Tietie006 a écrit :
1°) Je ne critique pas leur engagement politique, je critique le fait qu'ils usent et abusent d'une lecture politique des événements historiques ... nuance !
2°) De plus, le fait qu'ALR soit au PRCF, scission du PCF, tendance orthodoxe, n'est pas anodin ...il n'y a que vous pour faire semblant que militer dans un tel parti n'engage rien au niveau de la méthode historique ... D'ailleurs, relisez la préface d'Annie Lacroix-Riz, et vous trouverez ce témoignage, pris dans les archives, dans les années 40, d'un émetteur anonyme :
« Les français n'ont pas été battus: ils ont été trahis […] par la haut patronat, par peur du socialisme et notamment sa forme ultime, le communisme. Toute la politique mondiale depuis 1917, s'explique par la lutte entre le grand capitalisme international et le socialisme. Le haut patronat international a sa capitale, tantôt dans un pays, tantôt dans un autre. Naguère c'était Londres, c'est aujourd'hui New-York. Les Etats sont, pour lui, de simples instruments de gestion. Il est au-dessus de nos Patries. Sa Patrie à lui, ce sont les matières premières: l'or, le fer, cuivre, le charbon, le pétrole, etc . Il est contre Moscou, parce que Moscou lui a fermé l'accès des matières premières de l'URSS, et gère celles-ci sans patrons, avec de simples fonctionnaires. Pour cette raison, le haut patronat mondial veut abattre le communisme russe par la guerre, il lui fallait l'armée allemande pour battre l'armée russe. Il lui fallait la défaite de la France pour que l'armée allemande ait les mains libres en Russie. Il a organisé la défaite truquée de la France […]
[…] L'Etat d'aujourd'hui n'est rien devant les trusts. Ni l'Etat de Lebrun, de Daladier, de Paul Reynaud, ni l'Etat de Pétain ni de Laval, ni ceux de Mussolini, d'Hitler ou de Roosevelt.[...]"
On a donc, dès la préface du livre d'ALR, le cadre dans lequel l'historienne va oeuvrer, prouver la culpabilité du grand capital dans la défaite française et plus largement dans la guerre mondiale, thèse qui colle parfaitement aux analyses de son Parti. Et l'historienne, évidemment, ne choisira que les témoignages allant dans son sens, écartant les autres ...Mais je me dis qu'elle ne devait pas avoir grand chose sous la dent pour avoir recours, dès le début, à un article d'un ultra-collabo ...y'a mieux comme source.
Aussi, commencer un livre d'histoire de la sorte, est déjà un gage de lecture partisane qui ne sied guère à un travail d'historien ...Je vois mal Braudel, Paul Veyne ou les autres commençer leur bouquin avec un pamphlet politique qui s'appuie sur le discours d'un anonyme ...le fait qu'elle est trouvée ce document dans les archives ne vaut pas, mécaniquement, un gage de qualité !
3°) Enfin, l'analyse minutieuse de certains chapitres, montrent qu'ALR prend quelques libertés avec la méthode historique, ou se livre à des analyses stupéfiantes ...comme, par exemple, prendre pour argent comptant les aveux des accusés des procès de Moscou ...Sans parler de son délire sur les synarques qui sombre dans le ridicule et dans la littérature conspirationniste de bas-étage, que ne renierait pas une certaine extrême-droite ! Pourquoi pas s'appuyer sur "Mein Kampf" pour mettre à jour le complot juif ?
1-bien sûr que vous critiquez leur engagement... si ils ne clamaient pas haut et fort leur appartenance à la gauche, vous ne vous seriez jamais permis de tels commentaires... Que vous vous prétendiez apolitique ne fait pas de votre vision des choses une vision apolitique... nuance (!).
2-Le fait que vous reprochiez à ALR de citer cette lettre montre votre démarche purement politique (sous couvert d'apolitisme) : cette lettre vient des archives, mais puisqu'elle ne reflète pas votre point de vue politique, vous vous sentez le besoin de la descendre et d'en faire une vulgaire lettre sans intérêt... quelle curieuse vue pour un historien. Cette lettre montre que beaucoup de gens à l'époque étaient persuadés que les bourgeoisies occidentales poussaient à une victoire facile à l'ouest pour jeter Hitler le plus vite possible à l'est... Je ne vois pas ce que Braudel ou Veyne ont à voir là-dedans. Encore une fois un document d'époque contrarie votre vision "apolitique" et donc vous vous sentez obligé de le discréditer, même si ça vient des archives.
3-les procès de Moscou sont une autre affaire, mais après tout là encore pourquoi ALR ne pourrait pas avoir son point de vue à elle étayé par des sources d'époque ? Le complot des "synarques" l'extrême-droite le voit comme un complot judéo-maçonnique ; l'extrême-gauche comme un complot oligarchique capitaliste ; ce n'est pas tout à fait la même chose (nuance!). L'extrême-gauche ne vas pas s'appuyer sur
Mein Kampf, mais plutôt sur
Le capital de Marx ; l'extrême-gauche va plutôt stigmatiser la cupidité, l'extrême-droite les juifs et les étrangers. ALR cite de rares fois Jean Mamy pour montrer que même à l'extrême-droite certains étaient prêts à reconnaître l'implication de hautes personnalités dans la défaite. ALR comme Mamy veut expliquer l'étrange défaite qui suit la drôle de guerre. Vous les stigmatisez parce qu'ils ont des points de vue politiques différents du vôtre, mais historiquement leur interrogation n'est pas condamnable : comment expliquer que la France ait été si peu pugnace pendant la "drôle de guerre" et comment expliquer une déroute si rapide pendant la phase offensive ? Vous avez votre point de vue (que vous vous gardez bien cependant d'évoquer clairement), d'autres ont d'autres points de vue. Ça ne veut pas dire que votre point de vue vaut mieux que celui des autres...
Heureusement que des historiens comme ALR vont parfois dans les archives plutôt que de nous resservir sans cesse la même version des faits... étant donné votre conservatisme idéologique je ne crois pas que c'aurait été vous qui aurait fait le geste de se baisser our aller dans les archives que ALR a visité... et étant donné votre point de vue idéologique, même si vous y étiez allé, vous auriez dit : "mon dieu des monceaux de propagande bolchévique ! ils ont même infiltré les services de renseignements français!" et vous auriez classé l'affaire ! Entre cette attitude, et l'attitude de ALR qui est dit de citer un maximum ces sources (même celles qui ne plaisent pas), je préfère la seconde, quand bien même elle a un point de vue idéologique assumé (ce qui n'est pas votre cas). Quand je vous lis critiquer ALR je vois un peu un "historien de salon" critiquer un historien de terrain...