Je reviens sur notre ami Talleyrand.
Sans nier sa vénalité et son esprit de trahison, il est remarquable de constater à quel point il a été fidèle à ses idées politiques et à sa conception du pouvoir. Il était l'homme de la paix, de l'équilibre (tant intérieur - un pouvoir contrôlé par les chambres, les corps intermédiaires - qu'extérieur - équilibre des puissances avec existence d'États tampons entre elles), de la modération. Il est adversaire du pouvoir fort, de l'homme providentiel, de l'hégémonie, de l'impérialisme et de l'unilatéralisme. Mais il a vécu à une époque de fureur, la plus troublée de l'histoire de France sur le plan politique et institutionnel. Il a connu la monarchie absolue, la monarchie constitutionnelle, la république, le directoire, le consulat, l'empire, la première restauration, le retour de Napoléon, la deuxième restauration, la révolution de 1830, Louis-Philippe et la branche orléaniste. La France allait d'un extrême à l'autre, d'un bord à l'autre, comme une balle de flipper. Pour un homme cherchant l'équilibre et le juste milieu, ce n'était pas exactement la période idéale. Ce qui explique, en partie, ses multiples trahisons.
Adversaire de la monarchie absolue et du pouvoir autocratique, il soutient la Révolution dont il est l'une des premières grandes figures. Puis, la Révolution tombant dans les dérives que l'on connaît (violence, terreur...), il s'en écarte et cherche un homme capable d'arrêter l'effusion de sang. Ce sera Bonaparte, que Talleyrand a aidé plus qu'on ne le croit lors du Coup du 18 Brumaire. Et
bis repetita: ça commence bien, Bonaparte stabilisant effectivement le pays. Puis Bonaparte devient Napoléon et part à la conquête de l'Europe (pouvoir autocratique et impérialisme, tout ce que Talleyrand détestait) et l'homme du Périgord s'en écarte. Vient la restauration, dont il est l'une des principales figures et l'un des plus chauds partisans de Louis XVIII. Mais dans l'entourage de ce dernier, les Ultras font du bruit et poussent à un retour à l'avant-1789, ce que ne peut accepter Talleyrand, d'où une nouvelle prise de distance (un peu forcée également). Bref, on pourrait continuer comme ça longtemps... Constance dans ses idées politiques, trahison des régimes qui trahissaient leurs (ses?) aspirations premières. Vient à l'esprit son "
Je n'ai jamais trahi de prince qui ne s'était pas lui-même déjà trahi".
Même si c'est un vieux message, il y a quand même des choses que...
Roy-Henry a écrit :
Encore un point sur lequel insister: Talleyrand n'était pas un grand diplomate !
Son oeuvre est-elle plus considérable au service des Bourbons ? Il n'a rien obtenu des Alliés. Ceux-ci exigeaient le retour aux frontières de 1792 et l'ont imposé à Louis XVIII sans que Talleyrand obtienne la moindre concession.
Il a obtenu que la France ne paye pas de réparations, ne soit pas occupée par les armées alliées et revienne effectivement à ses frontières de 1792 (et non 1789). Pas mal quand son pays vient de se faire écraser militairement par l'Europe entière.
Citer :
A la seconde Restauration, Talleyrand a dû consentir aux nouveaux empiètements des Alliés: il s'est révélé incapable de les convaincre de renoncer à de nouvelles annexions. Pourtant, il était facile de démontrer que ces nouvelles pertes amenuiseraient encore le prestige des Bourbons !
C'est plutôt normal, Napoléon étant revenu de son exil, mettant à bas les efforts du premier traité de paix.
Bref, il faut être de mauvaise foi pour accuser Talleyrand d'avoir été un piètre diplomate en 1814 et 1815. C'est déjà un "exploit" que la France ait été présente lors des négociations, et c'est Talleyrand qui a un peu forcé la porte.