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Message Publié : 06 Fév 2011 15:19 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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On croit souvent que la désignation des membres du orps législatif était dépourvue d'enjeu sous l'empire. Ceci peut expliquer le silence de la plupart des historiens sur le sujet.

Or je ne suis pas certain de la pleine validité de cette analyse pour les raiosns suivantes.

Cambacérès par exemple raconte dans ses mémoires que la charge de président du Sénat pour pourvoir aux places vacantes au Corps législatif ou au tribunat (parmi des candidats élus par les collèges électoraux) était fort pénible du fait des multiples interventions (comme on dit pudiquement) effectués par les appuis desdits candidats (famille, amis). C'est l'indice d'un enjeu (même mineur et situé san sdoute plus sur le plan du prestige que de l'efficacité politique).

On sait par ailleurs que les votes sur les projets de loi avaient lieu à bulletin secret (en fait des boules noires ou blanches) et que les résultats des votes étaient suivis avec soin par l'empereur - la proportion de vote non pouvant atteindre le tiers (code pénal par exemple). On n'était pas au soviet suprême.

En outre Napoléon s'est toujours méfié de cette assemblée, signe qu'il y voyait un danger au moins virtuel.

Enfin, les membres du corps législatif étaient souvent d'anciens députés des assemblées révolutionaires ou de futurs députés de la Restauration - voire les deux. Un exemple trouvé sur le site de l'assemblée nationale : Jérôme de LASCOURS.

député du Gard au Conseil des Cinq-Cents, puis au corps législatif de l'an VIII à 1813, et député à la chambre de 1818 à 1822.
Membre de la Légion d'honneur (4 frimaire au XII), chevalier de l'empire (15 janvier 1809), et baron (17 mai 1810).
Fut également préfet du Lot en 1814 puis de la Vienne en 1815, puis du Gers en 1817, - à nouveau député - puis encore préfet de la Drôme (1828), puis des Ardennes.

Conclusion : qui pourrait me trouver des données précises sur la procédure de sélection des députés sous le consulat et l'empire (au-delà des seuls textes constitutionnels) ?


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Message Publié : 15 Fév 2011 19:44 
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Georges Duby
Georges Duby
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Aigle a écrit :
On croit souvent que la désignation des membres du orps législatif était dépourvue d'enjeu sous l'empire. Ceci peut expliquer le silence de la plupart des historiens sur le sujet.
Or je ne suis pas certain de la pleine validité de cette analyse pour les raiosns suivantes.
Cambacérès par exemple raconte dans ses mémoires que la charge de président du Sénat pour pourvoir aux places vacantes au Corps législatif ou au tribunat (parmi des candidats élus par les collèges électoraux) était fort pénible du fait des multiples interventions (comme on dit pudiquement) effectués par les appuis desdits candidats (famille, amis). C'est l'indice d'un enjeu (même mineur et situé san sdoute plus sur le plan du prestige que de l'efficacité politique).
On sait par ailleurs que les votes sur les projets de loi avaient lieu à bulletin secret (en fait des boules noires ou blanches) et que les résultats des votes étaient suivis avec soin par l'empereur - la proportion de vote non pouvant atteindre le tiers (code pénal par exemple). On n'était pas au soviet suprême.
En outre Napoléon s'est toujours méfié de cette assemblée, signe qu'il y voyait un danger au moins virtuel.
Enfin, les membres du corps législatif étaient souvent d'anciens députés des assemblées révolutionaires ou de futurs députés de la Restauration - voire les deux. Un exemple trouvé sur le site de l'assemblée nationale : Jérôme de LASCOURS.
député du Gard au Conseil des Cinq-Cents, puis au corps législatif de l'an VIII à 1813, et député à la chambre de 1818 à 1822.
Membre de la Légion d'honneur (4 frimaire au XII), chevalier de l'empire (15 janvier 1809), et baron (17 mai 1810).
Fut également préfet du Lot en 1814 puis de la Vienne en 1815, puis du Gers en 1817, - à nouveau député - puis encore préfet de la Drôme (1828), puis des Ardennes.
Conclusion : qui pourrait me trouver des données précises sur la procédure de sélection des députés sous le consulat et l'empire (au-delà des seuls textes constitutionnels) ?
Sous le Consulat an VIII: Bonaparte comme Sieyès, l'inspirateur des textes, sont pour une souveraineté du peuple mais pas au point de lui donner un pouvoir réel. Le peuple élit, au suffrage universel, des délégués dans les listes de confiance communales (par arrondissement), départementales et nationales. Un délégué pour 10 votants. C'est dans ces listes que le Sénat et l'Exécutif choisissent les titulaires de fonctions. Le Sénat choisit les législateurs
En fait son Président, Seyiès, fait élire des révolutionnaires et spécialement ceux qu'on appelle les Brumairiens qui ont soutenu le coup d' Etat du 18 Brumaire. Le 1er Consul controle tout, grâce à un Sieyès résigné et lui donne des noms, en raye d'autres.
Ce système est modifié dans le Sénatus-Consulte du 16 thermidor an X: Le suffrage devient censitaire, des collèges remplacent les listes de confiance aux 3 échelons: collèges d'arrondissement, de département, national.
Préfets, Sous-Préfets et notables établissent en fait la liste des heureux élus des collèges locaux. On ne suit pas les textes. Le Sénat choisit les législateurs mais sur présentation par le 1er Consul de trois noms. Comme Bonaparte désigne directement, sans suivre les textes, la moitié des Sénateurs et suggère les autres, les Sénateurs lui obéissent.
Boanparte est tout puissant, on commence à le désigner comme Napoléon-Bonaparte et non plus le général ou le citoyen Bonaparte. Il veille à tout dans le détail et redoute plus que le corps Législatif qui vote sans discuter, le Tribunat, "sa bête noire", car cette assemblée émet des voeux avec un avis favorable ou défavorable après discussion et Bonaparte ne supporte pas qu'on critique ses propositions et supprimera le Tribunat en 1807.
Les postes sont pourvus sans trop s'occuper des listes et des Collèges, du haut en bas. Un auteur a qualifié les institutions napoléoniennes d' irréelles.
L'Empire est créé par un simple Sénatus Consulte de l'an XII, modifiant les textes constitutionnels précédents du Consulat et approuvé par plébiscite. Les Sénateurs sont toujours élus par le Sénat mais sur présentation de l' Empereur qui prend parmi les Collèges, cependant que l' Empereur nomme directement, pour 1 an, le Président. Le Corps Législatif reçoit la parole et discute des lois. Il est désigné par le Sénat comme le Tribunat.
Ces éléments ont été repris du vieux traité de Prélot sur les institutions.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 02 Mars 2011 8:41 
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Jean Mabillon
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Alain.g a écrit :

Préfets, Sous-Préfets et notables établissent en fait la liste des heureux élus des collèges locaux. On ne suit pas les textes.
.


