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Je suis actuellement sur le livre de Bled : Bismarck, de la Prusse à l'Allemagne ; au moment où Bismarck (B.) estime que cette union ne verra le jour qu'à travers un conflit fédérateur des micro-états et des royaumes. La France lui offre l'occasion sur un plateau. Cependant le chancelier souhaite un conflit court afin de ne pas embraser l'Europe. Il existe déjà des frictions entre les militaires (Moltke) et le chancelier dans l'optique d'un conflit (c'est ainsi que je le comprends mais je puis faire erreur car le militaire et le politique sont imbriqués).
"Les Français ne sont pas aussi exemplaires qu'on a coutume de le dire. Comme nation, ils ressemblent à certaines gens de nos classes inférieures. Ils sont étroits d'esprit et brutaux, forts physiquement, fanfarons, impudents et, par leur comportement arrogants et violents, ils s'attirent l'admiration de ceux qui leur ressemblent. (à M. Busch)
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La France est une nation de pantins....
[Les Français ne pensent ni n'agissent en individus, mais comme une masse (Bled)
"Ils ressemblent à trente millions de nègres serviles"]Le but est atteint, c'est le conflit. B. veut toujours sa guerre courte. Sedan, l'Empereur fait prisonnier, le régime renversé à Paris : bientôt le traité. La France continue de se battre et B. doit gérer ce problème inattendu. Il durcit le conflit pendant que des tensions se font de plus en plus sentir avec les militaires. B. envisage même de jouer la carte bonapartiste contre le régime républicain si l'empereur se montre servile. Raté.
La longueur du conflit s'annonçant, B. doit aussi faire avec les militaires. Il ne lésine plus -pour gain de temps- à durcir les conditions : fermeté contre les francs-tireurs, plus de prisonniers, on pend, on brûle et les soldats africains sont les premiers à faire partie de ce durcissement.
Bled :
[La décision d'inscrire l'annexion de l'Alsace et d'une partie de la Lorraine dans les buts de guerre de la Prusse est prise dès les derniers jours de Juillet.
Une vigoureuse campagne de presse est ... lancée. Faut-il en déduire que B. est l'instigateur d'une revendication qu'il aurait créé de toutes pièces ? (pas de réponse de
Bled)
Il n'est certes pas indifférent que Moltke ait, dès 1859, formulé le voeu que la Prusse reçût "Les vieilles provinces allemandes de Lorraine et d'Alsace" pour prix de son intervention dans une guerre contre la France aux côtés de l'Autriche.]Ceci est en 1859 et depuis beaucoup de choses se sont produites.
Il n'est pas indifférent ne veut pas dire qu'il cautionne et est sur la même ligne. Comment savoir qu'
il n'est pas indifférent ? Des échanges écrits ? Des paroles engageantes ?
Bled ne cite rien. De plus jusqu'au conflit prusso-français, cette vision d'agrandissement ne fait pas l'unanimité, loin de là. Ceci apparait au début du conflit sur des bases
"historiques et ethniques". Trestschke :
"Ces pays sont nôtres par le droit de l'épée, mais nous entendons en disposer en vertu d'un droit supérieur, le droit de la nation allemande, qui ne peut autoriser des fils perdus à se soustraire pour toujours à l'Empire allemand. Nous autres Allemands, puisque nous connaissons la France et l'Allemagne, savons mieux ce qui est bon pour les Alsaciens que ces malheureux. Contre leur propre volonté, nous entendons les rendre à leur véritable identité. L'esprit d'un peuple n'embrasse pas seulement la génération présente, mais aussi les générations passées. Nous invoquons la volonté des morts contre la volonté des vivants."B. avance que l'A-L rendrait
"... plus difficiles les prochaines agressions françaises sur la frontière de l'Allemagne du Sud jusqu'à présent sans défense, de manière à repousser les attaques françaises de plusieurs jours de marche ... Les territoires retirées à la France devront rester propriété de toute l'Allemagne. Ainsi pourra s'établir naturellement une relation plus éroite entre le Nord et le Sud."C'est Thiers qui est mandaté pour Versailles,
