Gevaudan a écrit :
A croire que pour beaucoup d'occidentaux, l'URSS n'était composée que de russes.
Ou plutôt de Soviétiques.
La propagande soviétique prétendait ignorer ou mépriser les nationalités et les frontières (non communistes) comme folklores réactionnaires/conservatistes/bourgeois/capitalistes. Elle était abondament reprise par ses relais intellectuels et pro-communistes en Occident, comme l'illustre cette anecdote rapportée par Alain Peyrefitte :
Citer :
Après le Conseil du 10 septembre 1962.
« Certains éditorialistes ont regretté que vous ayez exalté le nationalisme allemand.
GdG. — Ça doit être des MRP, ou de socialistes. Ils ne voient pas les réalités. Leurs internationalisme les aveugle.
AP. — Vous ne craignez pas qu’on vous taxe vous-même de nationalisme ?
GdG. — Mais non ! Ce que nous faisons n’a rien à voir avec le nationalisme. Le sentiment national est naturel à toutes les nations, à tous les pays. Il est aussi naturel que l’amour filial ou que l’affection familiale. Il est souhaitable qu’une nation veuille vivre, se défendre et se perpétuer. Un peuple n’est bien dans sa peau que s’il forme une nation indépendante. Le nationalisme, ça consiste à affirmer sa propre nation au détriment des autres. Le nationalisme, c’est de l’égoïsme. Nous, ce que nous voulons, c’est que tous les peuples affirment leur sentiment national.
AP. — Votre doctrine, en somme, ce n’est pas le nationalisme français, c’est le pan-nationalisme, le nationalisme universel ?
GdG. — Si vous voulez. Que tous les peuples du monde forment des nations et soient protégés par des États qui coopèrent entre eux.
« Voyez-vous, l’Europe est composée de vieilles nations qui ont des siècles et des siècles derrière elles. Des langues différentes. Des cultures différentes. Les Italiens seront toujours des Italiens, les Allemands seront toujours des Allemands, les Polonais seront toujours des Polonais. Je veux dire : “S’ils restent agglomérés.” On peut assimiler un Polonais, une famille polonaise, quelques groupes de Polonais, on ne peut pas assimiler le peuple polonais. On ne peut pas assimiler le peuple allemand. C’est pourquoi j’ai encouragé les Allemands à être eux-mêmes ; à condition que les Allemands respectent le sentiment national des autres, c’est-à-dire respectent les autres nations.
AP. — C’est pour ça que vous parlez de la Russie et non de l’Union soviétique.
GdG. — Les seules réalités internationales, ce sont les nations. La Russie boira le communisme comme le buvard boit l’encre. »
J’ai rapporté cette phrase à notre meilleur « kremlinologue », mon aîné du Quai d’Orsay. Il s’est esclaffé en se tapant sur les cuisses : « Mais il n’a rien compris ! Le Russe, ça n’existe plus, la Russie a disparu. Il n’y a plus que l’Union soviétique. Il n’y a plus que l’homo sovieticus. Pendant trois générations, on a fait du lavage de cerveau, et le fond de la culture russe a disparu ; il n’en reste plus rien. Tous sont devenus des robots soviétisés. »
Il a fallu attendre trente ans – le temps de « soviétiser » une quatrième génération – pour que l’Histoire donne raison à l’homme de l’Histoire et confonde le grand expert.
Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, tome I