Merci cher Alain. Justement je suis très intéressé par les "détails" du déroulement de cette procédure. J'en ai lu un seul exemple : les mémoires de Cambacéres qui décrit la réunion du collège electoral de Bordeaux en 1807 (qui aboutit à l'élection de Lainé, riche négociant qui se faisait passer pour un ferveur soutien du régime alors qu'ils se révélera ultra-royaliste sous la restauration !). En connaissez vous d'autres ? aucun érudit local n'a cherché à creuser ces épisodes à mon sens révélateurs de la volonté impériale de s'appuyer sur des notables dont la loyauté se révelera douteuse (comme le montre aussi le cas de Lascours que j'ai cité) ?...


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Message Publié : 02 Mars 2011 21:03 
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Georges Duby
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Je n'ai rien, Aigle, correspondant à ce que vous cherchez. Qu'il y ait beaucoup de candidats se faisant recommander pour être désignés par le Sénat, sur proposition de l'empereur, aux assemblées nationales, ne surprendra pas. Il y a toujours beaucoup de candidats à de hautes fonctions, surtout quand il n'y a pas de véritable élection par les collèges et que tout est arrangé en amont. Tout le monde s'y voit.
Le Préfet fait le tri en fonction d'une stratégie visant à proposer des personnes sures, capables et de sa stratégie pour consolider l'empire dans son département. Le B-A BA du métier. Paris recevait les propositions des préfets et les souhaits des personnalités nationales influentes. Il y avait probablement des parachutages, des noms imposés par l'empereur ....

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Message Publié : 18 Mars 2011 17:29 
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Salluste
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Thierry Lentz évoque le sujet dans son histoire de l'empire (dans le volume thématique sur les institutions me souvient il). Il évoque notamment la campagne électorale d'un ancien préfet qui aspirait à un siège de sénateur je crois (Barante ?). D'une façon plus générale il souligne que les institutions impériales ont correctement fonctionné (à la différence de celle de la Ière République) et ont contribué à acclimater en France les pratiques électorales (au moins parmi les notables) et une forme rudimentaire de l'état de droit.


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Message Publié : 26 Mars 2011 14:55 
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Jean Mabillon
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PhP a écrit :
Thierry Lentz évoque le sujet dans son histoire de l'empire (dans le volume thématique sur les institutions me souvient il). Il évoque notamment la campagne électorale d'un ancien préfet qui aspirait à un siège de sénateur je crois (Barante ?). D'une façon plus générale il souligne que les institutions impériales ont correctement fonctionné (à la différence de celle de la Ière République) et ont contribué à acclimater en France les pratiques électorales (au moins parmi les notables) et une forme rudimentaire de l'état de droit.



merci. On m'a offert les livres de Lentz mais je n'ai pas encore trouvé le temps de lire le tome 3.

La remarque sur la régularité du fonctionnement des institutions et pertinente me semble-t-il et distingue l'Empire des régimes totalitaires du XXè siècle (Staline ou Hitler) qui fonctionnaient sans réelles règles (autres que les orientations arbitraires du chef suprême) comme des expériences de la révolution (par exemple les "journées" révolutionnaires et les "coups d'Etat" du directoire) ou la fin de l'ancien régime (avec les crises permanentes entre la couronne et les parlements par exemple). Napoléon semble avoir été très attaché à ce que son régime apparaisse "normal" et que les institutions fonctionnent conformément à la lettre (mais peut-être pas à l'esprit) des constitutions et des lois. Peut-être était-ce sa culture militaire ?


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Message Publié : 25 Avr 2011 23:57 
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Jean Mabillon
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J'ai trouvé des éléments intéressants dans l'"Histoire du consulat et de l'empire" de J-O Boudon (publié en 2000). il se réfère aux mémoires de Thibaudeau qui aurait décrit en détail les "élections" de 1809 à Marseille. En résumé, on ne voit plus de dimension idéologique affichée mais en revanche d'actives manoeuvres de réseaux (familiaux pour l'essentiel). Plus que le Préfet, c'est le président du collège électoral (nommé par l'Empereur) qui semble influencer les électeurs (ce qui confirme le récit de cambacérès à propos de Bordeaux).


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Message Publié : 14 Mai 2011 8:25 
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Jean Mabillon
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J'ai aussi trouvé ceci : http://ahrf.revues.org/7473

qui publie un article sur "La survivance d’un système électoral sous le Consulat et l’Empire" de Josiane Bourguet-Rouveyre


Résumé de l'auteur : "Il peut paraître paradoxal d’affirmer qu’en matière d’élections et de plébiscites, la période napoléonienne est l’héritière de la Révolution, tant on a souvent opposé le referendum révolutionnaire au plébiscite bonapartien, ou les formes démocratiques de participation à la vie politique sous la première République à la rigidité du système impérial. Pourtant l’étude du système électoral et des consultations populaires, sous le Consulat et l’Empire, montre bien une continuité avec la décennie révolutionnaire : le régime ne fait que codifier et uniformiser des pratiques apparues antérieurement et, comme sous la Révolution, l’assemblée de canton reste la base du système. L’absence de débat et de libertés publiques n’empêche pas la participation électorale ; celle-ci est même élevée dans les assemblées d’arrondissement et de département où se réunissent des notables. Même sous l’Empire, Napoléon a donc eu besoin de conserver des formes de représentation le liant étroitement à la nation, modèles empruntés aussi bien à la monarchie constitutionnelle qu’à la république."

L'article est intéressant mais trop court - et les exemples limités à la Drôme en 1809. Ce département présente un cas intéressant puisqu'on y voit la candidature d'un ministre (Montalivet) pour le sénat (il est désigné à l'unanimité !!!) et une véritable bataille pour le choix des candidats au corps législatif.