Bled :
[Si le sort de l'Alsace est scellé, il (Thiers)
veut croire en la possibilité de sauver Metz ... Mais il (Bismarck)
hésite cette fois à affronter les militaires : "Les militaires ne veulent pas perdre Metz et peut-être ont-ils raison"]
Et il me semble que tout à coup, B. soit l'unique porteur du fardeau :
[... les limites de l'unité. A l'Ouest, elle inclut, par le droit de la conquête, l'Alsace et une partie de la Lorraine. Cette annexion va développer des conséquences dont B. n'avait sans doute pas prévu l'ampleur ... il n'a pas appliqué à la France la retenue qu'il avait montré en 1866 vis à vis de l'Autriche ...Mais la France n'est pas l'Autriche et une Autriche humiliée ne pouvait que se montrer à plus ou moins long terme un problème récurrent. Il a fallu que B. bataille afin que son roi n'impose pas une paix humiliante aux Habsbourg et ce fut rude (je reprends l'auteur). Nous n'avons pas la pensée de Guillaume Ier sur l'annexion des territoires, est-il du côté des militaires ? Comment B. pouvait-il autrement que par analogie anticiper les conflits à venir ?
[A ceux qui l'avait alerté contre ce danger, B. rétorquait que même sans cette annexion, la France ne pardonnerait jamais aux Allemands de l'avoir vaincue...Bled n'apporte aucun échange, aucune pièce.
[... dès lors, la possession de l'A-L protégerait l'Allemagne contre cet inévitable appétit de revanche. B. a vraisemblablement fini par admettre qu'il avait commis une faute. Sinon comment expliquer qu'il soit resté muet sur cette question dans ses "Mémoires" ?]Pour la 1ère phrase, ceci a été évoqué par B. lui-même. Pour la 2nde phrase, sur quoi se base Bled ? Sur le fait que rien n'ait été noté ? Cependant B. a reconnu des erreurs, révisé son jugement, pris d'autres chemins parfois même si le but était toujours le même. En quoi ce mutisme est-il une preuve de regret, une erreur reconnue ou est-ce Bled qui conclut ? La dernière phrase est une interrogation dont il donne la réponse dans la phrase précédente ?
Je viens de lire votre post.
Voici ce qui est écrit dans le livre concernant l'échange avec Favre :
[... une première rencontre entre Bismarck et Jules Favre, le ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Défense nationale, tenue les 20 et 21 septembre à Ferrières, se soldent par un échec.
"Pas un pouce de notre sol, pas une pierre de nos forteresses" oppose Jules Favre aux exigences de Bismarck. Lorsque les négociations reprennent, cette fois entre B. et Thiers, ... leurs positions ne se sont pas rapprochées. Si Bazaine a, entre temps, capitulé dans Metz, le gouvernement de Défense nationale peut encore espérer que le salut viendra des armées levées par Gambetta.]J'ai trouvé ceci :
[Libre à lui ! Qu'il assume cette responsabilité devant le monde et devant l'Histoire !
Si c'est un défi, nous l'acceptons. Nous n'accepterons etc. Une paix honteuse serait une guerre d'extermination à courte échéance.
Nous ne traiterons que pour une paix durable. Ici notre intérêt est celui de l'Europe entière et nous avons lieu d'espérer que, dégagée de toute préoccupation dynastique, la question se posera ainsi dans les chancelleries. Mais fussions-nous seuls, nous ne faiblirons pas ! Nous avons une armée résolue, des forts bien pourvus, une enceinte bien établie mais surtout les poitrines de trois cent mille combattants décidés à tenir jusqu'au dernier ... Paris peut tenir trois mois et vaincre, s'il succombait la France debout à son appel le vengerait ; elle continuerait la lutte et l'agresseur y périrait ... 6 septembre 1870. Jules Favre.]
Nulle part dans le livre de
Bled est énoncé que le conflit est un conflit contre le régime impérial.
Je n'avance pas que B. ait eu la main forcée mais il semblerait qu'il ait dû composer avec les militaires.
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