fait souverain par la grâce de Dieu celui qui la reçoit (…) qui associe toujours le dernier oint du Seigneur à l’antique lignée qui le précède. La couronne qu’ont portée les Ottoniens, les Hohenstaufen, les Habsbourg, un Hohenzollern peut la porter, cela va sans dire; elle est pour lui une surabondance d’honneur, un rayonnement de mille années d’éclat. Celle-là au contraire, (…) est déshonorée surabondamment par l’odeur de charogne que lui donne la révolution de 1848, la plus niaise, la plus sotte, la plus stupide. »
— Frédéric-Guillaume IV, Correspondance, cité dans Les Mémoires de l’Europe, Paris, R. Laffont, 1972, t. V, p. 209
Ce sera donc la guerre, 4 guerres pour être précis : la guerre des Duchés (qui se réalise en 2 phases), la guerre Austro-Prussienne et la guerre Franco-Prussienne. Bismarck met son talent au service d'une cause qui existe déjà. Si vous désirez un coupable, c'est plus Frédéric-Guillaume IV qu'il faut incriminer que Bismarck.
Quelque part, on rejoint les propos tenus plus haut par plusieurs intervenants, c'est une mauvaise connaissance de l'histoire de cette période qui pousse à rejeter les fautes sur Bismarck. Bismarck n'est que celui qui permet de mettre un point final à une histoire qui commence au mieux aux alentours de 1815, l'année de sa naissance.