Connaissez vous d'autres études locales sur ce thème ?


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Message Publié : 14 Mai 2011 9:27 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Ce qui est peu indiqué généralement, c'est la continuité qui existe en matière constitutionnelle entre Révolution - Consulat - Empire - Restauration.
On retrouve souvent du personnel révolutionnaire qui se maintient jusqu'à l'empire - Napoléon faisant le tri avec attention entre les brumairiens et les autres - mais même jusqu'à la restauration.
Pour les institutions, la Restauration finalement et paradoxalement reprend beaucoup de l'Empire en matière administrative, judiciaire et juridique.
Les institutions de Napoléon sont une base du droit public français mais il les faisait fonctionner à sa manière - désolé Aigle de le redire - tout est vérouillé en amont. Napoléon qui se réclamait de César, pratiquait en fait comme Auguste, il préservait les apparences mais tenait toute la chaine d'un bout à l'autre en laissant croire que la république continuait.
Ce qui est remarquable dans l'empire, c'est qu'il n'y a pas en réalité de vraie constitution de l'empire mais de simples modifications du Consulat. Tout continue comme avant sauf que l'exécutif est maintenant un empereur ( SC an XII ), titre étonnant du SC: " République Française, Napoléon Empereur ", le reste est presqu'inchangé.
La naissance du parlementarisme français est attribuée à la Restauration et pas à l' Empire bien que Bonaparte ait mis en place avec Seyiès un régime comportant plusieurs assemblées mais celui ci est quand même très particulier et peu convaincant. Napoléon tient tout.

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Message Publié : 14 Mai 2011 15:27 
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Salluste
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Comme le fait fort justement Alain G, il faut rappeler que l'Empire est un régime autoritaire qui repose essentiellement sur un seul homme.

Mais comme le dit Aigle, cet homme veillait à ce que son régime respecte des formes et fonctionne à peu près comme les textes le prévoyaient - d'ailleurs les textes ne cachaient pas que l'empereur était le centre du pouvoir et non le corps législatif ! Il laissait aussi une certaine marge de liberté aux notables tant qu'il pensait que cela ne menaçait pas son autorité. A la limite peu importe qui représente la Creuse au corps législatif tant que cette assemblée continue de voter les projets qui lui sont soumis. En cela il est très différent de Staline.

Ce que souligne un historien comme Lentz (ou l'article cité par Aigle) est intéressant : au-delà de l'autoritarisme d'un homme, l'empire ancre dans le paysage institutionnel français un certain nombre de règles ignorées de l'ancien régime et irrégulièrement mises en place par la révolution. Comme le dit Alain G l'empire n'est pas sur ce plan une rupture mais une phase de maturation dans un processus qui (vu dans la longue durée) est une longue transistion entre l'ancien régime (1789) et la IIIè République (1871).

Il est curieux de voir que le système dse collèges électoraux créé en l'an X est à peu près conservé par l'acte additionnel de 1815, par les projets constitutionnels de 1814 et 1815 et seulement réformé par la Restauration. Il fonctionnera en gros jusqu'en 1848.


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Message Publié : 15 Mai 2011 13:29 
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Fustel de Coulanges
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Citer :
Mais comme le dit Aigle, cet homme veillait à ce que son régime respecte des formes et fonctionne à peu près comme les textes le prévoyaient


On peut à ce sujet se souvenir du décret du 9 janvier 1814 sur les centimes additionnels qui se passa du vote du Corps législatif ; Corps législatif qui avait été ajourné quelques jours plus tôt par l'Empereur.
A l'heure de la déchéance, le Sénat saura s'en rappeler :
"[L'Empereur] a déchiré le pacte qui l'unissait au peuple français, notamment en levant des impôts, en établissant des taxes autrement qu'en vertu de la loi, contre la teneur expresse du serment qu'il avait prêté à son avènement au trône, conformément à l'article 53 de l'acte des constitutions du 28 floréal an 12"

_________________
" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


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Message Publié : 15 Mai 2011 19:11 
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Jean Mabillon
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Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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Drouet Cyril a écrit :
Citer :
Mais comme le dit Aigle, cet homme veillait à ce que son régime respecte des formes et fonctionne à peu près comme les textes le prévoyaient


On peut à ce sujet se souvenir du décret du 9 janvier 1814 sur les centimes additionnels qui se passa du vote du Corps législatif ; Corps législatif qui avait été ajourné quelques jours plus tôt par l'Empereur.
A l'heure de la déchéance, le Sénat saura s'en rappeler :
"[L'Empereur] a déchiré le pacte qui l'unissait au peuple français, notamment en levant des impôts, en établissant des taxes autrement qu'en vertu de la loi, contre la teneur expresse du serment qu'il avait prêté à son avènement au trône, conformément à l'article 53 de l'acte des constitutions du 28 floréal an 12"



Effectivement votre observation est juste et montre que le "système" se dérègle à partir de la fin de 1813. mais la façon dont le corps législatif a délibéré pour condamner la politique de Napoléon (après avoir élu une commission composée d'opposants au régime) montre bien que ce parlement soi-disant croupion avait une autonomie réelle.

Cela étant les constitutions impériales ne définissaient pas le domaine de la loi et du décret - de sort que de multiples mesures (notamment restreignant la liberté de la presse et la liberté individuelle) furent prises par décret (en 1810 en particulier) - peut-être n'y avait il pas de majorité au corps législatif pour les voter ?

On notera que les levées de soldats furent toujours soumises au vote (du corps législatif sous le consulat puis du sénat).

cela étant nous nous éloignons du sujet : les "élections" législatives ...


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Message Publié : 15 Mai 2011 20:12 
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Fustel de Coulanges
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Citer :
Effectivement votre observation est juste et montre que le "système" se dérègle à partir de la fin de 1813. mais la façon dont le corps législatif a délibéré pour condamner la politique de Napoléon (après avoir élu une commission composée d'opposants au régime) montre bien que ce parlement soi-disant croupion avait une autonomie réelle.


