Zigourat a écrit :
Bonjour à tous,
Dans l'ouvrage
Mensonges freudiens de Jacques Bénesteau, on peut lire en haut de la page 54 :
Citer :
Sabina Spielrein [une amie de Freud], fusillée par les Allemands en juillet 1942 avec ses deux filles, avait déjà perdu son mari, puis trois frères dans les camps de la mort de Staline durant les années trente.
Une note renvoie à un ouvrage, J. Kerr
A most dangerous method. The story of Jung, Freud and Sabina Spielrein - Sinclair-Stevenson 1994 p. 478, ouvrage que je ne connais pas.
J'ai donc écrit à l'auteur, via l'éditeur, pour en savoir plus sur cette histoire, mais je n'ai pas eu de réponse.
J'ai alors fait le lien avec une émission vue sur Arte, dans laquelle un ancien aide de camp de Staline disait avoir eu l'ordre de fusiller 1 000 juifs par jour.
Quel reportage et quel "aide de camp"?
Zigourat a écrit :
1 000 personnes par jour, cela commence à compter si cela dure plusieurs années.
Or l'histoire de Sabina Spielrein semble laisser entendre que ce genre de choses ait pu éventuellement commencer en URSS avant l'Holocauste nazi ?!
Qu'en est-il exactement ?
Y a-t-il eu effectivement des exterminations de masse en URSS dès les années trente visant les juifs ? Durant quelles années ? Y a-t-il des chiffres ?
Pour faire court, peut-on évoquer une sorte de pré-Shoah soviétique, ou de Shoah pré-nazie ?
Merci pour vos éclaircissements, car je ne sais pas où chercher des informations.
Zigourat
Pour faire court les grandes purges n'ont pas un caractère spécifiquement antisémite, et il n'est pas rare de voir des familles décimées, qu'elles soient juives ou pas. Certains voudraient voir un acharnement antisémite, par exemple dans les purges militaires, c'est vrai que la proportion de Juifs semblent dépasser allègrement les moyennes nationales, mais il faut noter que ceux-ci sont nombreux dans l'appareil administratif après la révolution. Comme les purges sont faites en partie sur une base de dénonciation, il n'est pas impossible qu'un antisémitisme "traditionnel" ait joué dans le chef de certains, faisant des juifs des cibles privilégiés, mais à l'époque il n'y a pas d'appel du sommet pour liquider les juifs. De toute manière, l'URSS n'a pas avant guerre de politique antisémite et on trouve des juifs présents à tous les niveaux de pouvoir.
Après-guerre, la situation est plus complexe: un certain antisémitisme renaît dans la vague nationaliste qui s'est consolidée pendant la guerre, mais c'est surtout la création de l'Etat d'Israël et la nomination de Golda Meir comme ambassadrice en URSS qui vont compliquer les choses. Le sionisme a toujours été considéré par les communistes comme un courant nationaliste petit-bourgeois, l'URSS va pourtant être un des principaux soutien d'Israël dans les premiers mois de son existence. Mais il s'avère que non seulement les tendances sionistes l'emportent largement sur les communistes en Israël et que pour des raisons financières et politiques le nouvel Etat se tourne aussi vers les Etat-Unis et certains pays occidentaux. De plus Golda Meir, pendant son bref passage en URSS, provoque une manifestation juive d'envergure dans les rues de Moscou qui attise la suspicion du pouvoir. La campagne anti-cosmopolite, le complot des blouses blanches sont parmi d'autres des actions marquées par un antisémitisme sous-jacent, encore qu'il y a sans doute à faire la distinction, toujours délicate, avec l'antisionisme. Mais cela ne se traduit pas, même si certains prétendent que la déportation de tous les juifs étaient prévue, par une persécution de tous les juifs d'URSS.
Il faut de plus être assez prudent avec cette idée d'une URSS antisémite après-guerre, ou même d'un Staline antisémite, qu'en on en parle avec des gens, même cultivés, de l'ex-bloc de l'est, on est souvent surprit de voir Staline assimilé aux juifs et de fait des juifs occupent dans ces pays des places importantes dont ils seront souvent (en Pologne par exemple) délogés dans les années 60. Le procès Slansky voit beaucoup de juifs sur le banc des accusés, mais en Hongrie c'est Rakosi qui reste le symbole du stalinisme et en Roumanie et en Pologne, les noms de Georghe Gaston Marin, Silviu Brucan, Ana Pauker (celle-ci a été purgée sous Staline), Yacub Berman ou Hilary Minc servent encore de déversoirs pour la rancœur de ces années-là et dans cette démarche aussi, l'antisémitisme n'est jamais loin...