Voici le rapport qui mit le feu aux poudres :
« Messieurs, la commission extraordinaire que vous avez nommée, en vertu du décret de l'empereur du 20 décembre 1815, vient vous présenter le rapport que vous attendez en ces graves circonstances.
Ce n'est pas à la commission seulement, c'est au corps législatif en entier à exprimer les sentiments qu'inspire la communication ordonnée par Sa Majesté des pièces originales du portefeuille des affaires étrangères.
Cette communication a eu lieu, messieurs, sous la présidence de S.A.S. l'archichancelier de l'empire. Les pièces qu'on a mises sous nos yeux sont au nombre de neuf. Parmi ces pièces se trouvent des notes du ministre de France et du ministre d'Autriche qui remontent aux 18 et 21 août.
On y trouve le discours prononcé par le régent, le 5 novembre, au parlement d'Angleterre ; il y disait :
Il n'est ni dans les intentions de Sa Majesté, ni dans celles des puissances alliées, de demander à la France aucun sacrifice qui puisse être incompatible avec son honneur et ses justes droits.
La négociation actuelle pour la paix commence au 10 novembre dernier; elle s'engagea par l'entremise d'un ministre de France en Allemagne. Témoin d'un entretien entre les ministres d'Autriche, de Russie et d'Angleterre, il fut chargé de rapporter en France des paroles de paix, et de faire connaître les bases générales et sommaires sur lesquelles la paix pouvait se négocier. (1)
Le ministre des relations extérieures, M. le duc de Bassano, a répondu le 16 à cette communication du ministre d'Autriche. Il a déclaré qu'une paix fondée sur la base de l'indépendance générale des nations, tant sur terre que sur mer, était l'objet des désirs de la politique de l'empereur : en conséquence, il proposait la réunion d'un congrès à Manheim. (2)
Le ministre d'Autriche répondit, le 23 novembre, que Leurs Majestés impériales et le roi de Prusse étaient prêts à négocier dès qu'ils auraient la certitude que l'empereur des Français admettait les bases générales et sommaires précédemment communiquées. Les puissances trouvaient que les principes contenus dans la lettre du 16, quoique généralement partagés par tous les gouvernements de l'Europe, ne pouvaient tenir lieu de bases. (3)
Dès le 2 décembre, le ministre des relations extérieures, M. le duc de Vicence, donna la certitude désirée. En rappelant les principes généraux de la lettre du 16, il annonce, avec une vive satisfaction, que Sa Majesté l'empereur a adhéré aux bases proposées ; qu'elles entraîneraient de grands sacrifices de la part de la France, mais qu'elle les ferait sans regret pour donner la paix à l'Europe. (4)
A cette lettre le ministre d'Autriche répondit, le 10 décembre, que Leurs Majestés avaient reconnu avec satisfaction que l'empereur avait adopté des bases essentielles au rétablissement de l'équilibre et de la tranquillité de l'Europe; qu'elles ont voulu que cette pièce fût communiquée sans délai à leurs alliés, et qu'elles ne doutaient pas que les négociations ne pussent s'ouvrir immédiatement après leurs réponses. (5)
C'est à cette dernière pièce que, d'après les communications qui nous ont été faites, s'arrête la négociation : c'est de là qu'il est permis d'espérer qu'elle reprendra son cours naturel, lorsque le retard exigé pour une communication plus éloignée aura cessé. C’est donc sur ces deux pièces que peuvent reposer nos espérances.
Pendant que cette correspondance avait lieu entre les ministres respectifs, on a imprimé dans la Gazette de Francfort, mise sous les yeux de votre commission en vertu de la lettre close de Sa Majeslé, une déclaration des puissances coalisées en date du 1er décembre, où l'on remarque, entre autres choses, le passage suivant : Les souverains alliés désirent que la France soit grande, forte et heureuse, parce que la puissance française grande et forte est une des bases fondamentales de l'édifice social; ils désirent que la France soit heureuse, que le commerce français renaisse, que les arts, les bienfaits de la paix refleurissent, parce qu'un grand peuple ne saurait être tranquille qu'autant qu'il est heureux. Les puissances confirment à l'empire français Une étendue de territoire que n'a jamais connu la France sous ses rois, parce qu'une nation valeureuse ne déchoit pas pour avoir à son tour éprouvé des revers dans une lutte opiniâtre et sanglante, où elle a combattu avec son audace accoutumée. (6)
Il résulte de ces pièces que toutes les puissances belligérantes ont exprimé hautement le désir de la paix.
Vous y avez remarqué surtout que l'empereur a manifesté la résolution de faire de grands sacrifices, qu'il a accédé aux bases- générales et sommaires proposées par les puissances coalisées elles-mêmes.
L'anxiété la plus patriotique n'a pas besoin de connaître encore ces bases générales et sommaires.
Sans chercher à pénétrer le secret des cabinets lorsqu'il est inutile de le connaître pour le but qu'on veut atteindre, ne suffit-il pas de savoir que ces bases ne sont que les conditions désirées pour l'ouverture d'un congrès ? Ne suffit-il pas de remarquer que ces conditions ont été proposées par les puissances coalisées elles-mêmes, et d'être convaincu que Sa Majesté a pleinement adhéré aux bases nécessaires à l'ouverture d'un congrès dans lequel se discutent ensuite tous les droits, tous les intérêts.
Le ministre d'Autriche a d'ailleurs reconnu lui-même que l'empereur avait adopté des bases essentielles au rétablissement de l'équilibre et de la tranquillité de l'Europe ; par conséquent l'adhésion de Sa Majesté à ses bases a été un grand pas vers la pacification du monde.
Tel est, messieurs, le résultat de la communication qui nous a été faite.
D'après les dispositions constitutionnelles, c'est au corps législatif qu'il appartient d'exprimer les sentiments qu'elle fait naître ; car l'article 30 du sénatus-consulte du 28 frimaire an XII porte : « Le corps législatif, toutes les fois que le gouvernement lui aura fait une communication qui aura un autre objet que le vote de la loi, se formera en comité général pour délibérer sa réponse. »
Comme le corps législatif attend de sa commission des réflexions propres à préparer une réponse digne de la nation française et de l'empereur, nous nous permettrons de vous exprimer quelques-uns de nos sentiments.
Le premier est celui de la reconnaissance pour une communication qui appelle en ce moment le corps législatif à prendre connaissance des intérêts politiques de l'état.
On éprouve ensuite un sentiment d'espérance au milieu des désastres de la guerre, en voyant les rois et les nations prononcer à l'envie le nom de la paix.
Les déclarations solennelles et réitérées des puissances belligérantes s'accordent en effet, messieurs, avec le vœu universel de l'Europe pour la paix, avec le vœu si généralement exprimé autour de chacun de nous dans son département, et dont le corps législatif est l'organe naturel.
D'après les bases générales contenues dans les déclarations, les vœux de l'humanité pour une paix honorable et solide sembleraient pouvoir bientôt se réaliser. Elle serait honorable, car, pour les nations comme pour les individus, l'honneur est dans le maintien de ses droits et dans le respect de ceux des autres. Cette paix serait solide, car la véritable garantie de la paix est dans l'intérêt qu'ont toutes les puissances contractantes d'y rester fidèles.
Qui donc peut en retarder les bienfaits? Les puissances coalisées rendent à l'empereur l'éclatant témoignage qu'il a adopté des bases essentielles au rétablissement de l'équilibre et de la tranquillité de l'Europe. Nous avons pour premiers garants de ses desseins pacifiques et cette adversité, véridique conseil des rois, et le besoin des peuples, hautement exprimé, et l'intérêt même de la couronne.
A ces garanties, peut-être croirez-vous utile de supplier sa majesté d'ajouter une garantie plus solennelle encore.
Si les déclarations des puissances étrangères étaient fallacieuses, si elles voulaient nous asservir, si elles méditaient le déchirement du territoire sacré de la France, il faudrait, pour empêcher notre patrie d'être la proie de l'étranger, rendre la guerre nationale. Mais, pour opérer plus sûrement ce beau mouvement qui sauve les empires, n'est-il pas désirable d'unir étroitement et la nation et son monarque ?
C'est un besoin d'imposer silence aux ennemis sur leurs accusations d'agrandissement, de conquête, de prépondérance alarmante. Puisque les puissances coalisées ont cru devoir rassurer les nations par des protestations publiquement proclamées, n'est-il pas digne de sa majesté de les éclairer par des déclarations solennelles sur les desseins de la France et de l'empereur ?
Lorsque ce prince à qui l'histoire a conservé le nom de Grand voulut rendre de l'énergie à ses peuples, il leur révéla tout ce qu'il avait fait pour la paix, et tes hautes confidences ne furent pas sans effet.
Afin d'empêcher les puissances coalisées d'accuser la France et l'empereur de vouloir conserver un territoire trop étendu, dont elles semblent craindre la prépondérance, n'y aurait-il pas une véritable grandeur à les désabuser par une déclaration formelle ?
Il ne nous appartient pas sans doute d'inspirer les paroles qui retentiraient dans l'univers ; mais, pour que cette déclaration eût une influence utile sur les puissances étrangères, pour qu"elle fit sur la France l'impression espérée, ne serait-il pas à désirer qu'elle proclamât à l'Europe et à la France la promesse de ne continuer la guerre que pour l'indépendance du peuple français et l'intégrité de son territoire ? Celte déclaration n'aurait-elle pas dans l'Europe une irrécusable autorité?
Lorsque sa majesté aurait ainsi, en son nom et en celui de la France, répondu à la déclaration des alliés, on verrait d'une part des puissances qui protestent qu'elles ne veulent pas s'approprier un territoire par elles reconnu nécessaire à l'équilibre de l'Europe, et de l'autre un monarque qui se déclarerait animé de la seule volonté de défendre ce même territoire.
Que si l'empire français restait seul fidèle à ces principes libéraux que les chefs des nations de l'Europe auraient pourtant tous proclamés, la France alors forcée par l'obstination de ses ennemis à une guerre de nation et d'indépendance, à une guerre reconnue juste et nécessaire, saurait déployer, pour le maintien de ses droits, l'énergie, l'union et la persévérance dont elle a déjà donné d'assez éclatants exemples. Unanime dans son vœu pour obtenir la paix, elle le sera dans ses efforts pour la conquérir, et elle montrera encore au monde qu'une grande nation peut tout ce qu'elle veut lorsqu'elle ne veut que ce qu'exigent son honneur et ses justes droits.
La déclaration que nous osons espérer captiverait l'attention des puissances, qui rendent hommage à la valeur française ; mais ce n'est pas assez pour ranimer le peuple lui-même, et le mettre en état de défense.
C'est, d'après les lois, au gouvernement à proposer les moyens qu'il croira les plus prompts et les plus sûrs pour repousser l'ennemi, et asseoir la paix sur des bases durables. Ces moyens seront efficaces si les Français sont persuadés que le gouvernement n'aspire plus qu'à la gloire de la paix ; ils le seront si les Français sont convaincus que leur sang ne sera versé que pour défendre une patrie et des lois protectrices. Mais ces mots consolateurs de paix et de patrie retentiraient en vain, si l'on ne garantit les institutions qui promettent lès bienfaits de l'une et de l'autre.
Il parait donc indispensable à votre commission qu'en même temps que le gouvernement proposera les mesures les plus promptes pour la sûreté de l'état, sa majesté soit suppliée de maintenir l'entière et constante exécution des lois qui garantissent aux Français les droits de la liberté, de la sûreté, de la propriété, et à la nation le libre exercice de ses droits politiques.
Cette garantie a paru à votre commission le plus efficace moyen de rendre aux Français l'énergie nécessaire à leur propre défense.
Ces idées ont été suggérées à votre commission par le désir et le besoin de lier intimement le trône et la nation, afin de réunir leurs efforts contre l'anarchie, l'arbitraire et les ennemis de notre patrie.
Votre commission a dû se borner à vous présenter ces réflexions, qui lui ont paru propres à préparer la réponse que les constitutions vous appellent à faire.
Comment la manifesterez-vous?
La disposition constitutionnelle en détermine le mode. C'est en délibérant votre réponse en comité général ; et puisque le corps législatif est appelé tous les ans à présenter une adresse à l'empereur, vous croirez peut-être convenable d'exprimer par cette voie votre réponse à là communication qui vous a été faite. Si la première pensée de sa majesté, en de grandes circonstances, a été d'appeler autour du trône les députés de la nation, leur premier devoir n'est-il pas de répondre dignement à cette convocation, en portant au monarque la vérité et le vœu des peuples pour la paix ? »



La colère de l’Empereur n’allait pas tarder à gronder…



(1) Le rapporteur de la commission fait ici référence à la note de Saint-Aignan, rédigée par ce dernier suite à son entretien du 9 novembre avec Metternich, Nesselrode, Schwarzemberg et Aberdeen :
« M. le comte de Metternich m'a dit que la circonstance qui l'avait amené au quartier général de l'empereur d'Autriche, pouvait rendre convenable de le charger de porter à S. M. l'empereur la réponse aux propositions qu'elle avait fait faire par M. le comte de Meerfeldt ; qu'en conséquence M. le comte de Metternich et M. le comte de Nesselrode lui ont demandé de rapporter à S. M. : Que les puissances coalisées étaient engagées par des liens indissolubles qui faisaient leur force, et dont elles ne dévieraient jamais; que les engagements réciproques qu'elles avaient contractés leur avaient fait prendre la résolution de ne faire qu'une paix générale ; que, lors du congrès de Prague, on avait pu penser à une paix continentale, parce que les circonstances n'auraient pas donné le temps de s'entendre pour traiter autrement, mais que depuis les intentions de toutes les puissances et celles de l'Angleterre étaient connues: qu'ainsi il était inutile de penser, soit à un armistice, soit à une négociation qui n'eût pas pour premier principe une paix générale; que les souverains coalisés étaient unanimement d'accord sur la puissance et la prépondérance que la France devait conserver dans son intégrité, et en se renfermant dans ses limites naturelles qui étaient le Rhin, les Alpes et les Pyrénées ; que le principe de l'indépendance de l'Allemagne était une condition sine qua non; qu'ainsi la France devait renoncer, non pas à l'influence que tout grand État exerce nécessairement sur un État de force inférieure, mais à toute souveraineté sur l'Allemagne ; que d'ailleurs c'était un principe que S. M. avait posé elle-même, en disant qu'il était convenable que les grandes puissances fussent séparées par des États plus faibles; que, du côté des Pyrénées, l'indépendance de l'Espagne et le rétablissement de l'ancienne dynastie étaient également une condition sine qua non ; qu'en Italie, l'Autriche devait avoir une frontière qui serait un objet de négociations ; que le Piémont offrait plusieurs lignes que l'on pourrait discuter, ainsi que l'état de l'Italie, pourvu toutefois qu'elle fût, comme l'Allemagne, gouvernée d'une manière indépendante de la France ou de toute autre puissance prépondérante ; que de même l'état de la Hollande serait un objet de négociation, en partant toujours du principe qu'elle devait être indépendante ; que l'Angleterre était prête à faire les plus grands sacrifices pour la paix fondée sur ces bases, et à reconnaître la liberté du commerce et de la navigation à laquelle la France avait droit de prétendre; que si ces principes d'une pacification générale étaient agrées par S. M., on pourrait neutraliser sur la rive droite du Rhin tel lieu qu'on jugerait convenable, où les plénipotentiaires de toutes les puissances belligérantes se rendraient sur-le-champ, sans cependant que les négociations suspendissent le cours des opérations militaires. »
(2) Voici la lettre de Maret (16 novembre) :
« M. le baron de Saint-Aignan est arrivé hier, lundi, et nous a rapporté, d'après les communications qui lui ont été faites par V. E., que l'Angleterre a adhéré à la proposition de l'ouverture d'un congrès pour la paix générale, et que les puissances sont disposées à neutraliser, sur la rive droite du Rhin, une ville pour la réunion des plénipotentiaires. S. M. désire que cette ville soit celle de Manheim. M. le duc de Vicence, qu'elle a désigné pour son plénipotentiaire, s'y rendra aussitôt que V. E. m'aura fait connaître le jour que les puissances auront indiqué pour l'ouverture du congrès.
Il nous paraît convenable, monsieur, et conforme d'ailleurs à l'usage, qu'il n'y ait aucune troupe à Manheim, et que le service soit fait par la bourgeoisie, en même temps que la police y serait confiée à un bailli, nommé par le grand-duc de Bade. Si l'on jugeait à propos qu'il y eût des piquets de cavalerie, leur force devrait être égale de part et d'autre. Quant aux communications du plénipotentiaire anglais avec son gouvernement, elles pourraient avoir lieu par la France et par Calais.
Une paix sur la base de l'indépendance de toutes les nations, tant sous le point de vue continental que sous le point de vue maritime, a été l'objet constant des désirs et de la politique de l'empereur.
S. M. conçoit un heureux augure du rapport qu'a fait M. de St.-Aignan, de ce qui a été dit par M. le ministre d'Angleterre. »


(3) La lettre de Mettrenich (25 novembre) :
« Le courrier que V. E. a expédié de Paris le 16 novembre, est arrivé ici hier. Je me suis empressé de soumettre à LL. MM. II. et à S. M. le roi de Prusse la lettre qu'elle m'a fait l'honneur de m'adresser. LL. MM. ont vu avec satisfaction que l'entretien confidentiel avec M. de Saint-Aignan a été regardé, par S. M. l'empereur des Français, comme une preuve des intentions pacifiques des hautes puissances alliées; animées d'un même esprit, invariables dans leur point de vue, et indissolubles dans leur alliance , elles sont prêtes à entrer en négociation, dès qu'elles auront la certitude que S. M. l'empereur des Français admet les bases générales et sommaires que j'ai indiquées dans mon entretien avec le baron de Saint-Aignan. Dans la lettre de V. E. cependant il n'est fait aucune mention de ces bases. Elle se borne à exprimer un principe partagé par tous les gouvernements de l'Europe, et que tous placent dans la première ligne de leurs vœux. Ce principe toutefois ne saurait, vu sa généralité, remplacer des bases. LL. MM. désirent que S. M. l'empereur Napoléon veuille s'expliquer sur ces dernières, comme seul moyen d'éviter que, dès l'ouverture des négociations, d'insurmontables difficultés n'en entravent la marche. Le choix de la ville de Manheim semble ne pas présenter d'obstacle aux alliés, sa neutralisation et les mesures de police, entièrement conformes aux usages, que propose V. E. ne sauraient en offrir dans aucun cas. »

(4) La lettre de Caulaincourt (2 décembre):
« J'ai mis sous les yeux de S. M. la lettre que V. E. adressait, le 25 Novembre, à M. le duc de Bassano.
En admettant sans restriction, comme base de la paix, l’indépendance de toutes les nations, tant sous le rapport territorial que sous le rapport maritime, la France a admis en principe ce que les alliés paraissent désirer ; S. M. a pour cela même admis toutes les conséquences de ce principe, dont le résultat final doit être une paix fondée sur l'équilibre de l'Europe, sur la reconnaissance de l'intégrité de toutes les nations dans leurs limites naturelles, et sur la reconnaissance de l'indépendance absolue de tous les états, tellement qu'aucun ne puisse s'arroger sur un autre quelconque, ni suzeraineté, ni suprématie, sous quelque forme que ce soit ni sur terre ni sur mer.
Toutefois c'est avec une vive satisfaction que j'annonce à V. E. que je suis autorisé par l'empereur, mon auguste maître, à déclarer que S. M. adhère aux bases générales et sommaires qui ont été communiquées par M. de St-Aignan : elles entraîneront de grands sacrifices de la part de la France mais S. M. les fera sans regret, si, par des sacrifices semblables, l'Angleterre donne les moyens d'arriver à une paix générale et honorable pour tous, que V. Exe. assure être le vœu, non seulement des puissances du continent, mais aussi de l'Angleterre. »

(5) La lettre de Metternich (10 décembre) :
« Monsieur le duc, l'office que Votre Excellence m'a fait l'honneur de m'adresser le 2 décembre m'est parvenu de Cassel, par nos avant-postes. Je n'ai pas différé de le soumettre à Leurs Majestés. Elles y ont reconnu avec satisfaction que S. M. l'empereur des Français avait adopté des bases essentielles au rétablissement d'un état d'équilibre et à la tranquillité future de l'Europe. Elles ont voulu que cette pièce fût portée sans délai à la connaissance de leurs Alliés. LL. MM. Impériales et Royales ne doutent point qu'immédiatement après la réception des réponses, les négociations ne puissent s'ouvrir.
Nous nous empresserons d'avoir l'honneur d'en informer Votre Excellence, et de concerter alors avec elle les arrangements qui nous paraîtront les plus propres à atteindre le but que nous nous proposons. »


(6) La déclaration de Francfort :
« Le gouvernement français vient d'arrêter une nouvelle levée de 300,000 conscrits. Les motifs du sénatus consulte renferment une provocation aux puissances alliées. Elles se trouvent appelées à promulguer de nouveau à la face du monde, les vues qui les guident dans la présente guerre, les principes qui font la base de leur conduite, leurs vœux et leurs déterminations.
Les puissances alliées ne font point la guerre à la France, mais à cette prépondérance hautement annoncée, à cette prépondérance que, pour le malheur de l'Europe et de la France, l'empereur Napoléon a trop longtemps exercée hors des limites de son empire.
La victoire a conduit les armées alliées sur le Rhin. Le premier usage que LL. MM. II. et RR. en ont fait, a été d'offrir la paix à S. M. l'empereur des Français. Une attitude renforcée par l'accession de tous les souverains et princes d'Allemagne, n'a pas eu d'influence sur les conditions de la paix. Ces conditions sont fondées sur l'indépendance de l'empire français, comme sur l'indépendance des autres états de l'Europe. Les vues des puissances sont justes dans leur objet, généreuses et libérales dans leur application, rassurantes pour tous, honorables pour chacun.
Les souverains alliés désirent que la France soit grande, forte et heureuse, parce que la puissance française, grande et forte, est une des bases fondamentales de l'édifice social. Ils désirent que la France soit heureuse, que le commerce français renaisse, que les arts, ces bienfaits de la paix, refleurissent, parce qu'un grand peuple ne saurait être tranquille qu'autant qu'il est heureux. Les puissances confirment à l'empire français une étendue de territoire que n'a jamais connue la France sous ses rois, parce qu'une nation valeureuse ne déchoit pas pour avoir, à son tour, éprouvé des revers dans une lutte opiniâtre et sanglante où elle a combattu avec son audace accoutumée.
Mais les puissances aussi veulent être libres, heureuses et tranquilles. Elles veulent un état de paix qui, par une sage répartition des forces, par un juste équilibre, préserve désormais les peuples des calamités sans nombre qui, depuis vingt ans, ont pesé sur l'Europe.
Les puissances alliées ne poseront pas les armes sans avoir atteint ce grand et bienfaisant résultat, ce noble objet de leurs efforts. Elles ne poseront pas les armes avant que l'état politique de l’Europe ne soit de nouveau raffermi, avant que des principes immuables n'aient repris leurs droits sur de vaines prétentions avant que la sainteté des traités n'ait enfin assuré une paix véritable à l'Europe. »





Citer :
Cela étant les constitutions impériales ne définissaient pas le domaine de la loi et du décret


Les sénateurs, lors de la déchéance, firent référence à l'article 53 de l'acte des constitutions du 28 floréal an 12, ainsi formulé :
« Le serment de l'Empereur est ainsi conçu : - " Je jure de maintenir l'intégrité du territoire de la République, de respecter et de faire respecter les lois du concordat et la liberté des cultes ; de respecter et faire respecter l'égalité des droits, la liberté politique et civile, l'irrévocabilité des ventes des biens nationaux ; de ne lever aucun impôt, de n'établir aucune taxe qu'en vertu de la loi ; de maintenir l'institution de la Légion d'honneur ; de gouverner dans la seule vue de l'intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français. " »

On peut à ce sujet rappeler le sénatus-consulte du 19 août 1807 :
« Art. 1. A l'avenir, et à compter de la fin de la session qui va s'ouvrir, la discussion préalable des lois qui est faite par les sections du Tribunat, le sera, pendant la durée de chaque session, par trois commissions du corps législatif, sous le titre :
- La première, de commission de législation civile et criminelle ;
- La deuxième, de commission d'administration intérieure ;
- La troisième, de commission des finances.
Art. 2. Chacune de ces commissions délibérera séparément et sans assistants ; elle sera composée de sept membres nommés par le corps législatif, au scrutin secret, et à la majorité absolue des voix. Le président sera nommé par l'empereur, soit parmi les membres de la commission, soit parmi les autres membres du corps législatif.
Art. 3. La forme du scrutin sera dirigée de manière qu'il y ait, autant qu'il sera possible, quatre jurisconsultes dans la commission de législation.
Art. 4. En cas de discordance d'opinions entre la section du conseil d'État qui aura rédigé le projet de loi et la commission compétente du corps législatif, l'une et l'autre se réuniront en conférences, sous la présidence de l'archichancelier de l'empire ou de l'architrésorier, suivant la nature des objets à examiner.
Art. 5. Si les conseillers d'État et les membres de la commission du corps législatif sont du même avis, le président de la commission sera entendu après que l'orateur du conseil d'État aura exposé devant le corps législatif les motifs de la loi.
Art. 6. Lorsque la commission se décidera contre le projet de loi, tous les membres de la commission auront la faculté d'exposer, devant le corps législatif, les motifs de leur opinion.
Art. 7. Les membres de la commission qui auront discuté un projet de loi seront admis, comme les autres membres du corps législatif, à voter sur le projet.
Art. 8. Lorsque les circonstances donneront lieu à l'examen de quelque projet d'une importance particulière, il sera loisible a l'empereur, d'appeler, dans l'intervalle de deux sessions, les membres du corps législatif nécessaires pour former les commissions, lesquelles procéderont de suite à la discussion préalable du projet ; ces commissions se trouveront nommées pour la session prochaine. »

_________________
" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


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Message Publié : 16 Mai 2011 17:14 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
Message(s) : 2683
Drouet Cyril a écrit :
Citer :
Effectivement votre observation est juste et montre que le "système" se dérègle à partir de la fin de 1813. mais la façon dont le corps législatif a délibéré pour condamner la politique de Napoléon (après avoir élu une commission composée d'opposants au régime) montre bien que ce parlement soi-disant croupion avait une autonomie réelle.


La colère de l’Empereur n’allait pas tarder à gronder…

]


Ces documents sont parlants et appellent plusieurs commentaires : qu'il est plus facile d'être courageux en décembre 1813 qu'en mai 1812 !!!- et que le corps législatif n'était pas composé de "godillots" aux ordres des Tuileries mais de notables ayant une capacité d'analyse personnelle (et une aptitude certaine au retournement de veste) ! On peut ajouter que le remplacement progressif des législateurs issus de la Révolution (et soupçonnés de républicanisme) par des notables fortunés (voire nobles) a contribué contre toute attente à mettre des royalistes à des postes clefs ... Voyez plus haut l'élection de Lainé à Bordeaux !

A propos de " la colère de l'empereur" on peut aussi se rapporter à l'exemple italien : quand le corps législatif de Milan a refusé de voter conformément aux instructions reçues de Paris (juillet 1805), il a été suspendu et le royaume régi par des décrets ... C'est ce qui fit l'empereur à Paris le 31 décembre 1813 et c'est sans doute ce qu'il aurait fait auparavant si le corps législatif s'était rebellé plus tôt. A noter qu'aucune sanction ne fut prise contre les députés concernés (pas d'embastillement en particulier).


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Message Publié : 16 Mai 2011 18:34 
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Georges Duby
Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
Message(s) : 7445
Localisation : Montrouge
Aigle a écrit :
On croit souvent que la désignation des membres du corps législatif était dépourvue d'enjeu sous l'empire. Ceci peut expliquer le silence de la plupart des historiens sur le sujet.
Conclusion : qui pourrait me trouver des données précises sur la procédure de sélection des députés sous le consulat et l'empire (au-delà des seuls textes constitutionnels) ?
S'il y a silence des historiens classiques, par contre il n'y a pas silence des constitutionalistes, qui citent le mode d'élection des législateurs ( 300 ) sous le consulat et l'empire.
Sur trois ouvrages, le plus précis sur le sujet précise que collèges d'arrondissements (plusieurs) et de département n'élisent personne mais présentent chacun au choix supérieur deux candidats par siège au corps législatif ( article 32 du SC de l'an X ). Il doit y avoir au moins 1 législateur de désigné par département. A partir de chaque liste par département, le Sénat désigne les membres du corps législatif.Pour le Tribunat ( 100 membres ), les collèges d'arrondissement présentent chacun deux noms parmi lesquels le Sénat choisit
Il faut savoir que les membres du Sénat ( 80 membres ) sont cooptés par cette haute assemblée mais en prenant pour les postes vacants, un nom sur trois noms présentés par ... le 1er consul. Celui-ci a comme base de sa présentation les propositions, au double, des collèges départementaux.
Le président du Sénat comme des autres assemblées est nommé par l'empereur. En 1804, le SC prévoit la présence d'office au Sénat de dignitaires et de membres de la famille impériale. Le Sénat clé de voute du système constitutionnel est donc entèrement sous contrôle.
Les professeurs de droit constitutionnel qualifient les assemblées de l'époque de " sans importance ", " étiolées " avec un Sénat " domestiqué ", une " illusion électorale " ...
On doit pour comprendre le système napoléonien bien savoir que son point de vue autoritaire est partagé par de nombreux républicains du temps traumatisés par l'évolution de la Révolution vers la Terreur d'une assemblée élue unique, les excès populaires, et après Thermidor les menaces incessantes de déstabilisation du régime à cause de l'abaissement délibéré de l'éxécutif, le Directoire et ses ministres.
Le balancier est donc revenu vers un éxécutif fort, réclamé par la classe politique et encore plus par l'opinion lassée des aléas de la révolution.
Sieyès, le grand inspirateur respecté et prestigieux, l'éminence grise, considéré comme un oracle, des constitutions de la Révolution, ne voulait plus d'un pouvoir populaire et sa formule est bien connue: " L' autorité doit venir d'en haut et la confiance d'en bas." C'est lui qui invente la présentation sur des listes de confiance.
Pour Napoléon, la souveraineté populaire est le fondement de la République et c'est lui seul qui l'incarne à cette époque. Il attend des constituants qu'ils expriment l'idée que la nation confie le pouvoir qui est le sien à un chef de son choix. C'est le choix de l'homme qui importe et cet homme agit au nom du peuple pensait-il.
Enfin, les membres des collèges sont élus à vie parmi les contribuables les plus fortunés ( cens élevé ) et leur président nommé pour chaque session par le 1er consul, puis l'empereur, lequel peut ajouter aux membres élus des membres de son choix. Ces collèges font des propositions comportant au moins le double de candidats présectionnés, souvent bien plus quand les collèges d'arrondissement proposent.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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